J-80

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  J'ai continué cet entraînement solitaire. Je passe désormais plus de temps sur mon parcours d'obstacles qu'avec les autres. Toujours aussi butée, Célestine continue de refuser le travail musculaire que j'essaye de lui proposer. Je travaille l'équilibre et ma peur du vide. J'ai réussi à emprunter la voiture dans laquelle nous avons pris place pour faire le parcours maléfique sur lequel je me suis cassé le bras après une méchante chute de la poutre. Heureusement pour moi, la voiture avait un pilote automatique qui m'a permis d'arriver sans encombres au lieu désiré. Là, rien n'avait bougé, tout semblais figé dans le temps. Les cônes toujours debout, seuls traces de couleur dans un paysage gris, poussiéreux, trace immortelle du passage de la guerre dans un pays qui fut autrefois une grande puissance économique et désormais vide de vie.
Je suis sorti de la voiture et ai marqué un temps d'arrêt devant le paysage pittoresque qui s'offrait à moi et que je n'avais pas remarqué lors de ma première visite. Après ce moment de pause, je me suis élancé dans le parcours. J'ai franchi le premier obstacle avec une aisance que je n'avais pas lors de mon premier passage. Ensuite, j'ai grimpé les escaliers menants au toit et me suis retrouvé en tête à tête avec le ciel. J'étais bien, sur le toit de mon immeuble face à l'immensité qui s'offrait à moi.
J'ai vite repris mes esprits car, pendant mes moments de flottements, le chrono de ma montre continuait son inlassable course. J'ai rassemblé tout le courage que je portais en moi et me suis dirigé vers la poutre. J'ai posé un premier pied sur la planche de bois. Puis un second. J'ai avancé doucement mais sûrement vers la fin de la poutre et y suis arrivé, au prix d'un effort inhumain. Mais je n'étais pas au bout de mes peines. Je suis arrivé sur le toit du deuxième immeuble, et ce que je vit me terrifia, encore plus que la poutre : une tyrolienne qui prenait fin dans un appartement, 800 mètre plus loin et plus bas. À mon plus grand désappointement, je n'était pas équipé pour passer cet énième obstacle. Je ne pouvait reculer, j'avais encore trop peur de la planche pour la faire dans le sens inverse, alors j'ai enlevé mon T-Shirt et m'en suis servi pour dégringoler sur cette tyrolienne infernale. Inlassablement, je prenais de la vitesse, et, au bout d'un moment qui me parut infini, j'arrivais dans ce que je pensais être l'arrivée. Mais ce que j'avais pris pour la façade d'un immeuble, n'était autre qu'une toile que je déchirais en passant dedans. Ma course se poursuivait. Au bout de quelque minutes de peur intense, je vit un mur avec ARRIVÉE marqué en jaune vif dessus. Je me mis à freiner, avec la force du désespoir, avec mes mains. J'ai freiné mais pas suffisamment. Mes pieds sont rentrés en collision avec le mur si fort que je ne les ai plus sentis pendant quelques minutes. Quand j'ai enfin posé le pied sur la terre ferme, j'ai examiné mon T-Shirt. Celui-ci était râpé et, quand j'ai voulu le remettre, il s'est déchiré. J'avais frôlé la mort de peu. Vainqueur du parcours, je rentrais au centre comme un héros mais n'ai été accueilli que par l'indifférence générale. Je crains de ne pouvoir m'entraîner avant plusieurs jours, vu l'état de mes mains. Je pense que je n'aurais pas trop de mal à m'endormir ce soir...

Un jeu d'enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant