Chapitre 6

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Le lendemain se passa sans incidents. Nous eûmes des cours toute la journée, sans épreuves. Je ne croisai pas Driss, et heureusement. C'était déjà ma dernière journée ici. Je me sentais bien, comme si ma vie d'avant était juste un rêve et que demain je pourrais me rendormir. Mon seul regret était d'être restée « normale », de ne pas avoir réussi à obtenir un quelconque pouvoir.

Le soir, nous mangeâmes à une table partagée par beaucoup de monde. Tout le monde bavardait normalement, joyeusement. A ma gauche, une fille de 19 ans racontait sa journée de transformation qui s'était déroulée le jour même. Ce qui me surprit dans son discours était qu'elle n'avait pas vraiment souffert au contact des rayons bleus. Au contraire, elle « s'était sentie renaître »...

Soudain, un sifflement coupa nos discussions. Je me retournai, et vis la Chef de la Zone en personne. Elle se tenait sur une petite estrade, et toute seule, cette fois-ci.

-Bonsoir, mes chers Extranormaux. Demain sera la fin d'une semaine de dur labeur. Vous avez tous travaillé, appris, et je suis fière de vous. Continuez comme cela, car l'attaque de nos ennemis est de plus en plus proche. Nous avons réussi à intercepter certains de leurs messages, et ils ont l'intention de détruire la chère planète Terre pour bientôt... Sinon, je tiens à féliciter une nouvelle élève, Lina.

Tout le monde se tourna vers moi.

-D'après les vidéos de l'Épreuve d'hier, tu as su te montrer brillante face au danger, même en l'absence de pouvoirs. Je voulais d'ailleurs te demander, les as-tu découverts ?

Je fis non de la tête.

-Oh, comme c'est dommage, dit Daïd d'un air déçu. Nous perdrons un bon élément. Bref, j'ai fini ce que je voulais vous dire. On se retrouve demain, et pour toi, Lina, à 10h en Salle Grise. Bonne nuit.

Tout le monde répondit en cœur :

-Bonne nuit !

A table, les bavardages avaient tous changé de sujet, pour se tourner vers moi. On me souhaitait bon courage, que c'était tant mieux pour moi, etc. Mais bizarrement, je ne me sentais pas sereine.

Le jour J arriva. Le matin, Louise et Alexia me serrèrent dans les bras.

-Tu nous manqueras !

-Ouais, c'était cool de t'avoir comme camarade de chambre.

Elles aussi, elles allaient me manquer.

Je me dirigeai d'un pas insouciant vers la Salle Grise. On m'avait indiqué où elle était, et pour une fois je ne risquai pas de me perdre. Mais je pris un détour pour aller au petit parc du dernier étage. Ce dernier était vide. A quoi m'attendais-je ? A voir Driss ? Pour de toute façon me faire remballer ? Tant pis. Un peu déçue, je continuai mon chemin et arrivai à la Salle. Deux grandes portes grises me faisaient face, et je décidai de rentrer.

La Salle était constituée d'un grand dôme en verre, sans équipements spéciaux, avec juste une porte sur la droite. Sur cette porte était marquée en gros et en rouge : Interdit de passer. Où allais-je devoir aller, alors ? Tout d'un coup, j'eus un mauvais pressentiment. Des pas se firent retentir depuis cette Salle. Deux hommes en sortirent, très costauds. Et l'un tenait une seringue remplie d'un liquide jaune.

-Salut, ma belle. Viens ici, on va te faire un vaccin pour repasser dans l'autre monde. Après les rayons bleus, ça peut être dangereux...

Son discours aurait pu être convainquant. Mais j'avais déjà vu ça dans trop de films. Je commençai à trembler.

-N'aie pas peur, on t'a dit ! continua l'autre homme. Viens ici.

Ils s'approchèrent, lentement. Mais s'en fut trop.

-NON ! A L'AIDE !!!!

Alors ils coururent vers moi pour me bloquer. Je donnai un coup de genoux dans l'un mais ils étaient deux et beaucoup trop forts.

-Arrête de bouger !

-Lâchez-moi !! hurlai-je.

La seringue se rapprochait dangereusement de mon cou. A présent, ils m'avaient totalement bloquée.

-AIDEZ-MOI !

-Mais ferme-la !

Je me débâtai autant que possible, mais j'étais trop pétrifiée pour tenter quoi que ce soit. Ma dernière heure était arrivée. J'allais vraiment mourir.

-Lina, non !

Les deux grandes portes claquèrent et Driss arriva en trombe. Il me vit, les larmes aux yeux, tremblotante, et se jeta sur les deux hommes, qui furent obligés de me lâcher. Driss leur assena des coups, et fit saigner le nez de l'homme à la seringue. Mais seul contre deux, il ne pouvait rien faire de plus. Ils lui donnèrent des coups tellement forts que Driss s'effondra sur le sol.

-Le voleur, tu y passeras toi aussi ! cracha l'un. Ça fait trop longtemps que la Chef accorde ta présence. Tu ne peux que nous nuire !

Et il lui redonna un coup. Deux coups, trois. Il saignait de partout, et agonisait sur le sol. Ces deux mecs se déchaînaient sur lui.

Une colère monta en moi. J'avais réussi à reprendre mon esprit. Ils voulaient me tuer, nous n'étions pas morts, Driss avait eu raison dès le départ. Je tremblais encore, mais cette fois-ci de rage. Je sentais que quelque chose changeait, dans l'atmosphère. Tout n'était plus pareil, tout en l'étant encore. Les objets me paraissaient... facultatifs. La seringue, par exemple. D'un coup, je la fis disparaître. Cela ne me choqua même pas, comme si c'était dans l'ordre des choses. A présent, je m'approchai des tueurs. Ils s'étaient tournés vers moi. L'un voulut me donner un coup de poing, mais à hauteur de mon visage, celui-ci fut stoppé, comme retenu. Je fixai cet agresseur, et déchaînai ma colère sur lui. Ce dernier fut envoyé en l'air, tourna, tourna, avant de se faire projeter contre le mur. Je ne voyais plus ces hommes comme des humains, mais comme des molécules, des atomes, que je pouvais contrôler à ma guise. Le dernier voulut s'enfuir, mais sa gorge se mit à se serrer. Se serrer, se serrer, jusqu'à ce qu'il tombe par terre, évanoui.

Enfin, je pus reprendre mon état normal. Je me précipitai vers Driss.

-Ça va ? Ça va ??

Il avait du mal à parler, et était incapable de bouger. Mais pourtant, il me sourit.

-Alors, qui a raison ?

Je me mis soudain à pleurer des torrents de larmes, comme une gamine. Je m'affalai sur lui, même si son sang salit mes habits.

-Ne pleure pas, c'est fini, me dit-il doucement en passant une main dans mes cheveux. C'est fini, c'est fini.

-J'ai eu tellement peur !

-Mais tu ne crains plus rien, maintenant. Tu es trop forte pour eux.

Sûrement à cause du bruit que nous avions fait, plusieurs personnes entrèrent dans la Salle, dont le Commandant Reck, qui me vit en larmes sur Driss en sang, avec les deux tueurs assommés. Mais sa première réaction ne fut pas celle que j'attendais :

-Driss ! Eloignez-vous d'elle tout de suite !

-Mais vous voyez bien qu'il ne peut pas bouger, Commandant ! essayais-je de dire entre deux reniflements.

-Alors reculez. Mais que s'est-il passé ici ?

Les yeux fermés de douleur, mais toujours souriant, Driss répondit :

-Lina nous a fait démonstration de ses pouvoirs.

Le soir, Louise et Alexia furent surprises de me revoir. Eh oui, j'étais extranormale pour de bon. Je n'avais pas réussi à revoir Driss qui était parti à l'infirmerie, mais j'espérais bien lui parler le lendemain. D'ailleurs, nous aurons à nous rendre dans le bureau de Daïd, pour expliquer ce qu'il s'était passé en Salle Grise. En tout cas, je savais que je ne verrais plus cet endroit de la même façon...

Section ExtranormaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant