Je lui proposais que l'on se voit au parc d'attraction de la ville pour changer un peu. Chaque année, la ville ouvrait son parc, souvent à la période d'Halloween, et nous étions en plein dedans. Vernon avait d'abord bronché puis s'était résigné à m'accompagner.
- C'est bien parce que c'est toi, m'avait-il dit
Le parc en soit ne lui déplaisait pas, loin de là, mais la population, il la haïssait. Ce qu'elle pensait de lui ne devait pas arranger les choses, même s'il passait au-dessus de toutes ces remarques.
On se retrouvait devant le lieu, comme prévu. Les enfants déguisés en vampire ou sorcière, les adolescents, avec pour maquillage, du faux sang dégoulinant sur leurs visages dans le but d'effrayer les plus petits, et les parents accompagnants, ennuyés ou souriants, leurs enfants. Il arrivait, dans l'un de ses longs manteaux noirs habituels, un bonnet cachant ses cheveux. Miracle, celui-ci était bordeaux. Les deux couleurs se mariaient parfaitement bien, mon ami les portait à merveille. Le terme "ami" était-il maintenant approprié et permis ?
- Tu en fais une tête, lui dis-je lorsqu'il arriva à ma hauteur
Il me sourit, sourire qui ressemblait plutôt à une grimace, comme pour essayer de me contredire, ce qui me fit rire. Je lui pris la main et l'emmenait à l'intérieur du parc, me dirigeant d'abord vers un stand de barbe à papa.
- Une bonne soirée dans un parc d'attraction commence toujours par une bonne barbe à papa, lui souriais-je. Deux barbe à papa s'il vous plaît.
Il étira une seconde fois ses lèvres, me trouvant certainement très enfantin. Le forain me tendit les deux friandises.
- Tiens.
Il prit la barbe à papa et commença à la manger, tout comme moi.
- J'aime tellement cette ambiance là, commençais-je. Tous ces néons brillant dans la nuit et les gens, les traversant de leurs corps grands et baraqués. L'odeur de l'innocence et le rire des adolescents joyeux nous replongeant à l'époque de notre plus tendre enfance, accompagnée des petits plats tout chauds de grand-mère.
- Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas senti comme ça.
Je me tournais, surpris qu'il ait pris la parole.
- Te sentir comment ?
- Bien, des sensations me parcourant les membres à m'en donner des frissons. Ce maudit sourire ne voulant pas quitter mon visage et, j'ai envie de courir partout.
Nos deux rires vinrent se mêler au brouhaha de cette soirée. Nous continuâmes de marcher calmement, mes yeux en quête d'une attraction à faire.
- Halloween est ta période préférée si je comprends bien ? me demanda-t-il
- Non, pas du tout. Je n'aime pas l'automne et l'hiver. Il fait froid et gris. Le printemps est largement mieux et beaucoup plus joyeux et chaud.
Il sourit.
- Ce que je préfère, ce sont lorsque les fleurs de cerisiers éclosent.
- Oui, leur couleur rose pâle donne une certaine nostalgie au paysage je trouve.
Je m'arrêtais et le regardais, il fit de même mais en arquant un sourcil. J'imaginais Vernon en train de peindre des cerisiers japonais, une musique douce en fond.
- Il y a un problème ?
Je sortis de ma rêverie, mes lippes s'esquissant doucement.
- Je me disais juste que ce cadre te correspondait bien.