Chapitre 1

91 4 2
                                    

  Alice servit le shérif, assit seul sur l'une des banquettes proches de la porte d'entrée. Ce dernier la remercia tout en prenant des nouvelles de son frère, militaire, reparti en mission il y a maintenant deux mois. Alice n'avait pas encore eu de nouvelle et elle se confia avec le sourire, un sourire de façade que le shérif ne perça pas. Puis elle s'éloigna et reposa la cafetière sur le bar. Son regard chercha l'horloge et elle soupira de soulagement lorsqu'elle se rendit compte que son service se terminait dans seulement deux minutes. Un jeune homme entra dans le restaurant de la station service alors qu'elle s'apprêtait à retirer son tablier. Elle cacha son agacement et s'approcha de la table où il venait de s'installer. Elle prit sa commande rapidement, le servit puis s'éclipsa. Elle rejoignit l'arrière du restaurant pour se changer et récupérer son sac dans son casier puis revint dans la salle principale. Elle salua sa collègue qui l'avait rejointe une heure plus tôt et qui finirait la soirée seule. Elle s'apprêtait à sortir lorsqu'un cri strident résonna dehors et la figea à l'entrée. Le shérif se releva d'un bond, renversant son café sur la table sans y faire attention. Il rejoignit Alice devant la porte vitrée de l'entrée, juste à temps pour voir Jonathan, le jeune étudiant qui s'occupait des pompes à essence, courir vers eux, l'air paniqué. Alice se jeta sur la porte pour l'ouvrir et laisser passer le jeune homme. Il ne s'arrêta même pas lorsqu'il pénétra dans la salle du restaurant. Il continua vers les cuisines, sans une explication, sans un mot. Le shérif poussa Alice en arrière avant de sortir. La jeune femme recula de quelques pas mais resta face à la porte, afin d'apercevoir le shérif. Ce dernier eut seulement le temps de faire deux pas avant qu'un tir ne retentisse. Alice lâcha un cri, bien malgré elle, et plaqua ses mains sur sa bouche. Horrifiée, les yeux écarquillés, elle regarda le shérif tomber à la renverse et ce qu'elle découvrit juste derrière lui la pétrifia. L'homme qui était arrivé seulement cinq minutes plus tôt la rejoignit à l'entrée. Il laissa échapper un juron avant de l'attraper par le bras pour la tirer vers l'arrière.

- COUREZ ! » Hurla l'homme à tous les clients du restaurant, faisant sursauter Alice.

La jeune femme se reprit et alla se réfugier sous une table au fond de la salle pendant que les clients du petit restaurant paniquaient, courant dans tous les sens. Alice repéra l'homme qui venait de donner l'alerte. Il était dos au mur, à droite de la porte et attendait que l'être étrange qu'ils avaient tous les deux découvert, rentre. Il était complètement fou ! Il se ferait tuer à coup sûr ! Il ne pouvait rien faire contre cette chose que Alice n'avait jamais vu et qui avait abattu le shérif à l'aide d'une arme toute aussi étrange qu'elle. Alice le fixa, chercha son regard pour lui faire signe de ne rien tenter de stupide. Mais l'homme ne la regardait pas, il semblait concentré sur sa respiration et fixait la cafetière posée sur le comptoir du bar, juste en face de lui. Dedans, il devinait bien assez le reflet de la créature pour savoir qu'elle était sur le point de passer la porte. Dès que ce fut le cas, le jeune homme se jeta sur elle, sans chercher à savoir à quoi il pouvait bien être en train de s'attaquer. Tout ce qu'il savait, c'est que cette chose allait les tuer s'il ne le faisait pas avant. Il agrippa la créature par le cou pour tenter de l'étrangler. Mais la forme qui lui faisait face l'éjecta avec une facilité déconcertante et il s'écrasa contre le bar. Sonné, il se tourna vers la jeune serveuse du restaurant, priant pour qu'elle ne se fasse pas repérer. Elle le fixait, ses yeux débordants d'une peur qui faisait trembler tout son corps.

La créature s'était déjà désintéressée de lui pour s'attaquer à un autre homme qui était resté paralysé après l'entrée de cette dernière. Une étrange tentacule poussa soudainement du dos de l'être et attrapa l'homme. La créature de plus en plus étrange le propulsa à travers une fenêtre. Il finit par s'écraser sur le parking, à côté du shérif, inerte. Alice recouvrit de nouveau sa bouche avec ses mains pour ne pas crier. Le jeune homme en face d'elle se redressa doucement, s'accoudant au bar. La créature se tourna alors de nouveau vers lui. Alice en profita pour se lever à toute allure et courir sur le parking. L'homme se jeta sur l'étrange être qui venait de faire son apparition, afin de faire diversion. La jeune femme s'arrêta un instant pour le regarder se battre puis reprit sa course jusqu'aux cadavres du parking. Même si elle avait peu d'espoir, elle prit le temps de vérifier le pouls des deux hommes. Mais ils étaient bels et bien morts. Se retenant de vomir, Alice ramassa l'arme à côté du cadavre du shérif et se redressa. Lentement, elle pivota vers l'entrée du restaurant et leva l'arme. Ses mains tremblaient, elle n'était même pas sûre de savoir comment utiliser une arme à feu. Est-ce que la sécurité était enclenchée ? Est-ce que l'arme était chargée ? Autour d'elle, les gens fuyaient et s'éloignaient de plus en plus du restaurant, les laissant seuls.

- Va-t-en ! » Lui hurla alors l'homme qui se débattait toujours avec cette chose sans nom dont le corps ressemblait presque à celui d'un être humain. Mais ce n'était pas un être humain ...

Cette fois-ci, Alice pleurait. Elle secoua la tête en signe de négation. Elle ne pouvait pas le laisser là alors qu'il avait été le seul à tenter de tous les sauver. Mais elle était toujours aussi incapable de faire quoi que ce soit avec l'arme qu'elle tenait tendue à bout de bras. Dans son esprit, les injures se succédaient, elle se détestait d'être aussi pétrifiée, aussi inutile, aussi peu courageuse. Mais elle n'était pas son frère, elle n'avait jamais été comme lui, elle n'avait jamais été courageuse, une battante. Ses pleurs redoublèrent pendant que le jeune homme traversait à son tour l'une des vitres du restaurant. De nouveau, la créature se détourna de lui. La seconde serveuse du restaurant venait de hurler et d'attirer malgré elle l'attention de cette dernière. Alice réussit à se reprendre et s'élança vers le corps du jeune homme. Alors qu'elle s'agenouillait à ses côtés, il se redressa lentement. Sa bouche et son nez étaient en sang. Son arcade était profondément ouverte. Il semblait sonné mais tenta tout de même de se relever. La collègue de Alice hurla pour la seconde fois, attirant son regard. Alice n'en pouvait plus, il était temps que tout cela s'arrête.

- HEY, hurla-t-elle à pleins poumons, PAR ICI SALE PUTE ! »

Le jeune homme la regarda avec étonnement pendant que la créature tournait la tête vers elle, enfin, ce qui ressemblait le plus à une tête. Les yeux qui la fixait ressemblaient à ceux d'un lézard, d'un vert perçant. Le nez se résumait à deux simples trous au milieu du visage. Et ses dents était acérées. Alice tendit de nouveau l'arme à feu devant elle. Ses mains tremblaient toujours autant mais son regard avait changé. Elle était excédée. Elle avait peur. Elle ne comprenait rien de ce qu'il était en train de se passer. Elle avait l'impression d'être dans un horrible cauchemar et tout ce qu'elle voulait, c'était que ça s'arrête enfin. Alors, quand l'étrange être vivant aux multiples tentacules provenant de son dos commença à s'approcher d'elle, Alice n'hésita pas une seconde. Elle tira, une fois, puis deux, puis trois. A chaque fois, la créature laissait échapper un hurlement qui semblait être un hurlement de douleur et poussait Alice a récidiver. Enfin, après cinq balles dans la tête et dans la poitrine, la créature s'effondra a son tour sur le parking.  

LiarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant