Assis sur une chaise derrière le comptoir de la petite boutique de livres anciens où je travaillais, je pensais. J'aimais beaucoup cette boutique. Les auteurs de toutes sortes traitant des sujets différents les uns des autres, rendaient les écrits uniques. L'odeur des vieux ouvrages et cette ambiance chaleureuse m'y faisait m'y sentir bien. Est-ce qu'Hansol Vernon Choi aimait les boutiques de ce genre ? Il avait plus l'air d'apprécier les petits cafés tranquilles au coin d'une rue, où l'on y rentre attiré par les muffins tout juste sortis du four et les chocolats chauds fumants. Je l'imaginais posé sur une des banquettes moelleuses et confortables en cuir rouge, au fond de la salle à l'abris des regards, buvant sa boisson en regardant le ciel gris et poétique en se posant des questions sur la vie. Peut-être même emportait-il un petit carnet dans sa petite sacoche vintage qu'il emmenait partout avec lui, ainsi qu'un stylo pour retranscrire ses pensées philosophiques sur les feuilles légèrement jaunies, donnant un charme supplémentaire à l'objet. Oui, c'était bien son genre.La boutique étant déserte, j'en profitais pour sortir un peu. L'air froid de l'automne me fouetta de plein fouet le visage, plaquant quelques mèches de mes cheveux sur mon front, mais resta tout de même supportable. Je serrais un peu plus ma veste contre moi, tentant de me réchauffer, même si je savais que cela n'aboutirait à rien. Puis il arriva tranquillement, sans faire de bruit. Lorsque je remarquais sa présence, je sursautais. Il fixait une petite flaque d'eau, provoqué par la pluie de la nuit précédente, se trouvant à ses pieds et regardait son visage s'y reflétant. Son faciès arborait une expression terne mais la lueur dans ses yeux fut bien présente. Cette lueur de détresse criant à s'en arracher les poumons, implorant les gens, essayant de se faire remarquer à tout prix mais en vain. Il releva la tête vers moi, voyant que je l'observais aussi. Ses prunelles aussi noir que le charbon semblaient se recouvrir peu à peu d'un voile doux et amicale mais celui-ci disparut dés l'instant où un sourire se dessina sur ma bouche. Nous restions plusieurs minutes à nous dévisager en plein milieu de la rue, sous les regards étonnés des passants.
Ses iris rassurantes mais froides à la fois, rejetaient tout être qui croisait leur éclat. Ça devait certainement être la raison pour laquelle jamais personne ne l'accompagnait, même pas une personne ne venant pas d'ici. Seulement, des amis l'entourait-il ? Pendant un instant, j'eu de la pitié pour lui. L'image d'Hansol Vernon Choi seul dans son canapé un samedi soir, à écouter d'une oreille distraite la télévision, m'attristait. La détermination remplaça soudainement la pitié. J'étais plus que jamais déterminé à voir ses lèvres s'étirer en un joli sourire sur son visage. Ce visage inspirant la fragilité mais tout de même marqué par les épreuves endurées dans le passé méritait la présence de la joie.
Au moment où j'allais l'interpeller, il baissa la tête. La déception s'empara de moi. Cet échange visuel fut aussi court que long. Le temps paraissait s'être stoppé et son geste le remit brusquement en route, me frustrant. J'ouvris la bouche pour laisser s'échapper quelques mots s'adressant à lui mais il m'arrêta en s'éloignant, me laissant comme un malheureux devant le petit commerce.