Chapitre 3

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Dans la loge de la salle de concert, assis en face d'un miroir éclairé par des ampoules diffusant une lumière jaunâtre, Florent tentait tant bien que mal de mettre du far à paupière. Contrairement aux filles de la troupe et à Mikelangelo, l'interprète de Salieri n'avait pas l'habitude de se maquiller seul. Pendant la comédie musicale, c'était une maquilleuse qui lui étalait la poudre sombre autour des yeux ou alors il demandait à Maeva de l'aider pour les showcases en costume. Mais ce soir la chanteuse avait un problème avec la fermeture éclair de sa robe et ne pouvait donc pas le maquiller immédiatement.

Le pinceau de Florent lui échappa des mains et un rire éclata derrière lui en même temps que retentit le petit son aiguë de la brosse tombant au sol.

- Tu veux que je t'aide avant que tu ne ressembles à un panda avec tout ce far à paupière sous les yeux ? Lui proposa Mikelangelo.

- Oui, je pense que ça sera mieux, répondit Florent, soulagé que quelqu'un lui vienne en aide.

L'italien ramassa le pinceau puis se pencha vers Florent, observant ses yeux.

- Je te mets du crayon et ensuite j'arrangerai tout ça, annonça le blond en attrapant le-dit crayon.

Florent hocha la tête alors que Mikelangelo se rapprochait de son visage. Il était juste en face de lui, tout proche, et le fixait dans les yeux avec concentration. Le brun commença soudain à se sentir mal à l'aise face à ce regard si intense le toisant, ne sachant pas trop lui-même où poser le sien. Il se faisait violence pour ne pas combler le peu d'espace qu'il y avait entre eux, pour ignorer le souffle de l'autre qui venait lui chatouiller la peau, pour rester impassible.

- Lève les yeux, lui ordonna Mikelangelo. C'est plus facile pour te mettre l'eyeliner.

Le français s'exécuta et remarqua que contempler le plafond bousculait beaucoup moins ses émotions que contempler le visage de l'autre homme. Il se détendit un peu.

- Maintenant ferme les yeux s'il te plaît, lui demanda Mikelangelo.

Florent ferma les paupières et son ami commença à lui enlever le surplus de poudre noire avec un coton. Sa main frôla à plusieurs reprises la joue de Florent qui repoussa un frisson, ses sensations décuplées par ses yeux clos. Il n'arrivait pas à se focaliser sur autre chose que Mikelangelo si proche de lui, ses mains sur son visage et caressant ses paupières du bout du pinceau.

- Perfetto !

Florent rouvrit les yeux, soulagé. La torture pourtant agréable prenait fin.
Le plus jeune observa son propre reflet dans le miroir. Il portait un costume noir plutôt simple mais élégant et avait lissé ses cheveux pour les laisser retomber sur son front et son œil droit, à la manière d'Antonio Salieri. Et pourtant ce soir ce n'était pas le maestro italien qui allait chanter sur scène, mais bien Florent Mothe. Pas de rôle à interpréter, pas de comédie, il pourra se laisser porter par ses propres émotions lorsqu'il chantera. C'était différent mais tout aussi plaisant.

Mikelangelo lui lança un sourire à travers le miroir puis attrapa une bombe de laque pour s'en asperger les cheveux. Ça ne servait pas à grand chose étant donné que ses cheveux n'étaient même pas coiffés, ondulant d'une façon désordonnée sur sa tête, mais Florent ne dit rien, lui rendant juste son sourire.

Monter sur scène avait toujours quelque chose d'angoissant, mais Florent savait que là était sa place. Il chanta L'Assasymphonie puis Le Bien Qui Fait Mal en ressentant la chanson, en y mettant toute son âme, comme il le faisait à chaque fois qu'il chantait. S'exprimer sur scène, sous la chaleur des projecteurs et devant des centaines de personnes était une chose si plaisante et naturelle pour lui. C'est dans ces moments là qu'il vivait, enfin.

De Paris à Saint-PétersbourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant