Similitudes

14 2 0
                                    

Je n'aurais pu rivaliser avec elle.
Elle était parfaite. Ces cheveux d'or volaient au vent lorsque chaque matin elle franchissait la grille du lycée. Ses yeux bleus reflétaient toute la gentillesse dont ses bonnes fées lui avaient fait cadeau. Le soleil mordoré qu'elle portait et qui ne la quittait jamais ne faisait que souligner sa beauté qui lui semblait venue des Dieux. Son sourire éclatant, entouré de ces fines lèvres complétaient la plus belles des œuvres d'art.

Au bahut, chacun lui portait une attention toute particulière : au cours de la journée, pas moins d'une cinquantaine de salutations lui étaient adressées. A chaque recoin de couloir, un professeur nous interpellait pour louer ses formidables performances scolaires. Parfois même, le personnel d'encadrement lui accordait des privilégies dont chaque élève rêverait.

C'est ainsi que parfois elle se retrouvait à manger des lasagnes à l'odeur enivrante quand nous autres mortels devions nous contenter de flageolets au goût approximatif. Une après-midi ou nous finissions à six heures, elle m'avait envoyé une photo : elle avait pu rentrer à la maison dès quatorze heures.

Je passais le plus de temps possible à ces côtés. J'étais témoin de sa vie parfaite : de son style décalée mais imité de tous, de sa réussite scolaire, de son hygiène de vie irréprochable.
A côté d'elle, on ne me remarquait pas. C'était normal, je ne m'en plaignais pas. Nous nous connaissions depuis des années et sa supériorité face à moi était plus qu'évidente.
  
Dans son ombre, je n'aurais jamais réussi ma vie.
Je l'aimais. De tout mon cœur, plus haut que les étoiles, plus ardemment que les brûlures de l'enfer. J'aurais vendu mon âme au diable et donné mon corps à la science pour elle. Au fil des années, je la haïssait autant que je l'aimais. J'en avais marre de devoir vivre ma vie à travers la sienne. J'admirais mon reflet dans la fenêtre de ma chambre : mes cheveux dorés et mes pupilles bleutées ne m'avaient jamais paru si rayonnants. Je descendais dans le salon et y trouva mes parents qui se mirent à louer mon angélique faciès.

- Ce que tu lui ressemble... - ajoutait mon père avec un regard nostalgique.
- Tu as mis du rouge à lèvres sur ton pendentif. - m'avertissait ma mère. Oh mais quel beau rouge, on dirait celui qu'elle mettait.

- Comme elle nous manque ! - avoua ma mère.
- Mais pourquoi a t-elle disparue si subitement ? - me questionnait mon père.

Je ne me maquillais jamais, nous nous ressemblions mais je n'étais pas comme elle. Ils devraient le savoir. Je franchissais la porte de la maison et essuyait le soleil tacheté de son sang.

- Parce que je n'aurais jamais pu rivaliser avec elle.

Unless...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant