Le croisement des destinées

9. De Ketheny à Tenriel

Cela faisait déjà quelque jour que Will devait supporter le soldat de Tenriel et
celui-ci ne s'était pas adoucit avec le temps. Cela avait même empiré de jour en jour...
Chaque journée s’écoulait de la même manière, Will était réveillé avec des
coups de pieds et des injures, regardait le soldat manger son petit déjeuner tout
en sentant son propre ventre gargouiller, après ils rangeaient le campement et continuaient leur route. Ils ne s'arrêtaient qu'à la nuit tombée, le soldat mangeait et lui devait dresser le campement. Après le soldat l'attachait à un arbre et allait se coucher.
Mais ce matin il ne fût pas réveillé à coup d'injures car il n'avait tout court pas réussi à s'endormir. Il avait très mal au dos à force de dormir contre un arbre.
Le soleil commençait à poindre, le soldat ne devrait pas tarder. Will se dit que
c'était sa seule chance de s'échapper, il tira sur ses poignets mais ils étaient
solidement attachés ensemble.
Il chercha un objet tranchant du regard mais il n'apercevait que de l'herbe à
perte de vue, puis son regard se posa sur une pierre près de ses pieds. Il joua
des orteils pour approcher la pierre de lui. Elle avançait lentement mais
avançait. A présent elle avait dépassé ses genoux, plus qu'un tout petit effort. Il
la fit rouler jusqu'à sa taille. Là il se tordit dans tous les sens pour que ses
mains atteignent la pierre, après mains effort, il l'attrapa enfin.
Il commença à frotter la pierre contre ses liens, il les sentait céder petit à petit.
Il s'arrêta quelques secondes pour se reposer car c’était un travail fastidieux et épuisant. Il s'apprêtait à recommencer lorsqu'il sentit une main agripper la sienne. Elle lui arracha la pierre.
Will entendit une voix chuchoter à son oreille :
-Alors, on cherche à s'enfuir ? susurra le garde.
-Non, pas du tout, je...essaya de se défendre Will
Le coup de poing fusa immédiatement. Will en eut le souffle coupé.
-Menteur. Lui dit froidement le garde. Celui-ci lui défit ces liens.
-Allez, debout, j'ai déjà déjeuné !
Will se leva aussitôt, il n'avait pas envie d'un autre coup de pied, mais ce soir,
le garde payerait et il s'échapperait !
Un sourire sadique apparut sur ses lèvres. Il se vengerait et ce garde le
supplierait à genoux de l'épargner mais il refuserait et il lui couperait les doigts
un par un, puis les orteils.
Will se rendit compte de ce à quoi il pensait et se reprit aussitôt, ça, ce n'était pas lui, il n'était pas comme ça. Le sourire sadique disparut de ses lèvres pour faire place à la peur. Peur de lui, peur de ce qui était caché en lui....

Il suivi le garde toute la journée. Cela faisait déjà longtemps qu'il avait quitté
son village, Ketheny et il n'avait plus d'espoir d'y retourner un jour. Au loin on apercevait déjà Tenriel, c’est là qu'il serait emprisonné jusqu'au jour du
sacrifice. Mais Tenriel était entourée du bois des égarés, c’est par là que les
prisonniers qui s'échappaient passaient mais ils mouraient tous, de faim, de
froid ou tués par des Reziak, un mélange de fées et de gobelins, donc ils devaient le contourner, cela leur prendrait bien une journée.
Lorsque le soir tomba, ils avaient fini de contourner le bois et n'étaient qu'à
quelques heures de marche de Tenriel.
A présent, il n'y avait plus d'arbre pour attacher Will donc le garde lui lia les
poignets dans le dos.
Le garde mangea et alla dormir.
Will, lui, n'arrivait pas à s'endormir, il savait ce qui l'attendait.
Il retrouva son sourire sadique et commença à imaginer mille et une façon de torturer son tortionnaire : lui couper les doigts puis les mains et pourquoi pas les bras, après, lui crever les yeux et...
Will était en plein dans ses pensées de vengeance quand il sentit une vive
douleur dans ses jambes, ça avait commencé, la pleine lune s'était levée.
Il sentit ses jambes s'allonger et hurla de douleur. Après se furent ses bras qui
s'agrandirent, il entendait ses os se briser et puis se ressouder, il sentait sa peau s'étirer, sa mâchoire s'allonger, ses dents s'aiguiser. Il poussa un nouveau
hurlement de douleur mais ce n'était plus celui d'un homme mais celui d'un
loup.
A la place de Will se dressait maintenant un homme mi- loup, il était
gigantesque, son pelage était noir comme la nuit, noir comme le mal, noir
comme son passé. Mais une tache blanche se tenait sur une patte. Ses yeux étaient rouge, rouge sang. Le loup se leva et fit sauter les liens qui le retenaient sans aucun mal après, il hurla à la lune, c'était un hurlement dans lequel on sentait de la rage mais aussi de la tristesse, un tout petit peu, comme une partie cachée, une partie qui avait résisté au mal qui s'emparait de Will. C'était de là que venait la tâche blanche, la partie qui résistait. La partie qui luttait. La dernière partie qui restait de Will, du vrai Will.
La tête du loup se tourna soudain vers le garde qui dormait à quelques mètres
de là. Le loup s'approcha de lui, le renifla. Il émit un autre hurlement mais dans lequel on ne percevait plus une once de tristesse, seulement de la rage et de la colère. Le garde se réveilla en sursaut mais il n'eût même pas le temps de se rendre compte qu'il était attaqué, il fut décapité avant. Même si le garde était mort, le loup continuait de le mordre, d'arracher ses membres.
Will se délectait, le gout du sang, le gout de celui de son tortionnaire, il avait
enfin payé, enfin il s'était vengé.
D'un coup, le vrai Will, reprit le dessus, qu'avait-il fait ? Qu'était-il devenu ? Il partit en courant.
Il courait, essayait de fuir, fuir l'horreur qu'il avait faite. Mais la vitesse de ses
quatre pattes ne lui suffisait pas. En tout cas pas pour fuir assez loin, assez
vite...L'aube approchait mais il devait continuer à fuir, fuir ce qu'il avait fait...