Le cœur au bord des lèvres, je scrute la porte éclairée par la faible lumière blanche, m'attendant à la voir céder et s'ouvrir d'une seconde à l'autre. Cependant, elle reste immobile, et j'ai la désagréable impression que quelque chose cloche. En fait, c'est même pire que ça : depuis que tout est éteint, j'ai l'impression horrible de ne pas être seule.
Cette simple possibilité me paralyse et je n'ose plus bouger. J'aurais aimé qu'il pleuve ou qu'il y ait du vent, des bruits naturels, rationnels, parce que le silence total est plus angoissant que tout. Ma batterie ne cesse de diminuer, si bien qu'au bout de quelques instants, je décide de prendre sur moi et de m'avancer vers la porte. De toute manière, il faudra bien que je bouge à un moment ou à un autre, je ne pouvais pas rester là indéfiniment. Je ne voulais pas rester là.
Hésitante, les jambes comme du coton, j'avance mon pied dans l'obscurité, en essayant de faire le moins bruit possible. Un grincement brise le silence derrière moi, et je me fige immédiatement. La chair de poule me recouvre et j'ai l'impression de pouvoir entendre les battements de mon cœur. Le silence revient, j'attends sans bouger qu'un autre bruit se fasse entendre mais rien ne vient. Je compte jusqu'à cent dans ma tête, lorsque j'ai fini, il ne s'est toujours rien passé.
La terreur a beau m'avoir vidée de toutes mes forces, je me rassure de mon mieux en pivotant sur mes pieds. Lentement : je n'ai pas envie d'avoir de mauvaises surprises à nouveau. J'ai du mal à respirer, et ça ne s'arrange pas quand je vois ce qui a causé le bruit : l'une des portes du placard est grande ouverte. Ma respiration devient pénible, comme lorsqu'on n'arrive pas à être calme après une crise de larmes. Je plaque ma main contre ma bouche pour étouffer le bruit que je fais, c'est alors que je me rends compte qu'il ne vient pas que de moi. Il y a quelqu'un qui pleure.
Quelqu'un dans l'armoire.
Léa.
C'est ma première pensée, et je suis presque sûre que j'ai raison, même si ça ne me rassure pas de l'admettre. Pas grave, je ne peux pas reculer devant une gamine de cinq ans, et même si je le voulais, où est-ce que j'irais ? Héloïse est très certainement toujours dans le couloir, et ses petites copines devaient avoir réussi à remonter de la cave. Rien que de les imaginer, c'est suffisant pour me dissuader de fuir.
Je prends donc une grande inspiration et bombe le torse pour me donner du courage.
— Léa ?, lancé-je.
Les sanglots redoublent d'intensité, je les entends parfaitement cette fois-ci. Je m'approche avec prudence, la lumière braquée sur le battant de la porte qui m'empêche de voir à l'intérieur de l'armoire.
— Léa ?
— C'est ma faute...
Je manque de me mettre à pleurer quand j'entends sa voix. C'est elle, c'est bien elle.
Le soulagement de l'avoir trouvée, de ne plus être toute seule avec ces horribles poupées, l'emporte sur les douleurs et la peur. Je me précipite pour faire face à l'armoire. Recroquevillée sur elle-même au maximum, c'est à peine si la petite fille arrive à tenir sous la tringle de vêtements. J'ai juste le temps de la voir baisser la tête. J'imagine que j'ai dû l'aveugler, avec ma lumière.
— Léa... Louloute, est-ce que ça va ?
La fillette lâche un nouveau hoquet et renifle bruyamment.
— Non... Ça va pas...
Je m'en serais doutée. Je m'agenouille devant elle, sans oser trop m'approcher, et fais de mon mieux pour avoir l'air la plus rassurante possible.
— Ça va aller Léa, je suis là. Et tes parents m'ont appelée pour dire qu'ils seraient bientôt à la maison.
Le clignotement du petit logo de la batterie sur mon portable m'indique qu'il ne tiendra pas aussi longtemps. Plus que 5 %. Je me retiens de faire le moindre commentaire cette fois-ci, surtout que Léa ne semble pas s'être arrêtée de pleurer. Elle s'essuie le nez dans sa manche, et articule :
— Non... Tu comprends pas... C'est ma faute...
— Qu'est-ce que tu racontes ma puce ? T'y es pour rien s'il n'y a plus de courant, tu sais ?
La petite a un nouveau sanglot. Je tends la main pour essayer de lui prendre la sienne, mais me ravise presque aussitôt. Je suis incapable d'expliquer pourquoi, mais quelque chose m'en empêche.
— Si... J'aurais pas dû laisser Héloïse... Il faut jamais rester toute seule dans le noir, Oriane. Jamais.
Je suis glacée de peur en me rappelant de ce qu'il y avait marqué sur la feuille. « Ne jamais rester seule dans le noir. » Aucun son ne parvient à sortir de ma bouche.
— Il faut... Il faut que tu t'en ailles...
— Je... Dans ce cas tu viens avec moi Léa, fais-je.
La fillette remue et émet un bruit qui semble être à mi-chemin entre le sanglot, et le rire.
— Vraiment ?
Elle relève sa tête. Je suis tétanisée : ce n'est pas Léa.
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Héloïse
TerrorLorsque Orianne accepte de garder la petite Léa pour la nuit, elle ne se doute pas du terrible piège qui se referme sur elle... ✒ Suivie d'une histoire inédite à découvrir : 《 Passe une bonne soirée 》 ! #1 dans la catégorie Horreur [08.05.20] #1 dan...