Lie a fait un choix. Sans ses ailes qui lui ont été arrachées et dorénavant pourvue d'émotions, de sentiments humains et de pouvoirs propres aux anges déchus, elle doit s'intégrer au monde tout en préservant cette partie secrète d'elle-même.
Mais...
La musique battait son plein lorsque Romain gara la voiture devant ce qui semblait être la maison d'Héléna. Des dizaines d'autres véhicules entouraient le notre, certains alignés, d'autres les roues posées en équilibre incertain sur les pavés de la longue allée nous faisant face. Devant nous, une grande bâtisse surmontées de baies vitrées d'où l'on pouvait apercevoir les fêtards, amas de carrés de bois et de béton emboîtés les uns dans les autres.
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J'observai en silence, m'imprégnant de l'ambiance générée par les auras. Allant d'un blanc éclatant au rouge vif (et je me sentie devenir cramoisie devant la signification de celles-ci) elles me rassurèrent tout de même.
- Hé ben, souffla Romain en coupant le contact, on dirait que ses parents savent quoi faire de leur argent. - Pourquoi tu dis ça ? fis-je d'une toute petite voix nouée d'incompréhension.
Il me fixa comme si j'avais l'air d'une débile profonde et je piquais un fard, serrant les dents involontairement. Une émotion brusque et violente s'empara alors de moi. C'était quelque chose de négatif, d'urgent. J'avais besoin de quelqu'un qui puisse comprendre mes manques et ma façon de percevoir ce monde comme quelque chose de nouveau et non d'intuitif alors que j'avais l'air d'une banale adolescente. En apparence seulement.
"Paul !"
Mais il n'était pas là. Mon cri intérieur résonna en échos dans mon esprit, tambourina jusqu'au sien, le cherchant dans l'espace temps. Seul le silence me répondit. Paul était l'un des Archanges les plus sollicités du Cercle. Et même si j'étais spéciale à ses yeux, il ne pouvait répondre automatiquement à chaque appel que je lui lançais. Mes pensées s'assombrirent immédiatement, brisant l'instant d'oeuphorie instauré depuis quelques minutes.
"Je n'y peux rien, je ne sais rien de tout cela. Si tu connaissais mon passé, Romain... Je ne viens pas de ton monde. Le mien n'est que lumières, âmes, ordres et répétion. Mais je ne peux rien te dire. Jamais."
- Enfin Lie, t'as vu cette baraque ? s'exclama Romain, interrompant mon pénible monologue interne. On dirait celles des films américains. C'est ouf !
En même temps qu'il prononça ces paroles, son halo vira à un bleu azur, éclairant son visage qui paraissait d'un coup avoir perdu dix ans. Romain se tortilla sur son siège, plus énervé qu'un gosse, visiblement plus pressé que moi de se mêler à la foule à l'intérieur. Je tentais de ravaler ma brusque douleur en déglutissant, en vain.
- Allez, fit-il en ouvrant sa portière, dépêche ! Je ne veux pas rater une miette de cette soirée !
Je défis avec difficulté la ceinture qu'il m'avait accrochée et sortais péniblement de l'habitacle en composant un sourire de circonstance.
"Je ne dois pas gâcher sa bonne humeur par mes circonspections intérieures."
Mon coeur se mit à tambouriner violemment, menaçant d'exploser dans ma cage thoracique. J'étais si stressée que mes mains glissèrent sur la carosserie, et je me senti défaillir.
- Romain, je ne me sens pas prête du tout, lançais-je en cri d'alarme.
Il se retourna, l'air ahuri. Je devais avoir une tête affreuse car non seulement sa mine joviale se décomposa instantanément, à l'instar de son aura qui vira à un gris sale. Il me rattrapa au vol.
- Lie, quelque chose ne va pas... ?
Je me relevai et inspirai, prenant le temps de recouvrer mes esprits.
- C'est que.. Je n'ai jamais été en soirée de ma vie, avouais-je, penaude.
Romain éclata de rire et tout le gris s'évapora d'autour de lui en un clin d'oeil, révélant un halo d'un bleu plus pur que celui du Ciel. Je souris, émerveillée.
- Jamais jamais ? - Non, je n'en ai pas encore eue l'occasion...
Il m'ébouriffa la tignasse et m'attrapa le bras, m'entrainant à sa suite.
- Je me doutais bien va, t'as pas l'air très dégourdie. Tes parents ne te sortaient pas beaucoup j'imagine ! - Hum oui ahahaha.
Mon coeur se serra un instant sous l'emprise de mon mensonge. J'étais contrainte de mentir. Moi, à qui on avait toujours défendu de le faire. Je me mordis la lèvre et me laissai faire. Romain poussa le portail en fer noir et nous avançâmes dans l'allée parsemée d'éclairages blancs. Des fêtards s'alignaient près de la piscine, d'autres s'étendaient sur la pelouse, des bières à la main. La musique emplit mes oreilles, et je me mêlais à la foule, amas d'auras me parvenant de tous parts. Romain lâcha mon bras, se tournant vers un grand musclé qu'il salua d'une drôle de façon. Je lui lançais un appel silencieux mais il se contenta de me fixer en souriant avant de se joindre à moi. Je balançais les pieds bêtement, ne sachant trop que faire de mon corps au milieu des autres. Certains étaient affalés dans des canapés, d'autres discutaient avec animation près du coin des boissons. Plus loin, un couple entouré d'un même halo d'un rouge profondément sensuel s'embrassait. Je détournai le regard et suivi celui de Romain.
- Lache-toi, m'intima-t-il, en bougeant son corps d'une drôle de façon.
Je fermai les yeux un instant, me laissant emporter par la musique. C'était si intense, si spécial, et si nouveau tout à la fois. Des frissons me parcoururent l'échine et j'observai mes bras, émerveillée. Je les levai et ouvrit les yeux, me balançant d'un pied su l'autre. Romain me souri dans l'obscurité, et les néons créaient de drôles d'ombres sur son visage. Une sensation que je n'avais jusqu'alors jamais éprouvée m'envahie et je me laissai à la découvrir, perdue entre l'émerveillement et la puissance d'être. Je dansais au milieu d'une foule d'ados, j'étais Lie. Il n'y avait plus d'ange éperdu au Ciel, j'étais humaine, et seulement ça.
C'est alors qu'un aura tourbillonnante s'éleva parmis les autres, emplissant mon chant de vision d'un halo pur, lumineux, presque aveuglant. Prise de panique, je fis marche arrière et tentais de sortir de la pièce, mais c'était trop tard, la source de lumière jaillissante se dirigeait tout droit en ma direction.
"Oh non..."
Achille se tenait devant moi tel un Ange de la mort, les cheveux relevés, son regard topaze m'incendiant sur place.