Fallen

Chapitre X : Fast

Ne me quittant pas des yeux, Achille s'avança vers nous, la démarche lente et calculée. Son halo étincelant jurait si fort avec le reste des invités que je plissais les yeux en tentant de composer une mine indifférente. Je jetais un regard de biais à Romain. Son attention fut happée par un groupe de personnes et il s'éloigna en m'adressant un petit signe de la main, me laissant seule.

- Salut toi, m'intima finalement Achille, achevant de me liquéfier sur place.

Un mélange d'émotions me submèrgèrent et je tentais de les identifier, prenant appui sur la table derrière moi. Curiosité, peur, anxiété, et autre chose de plus... prégnant. Presque animal. Je secouais la tête et remis mon sac sur mon épaule. Mon coeur ronflait si fort qu'il devait sûrement s'entendre plus que la musique.

« Qu'est-ce qui m'arrive, bon sang ? »

- Hey toi, finis-je par bredouiller, on s'apprêtait justement à partir...

Ma voix était sèche et sifflante. Je me raclais discrètement la gorge et soutenais son incroyable regard. Celui-ci passa du mien à Romain et l'examina minutieusement de haut en bas, avant de s'attarder sur ses chaussures tachées de peinture. Lorsqu'il eu finit son examen, Achille reporta son attention sur moi, et de nouveau le monde sembla disparaître.

- Lui il a pas l'air prêt à partir en tout cas, s'amusa-il. C'est ton copain ?

Je piquais un fard.
- Non, c'est un ami.

C'est alors que sa voix transperça mes pensées et fit silence autour de moi. Elle était là. Dans ma tête. Comme celle de Paul lorsqu'il était avec moi.

« - Je sais qui tu es. »

- Hein ?

Je me figeais, manquant de me dérober sur place.

« Comment...? Comment est-ce possible...? »

« - C'est possible parce que je suis comme toi, Lie. D'ailleurs, tu devrais mieux t'entraîner, tu es si transparente, c'en est presque amusant. »

Son rire cristallin résonna en échos dans mon crâne et mon coeur, brisant tout le reste, et toutes mes certitudes. Mon passé me rattrapais.

Pourtant, il n'avait pas prononcé un seul mot, se contentant de bouger au rythme des basses en continuant de me fixer. Je hoquetais, paniquée.

- Lie, ça va ?

Le ton qu'il prit cette fois-ci semblait sincèrement inquiet. Son aura redoubla d'intensité, brisant mes dernières défenses. Un torrent de colère monta en moi, menaçant de me faire exploser.

« Comment ose-t-il...? »

J'étais une boule de nerfs prête à exploser. Mon secret était menacé, et Achille n'était clairement pas humain. Mais ce n'était pas non plus un déchu. Il n'en existait aucun autour du campus, Paul me l'avait assuré. Le halo de Achille semblait trop plein, trop maîtrisé.

« Mais alors...? Oh non. Non non non NON !»

- Je dois partir, soufflais-je, me contenant le plus possible.

« - Attends. »

Je me retournais, furieuse et m'accrochais une nouvelle fois aux yeux incendiaires d'Achille. Un sourire narquois étirait son visage.

« Qu'est ce que tu veux ? Pourquoi tu ne me laisses pas tranquille ? »

« - C'est trop tard pour te laisser tranquille. Dès la première fois que je t'ai vue j'ai su que c'était toi qu'il me fallait. Tu sais ce qu'il se passe entre nous. Tu sais à quel point c'est difficile d'être comme toi et moi. »

« T'es complètement malade, dégage ! »

« - Moi aussi je me sentais prisonnier, Lie. »

Je me figeais de nouveau, incrédule.

« Montre moi tes cicatrices. Je veux les voir. »

« - Pas ici. Viens avec moi, et je te dirai tout. »

Je soufflais, incertaine, tandis que nous nous fixiions toujours, sans prononcer un seul mot.
Achille capta mon regard, et me pris par le bras avant de m'entraîner hors de la pièce. Il m'isola  dans la cuisine et j'en profitais pour l'observer d'autant plus.

Sous les néons crus, son aura bleutée tourbillonnait autour de lui, s'élevant jusqu'au plafond haut, lui donnant un aspect éthéré, presque fascinant. Il portait un simple t-shirt brun dessinant son torse long et ciselé ainsi qu'un pantalon noir, griffé, surmonté de bottes toutes aussi sombres. Je déglutis.

Il s'approcha, brisant les codes que j'avais réussi à intégrer jusque là. Je m'efforcais de reculer, et finit par rencontrer un plan de travail sur lequel je me ratatinais maladroitement. J'étais mal à l'aise, et je ne savais pas ce qui allait m'arriver. Achille continua de se rapprocher jusqu'à ce que ses genoux finissent par effleurer mes cuisses. Il se pencha, passant un bras au dessus de mon visage. Je tentais de garder une respiration régulière. Ses yeux si verts semblèrent de liquéfier sous les miens, et ses lèvres s'entrouvrirent.

- Je cherchais quelqu'un comme toi depuis si longtemps...

« Va-t-en, je t'en prie... Je ne veux plus rencontrer de déchus ou d'anges, je veux seulement être humaine... »

« - Le veux-tu seulement en ce moment ? »

- Achille, je...

Il fixa ma bouche avec une telle sensualité que tout mon corps se contracta. Je n'avais plus d'espace, je ne pouvais plus fuir. Ses lèvres se rapprochèrent des miennes, ses mains s'enfouissant dans ma chevelure et l'espace d'un instant, il s'entrouvrit à moi, achevant de briser mes dernières défenses.