3.

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De retour en bas, je m'affale sur le canapé avant de m'emmitoufler dans les couvertures. D'un geste rapide, j'allume la télé sur une série policière et attrape mon téléphone pour aller regarder mes messages. Je m'empresse de répondre à mes parents et à ceux de Léa me demandant si tout va bien.

Quand l'épisode commence, j'étends mes jambes pour m'allonger sur le canapé. Puis quelque chose de dure effleure mon pied.

Mon cœur loupe un battement et je sursaute. J'aperçois alors au bout du canapé, une tête brune aux yeux fixes. Je jure en espérant que Léa ne m'entende pas de là-haut. Héloïse. Je tire les couvertures vers moi et replie mes jambes pour mieux la voir.

Je pense que si jamais quelqu'un m'avait offert ce genre de poupée quand j'étais gamine - même maintenant - j'aurais pris ça pour une mauvaise blague. C'est le genre de jouet qu'on ne voit plus que dans les brocantes. Ou les films d'horreur. Ce qui est plutôt compréhensible vu leur visage crispé et leurs yeux de porcelaine brillants, grands ouverts pour vous regarder fixement.

Allez savoir pourquoi, mais apparemment Léa adore cette poupée. Elle la trimballe partout avec elle depuis que je suis arrivée. Moi, déjà je ne comprends pas comment on pouvait être assez crétin pour acheter ce genre de jouets à des gosses de nos jours. Et en plus elle me fiche les jetons. À cinq ans, j'avais un torchon comme doudou, moi ! Pas une espèce de demoiselle habillée à la mode des années 1800 taille réduite.

Non mais sérieusement, comment est-ce qu'on peut vouloir dormir avec cette chose ? Plus je regarde la poupée Héloïse bien lovée au milieu des coussins du canapé, et moins je me sens à l'aise. C'est officiel : il est hors de question que je prenne cette chose dans mes bras pour la monter à Léa, ça serait comme faire un câlin à une mygale géante pour moi ! De toute façon, la petite s'endormait déjà dans mes bras, elle doit sûrement avoir sombré dans un profond sommeil. Ses parents se chargeront de la poupée.

J'ai beau essayer de me concentrer sur ma série, ma main serrée sur mon portable, le regard vide de la poupée à quelques mètres me stresse.

— Qu'est-ce qu'il y a chérie ? Tu veux ma photo ?

Mon cœur se serre en imaginant la poupée me répondre.

OK, plus jamais je refais ça.

Néanmoins, je ne peux pas la laisser comme ça, ou bien j'allais me lancer dans un duel de regard avec ce jouet flippant. Je m'avance prudemment à genoux sur la banquette et m'immobilise à quelques centimètres de la poupée.

Décidément non, je ne peux pas la toucher, je suis pétrifiée rien qu'à cette idée. Me servant alors des plaids comme d'un gant, j'attrape Héloïse par la taille et la retourne sur le ventre, face contre la banquette. Je décide également de la recouvrir d'un des plaids avant de regagner ma place en lançant joyeusement :

— T'as vu Héloïse, je t'ai même laissé une couverture si jamais t'as froid !

Je souris, mais je suis rassurée cette fois. Mon attention revient vers la télé, et en quelques minutes je suis absorbée par l'épisode, me mordant le gras du pouce par réflexe. Je ne détourne mes yeux de l'écran que pour répondre à des messages ou pour baisser le son, quand je crois entendre Léa à l'étage.

Au bout de vingt minutes, lors de la page de publicité, je me dis qu'à présent elle doit bel et bien dormir et je décide de ne me plus m'en inquiéter. Des gens en costard vantent les tarifs de leur banque, puis une Barbie blonde se dandine dans une pub pour des pilules amincissantes, pour laisser place ensuite à une petite famille se gavant dans une nouvelle chaîne de fast-food. Ça n'en finit pas.

Je soupire et décide de zapper un peu, au moins en attendant que mon programme reprenne. Je tombe tour à tour sur une chaîne d'info en continu, puis sur des hommes politiques en plein débat.

J'appuie à nouveau sur le bouton de la télécommande. Un claquement retentit et c'est le noir complet.

HéloïseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant