Avec Hansol Vernon Choi, tout était différent. Le monde prenait une autre ampleur et ma vision des choses changeait jours après jours. Et pourtant, tout ce que nous faisions c'était marcher l'un à côté de l'autre sans s'adresser le moindre mot. Il m'emmenait dans des endroits que je n'aurais même pas soupçonné d'exister auparavant. Son monde ne fréquentait pas la réalité, il s'en éloignait complétement. Il voyageait là où il en avait envie ne se souciant que de se sentir bien. Il m'y invitait, essayant de me faire découvrir autre chose que la routine monotone que je connaissais.
Ce silence, très agréable certes, commençait à devenir pesant. Plus les jours passaient et plus je voulais avoir une vraie conversation avec l'homme en noir.
J'ouvrais la bouche, le son prêt à sortir, mais rien ne vint. Je tentais plusieurs fois de faire bouger mes cordes vocales, en vain. La frustration me prit et pendant quelques secondes la pensée d'avoir perdu ma voix me traversa l'esprit. Je raclais ma gorge et fus soulagé de constater que je n'étais pas devenu muet. Finalement, j'abandonnais toute tentative de discussion. Le silence me suffisait amplement et je ne voulais pas le mettre mal à l'aise ou le brusquer.
Puis finalement, c'est lui qui prit la parole. De sa voix douce et réconfortante, aussi étonnant que cela puisse paraître, il me balança avec délicatesse une simple phrase comme on en dit chaque jour :
- Pourquoi est-ce que tu restes avec moi depuis quelques jours ?
- Parce que je veux savoir qui tu es vraiment et mettre derrière moi toutes ces rumeurs sur toi que peuvent dire les gens.
Ses yeux continuèrent de fixer l'horizon. Le ciel commençait à se noircir, signe que la nuit et les étoiles n'allaient pas tarder à se dévoiler. J'espérais pouvoir, un jour, marcher sous un ciel étoilé avec Hansol Vernon Choi et parler simplement comme nous le faisions ou bien retourner quelques années en arrière, lorsque nous n'étions encore que de jeunes adultes stupides découvrant la vie active de leurs yeux éclatants de jeunesse et de soif de découverte, et déambuler dans les rues en dansant bêtement autour d'un lampadaire éclairant faiblement un bout de trottoir.
- Pourtant tu perds ton temps.
- Non je ne pense pas. Tu m'as l'air intéressant et mystérieux. Et j'ai bien envie de savoir qui se cache derrière tout ce noir.
Il baissa la tête vers ses pieds. Son point faible apparemment. Il se leva, je le suivais. J'essayais mainte et mainte fois durant le trajet de lui poser des questions, mais il ne répondait pas. Mon souffle agacé face à son manque de paroles provoqua plusieurs fois l'esquisse d'un fin sourire chez Hansol Vernon Choi.
Nous étions devant ma boutique, la nuit était presque tombée. Heureusement, mon logement ne se trouvait qu'à quelques rues d'ici. Mais qu'en était-il d'Hansol Vernon Choi ? J'ouvris la bouche pour lui demander s'il voulait passer la nuit chez moi étant donné que le ciel à moitié sombre nous surplombait, mais il me devança, encore une fois.
- Appelle-moi Vernon.
Puis il partit, sans m'adresser le moindre signe.