Partie 38 : les humains...

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1 s'avance très lentement, aussi prudemment que si l'autre le menaçait d'une arme. Ce qui provoque un nouveau rire irrésistible et un élégant geste de la main l'invitant à s'asseoir. 1 ne voit pas de chaise et reste debout.

- Ne t'en fais pas, je ne vais pas te manger. Assieds-toi, détends-toi, tu veux un verre ?

- Vous... vous êtes Eston Larch ?

- Mmmm ? dit le jeune d'un ton distrait tout en parcourant 1 du regard. Non, Eston c'est mon père. Pourquoi ?

1 est soulagé, ce qui lui fait réaliser à quel point il était tendu. Il est en train de se faire hypnotiser par ce type déconcertant mais fascinant, il ne sait absolument ce que l'autre lui veut ni pourquoi lui réagit à sa présence comme une pile électrique, mais au moins ce n'est pas un ennemi.

Il vérifie tout de même :

- Est-ce que tu sais qu'il a loué des hélicoptères ? Qu'il est lié avec...

Le jeune homme s'est écarté et s'appuie contre un meuble tout en allumant une cigarette noire. 1 préfère ça, la tension augmente quand l'autre est trop près de lui.

- Je n'en sais rien et je m'en fiche. Je fais mon business de mon côté et il fait le sien du sien, il déteste mes amis et je méprise les siens, ainsi va la vie. Oublie-le. Tu as peur qu'il débarque ?

Il se rapproche à nouveau et s'arrête trop près. C'est à peine perceptible mais bien suffisant pour mettre 1 près de la panique.

- De toute façon, je suis majeur et c'est ma chambre. Il ne peut pas y entrer si je ne suis pas d'accord, c'est la loi. Je peux faire ce que je veux ici.

- Mais heu... je... je dois le voir pour..., bafouille 1.

- Ah bon ? dit l'autre. Tu es venu le voir lui ?

- Ou... oui.

Il a l'air déçu et se tourne vers la stéréo pour augmenter le son. Pas autant qu'auparavant, mais assez pour que parler soit plus difficile.

- Le vieux a donné le code de la maison à un petit assistant ? C'est nouveau ça. »

Il s'allonge sur son lit et attrape un magazine, ignorant aussi totalement 1 qu'il avait essayé de l'envoûter quelques secondes plus tôt. 1 se demande s'il doit dire qu'il n'a pas eu le code. Ou s'il doit dire qu'il n'est pas du côté du père de ce garçon, au contraire. Ou ce qu'il doit dire, quoi que ce soit, pour être à nouveau le centre d'attention de ces grands yeux bordés de noir.

On a appris aux Techs beaucoup de choses sur le monde extérieur. Mais il était trop facile pour les professeurs de faire le tri et de choisir ce que les enfants devaient et ne devaient pas savoir.

Quand 1 avait quinze ans, il avait commencé à être très lié à l'un de ses surveillants, à être fasciné par cet homme dont il glanait le moindre regard. Les professeurs le savaient, tout le monde le savait sans doute, ça se voyait. Quand ce surveillant avait disparu comme tant d'autres, le professeur Stones avait eu avec 1 une longue conversation pour lui expliquer que ce départ n'avait rien à voir avec lui... et aux mots qu'il évitait d'employer, aux regards qu'il évitait de lui faire, le jeune Tech avait compris que si, justement, ça avait tout à voir avec lui. Il avait gardé pour lui cette conversation et cette impression tenace, ses regrets et ses émotions, il n'avait jamais laissé un de ses frères et sœurs voir ou même soupçonner l'existence de cette partie de sa personnalité, gardant l'idée vague mais très amère qu'il a commis une faute quelque part, qu'il n'a pas fait ce qui était attendu de lui. Il n'a jamais entendu parler d'homosexualité et ne s'attend absolument pas au comportement de ce jeune homme en noir ni aux émotions qu'il ressent à présent.

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant