Il marchait doucement dans une rue déserte de la ville, la couleur, maintenant rosé, des nuages se reflétant sur son dos. Je courais jusqu'à lui.
- Vernon !
Seul ma voix s'entendait, résonnant entre les murs de briques et les quelques boutiques aux alentours. J'en fus ridiculement gêné alors, qu'à part un homme, certainement alcoolisé - ce détail se remarquait à sa marche hésitante- se trouvait sur le trottoir opposé au notre, il n'y avait que nous deux. Il se retourna dans ma direction.
- Oui ? dit-il doucement
- Rien, je voulais juste que tu m'attendes.
Il me sourit faiblement avant que nous ne continuions notre route. Je ne savais pas où l'on allait mais je m'en moquais, être avec lui me suffisait. Les moments que nous passions à deux, et même si cela se faisait pour la plupart du temps dans le plus grand des silences, étaient différents et précieux.
Le monde ne ressemblait pas au notre lorsque j'accompagnais Vernon. Ce n'était pas ce monde plein de jugements, d'aprioris et de conneries adolescentes que nous connaissons. Bien que Vernon soit triste, tout était beau et doux avec lui. Une si douce tristesse. Il façonnait cette Terre comme il le voulait, avec son propre opinion, sa façon de penser bien à lui et il m'en faisait part en passant son temps avec moi. Son nouveau monde respirait la poésie avec cette touche de nostalgie du début de printemps.
Son fredonnement habituel d'une quelconque chanson accrochait un rictus sur mon visage à chaque fois que je l'entendais. J'en découvrait chaque jour un peu plus sur lui, à mon plus grand bonheur.
Il commençait doucement à dialoguer avec moi, comme s'il prenait peu à peu confiance. D'abord des phrases basiques comme "Comment vas-tu ?" et autres. Il s'intéressait un peu plus à ma vie et souvent, je lui retournais ses questions mais n'ayant en retour qu'une réponse brève.
Mais un jour alors qu'un silence régnait, des mots s'étaient échappés d'entre ses lèvres en un souffle presque inaudible. Mots que j'avais dû me répéter plusieurs fois à moi-même pour en comprendre le sens. "Je voudrais me sentir vivant." Au début, je pensais qu'il disait ça sans vraiment avoir réfléchis ou bien tout simplement se remémorait-il les paroles d'une chanson écoutée précédemment. Mais après une intense réflexion, j'avais conclu que ces paroles, il les pensait vraiment. Je m'étais donc promis de l'aider à ressentir cette sensation qui lui manquait.- Vernon ?
- Oui ?
- Tu aimes l'astronomie ?
C'était la première chose que je trouvais pour débuter une conversation. Ses lèvres s'étirèrent, ses mains arrachant quelques touffes d'herbe sur laquelle nous nous allongions.
- Oui, ça me fascine. J'aime beaucoup les étoiles. Elles sont belles et libres et j'aimerais en être autant. Ou être comme Saturne. Son air de princesse, ses météorites lui tournant autour comme de beaux chevaliers se battant pour avoir une danse. Le problème c'est que je n'ai pas de météorites.
La poésie de son monde déteignait sur lui.
Il continuait de fixer le ciel rosé de ses prunelles, pour la première fois, pétillantes d'étoiles. Cette vue, qui n'arrivait que rarement, fit fleurir un sourire sur mon visage et me réchauffa le coeur. J'espérais qu'il se sentait heureux, ici avec moi. Je me tournais sur le côté, de façon à pouvoir mieux l'admirer dans sa contemplation des cieux.
- Et je serais ta première météorite, dis-je, mes mots se perdant dans l'air pour, j'espère, arriver jusqu'à ses oreilles.