Partie 120 : l'histoire des enfants Techs

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1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7

Le professeur Stones secoue la tête d'un air désabusé. Milley l'ignore et poursuit :

» Mon travail me passionnait et nos réussites m'enthousiasmaient. C'est plus tard que j'ai réalisé que j'étais prisonnière de cette île et de ce laboratoire. Quand on m'a demandé de fabriquer des Techs humains. Le prétexte officiel était qu'on voulait des soldats plus forts et plus rapides, capables de s'autorégénérer, et de se reproduire sans engendrer de coûts exorbitants. Je ne pouvais pas faire ça, au nom de l'éthique la plus élémentaire, et on m'a bien fait comprendre que je n'avais pas le choix. Parmi mes assistants, il y avait trop de gens plus à l'aise avec un pistolet qu'une éprouvette... Bref, j'étais surveillée et je ne savais absolument pas à qui me fier. J'ai essayé de faire traîner l'avancée du travail, puis j'ai cédé. Et ça a marché du premier coup. Nous savions, après nos expériences sur les animaux, que les cellules-souches devaient être mises dans la matrice par groupe de sept, que six d'entre elles mourraient au même moment tandis que la septième grandissait jusqu'à devenir un individu. Et c'est ce qui est arrivé avec 1. Pour la suite, ils n'avaient plus vraiment besoin de moi, ils n'avaient plus qu'à appliquer la recette...

» Heureusement, ils ne m'ont pas mise au rencard tout de suite, et on s'est vite aperçu que 1 n'était pas seulement un bébé capable de cicatriser incroyablement vite. Il réagissait aux objets techs, et eux réagissaient à lui. La première fois qu'il a fait voler un objet, il avait six mois. C'était un badge. Un truc brillant qui l'attirait. Il était posé sur la table à côté de lui, je ne sais même plus pourquoi. Le temps que le médecin tourne le dos, il l'avait attiré à lui. Au début, j'ai cru qu'il jouait avec en le lançant en l'air. Mais ça n'avait rien à voir. Il le faisait voler devant ses yeux, le touchait de temps en temps, et le reste du temps il battait des mains en babillant. Il était absolument ravi par ce tour-là et on est tous restés dix bonnes secondes, absolument stupéfaits, à le regarder jouer avec ce bout de plastique qui défiait toutes les lois de la physique. On est resté tout ce temps sans oser dire un mot, au cas où on romprait le charme. Finalement il l'a laissé tomber par terre, il était sûrement trop fatigué, et il s'est endormi. Je me souviens que c'est Killigan qui a ramassé le badge. Il le manipulait comme si c'était une bombe. Aucun objet ni animal tech n'avait jamais fait ça et rien ne nous avait préparé à la lévitation.

» Et petit à petit on a découvert d'autres capacités spéciales chez 1. On a cru pendant un certain temps qu'il avait de graves problèmes mentaux : confusion du temps et de l'espace, hallucinations... On l'avait assez testé pour savoir qu'il était intelligent pour son âge, mais lorsqu'enfin il s'est mis à parler, rien de ce qu'il disait n'avait de sens. Il comprenait pourtant tout ce que nous lui expliquions et nous obéissait très sagement. Mais il parlait de lieux qui n'existaient pas, de la couleur des émotions, de la puissance des objets inanimés... ce genre de choses. Il allait très bien lorsqu'il était dans un environnement entièrement non-tech et on lui a aménagé un lieu de vie qui lui convenait, mais lui-même essayait toujours de s'échapper pour aller rôder autour des ordinateurs techs, ça le fascinait.

» C'est lui qui a compris le premier ce qui clochait. Plutôt fou, non ? Une équipe de scientifiques de haut niveau ayant étudié la matière tech depuis sa découverte, qui a besoin des explications d'un gamin encore assez petit pour porter des couches la nuit. Il avait trois ans et il a réalisé que nous, les humains, nous ne pouvions pas entrer dans le Réseau. Tandis que lui le pouvait. Il a grandi avec ces deux points de vue, celui d'un humain dans un corps humain, et celui d'un Tech dans un esprit tech. Ce jour-là, il m'a pris par la main et m'a dit qu'il voulait me montrer qu'il était partout à la fois. C'était ce genre de déclarations de schizophrène qui nous faisaient le plus peur et il le savait. Je l'ai suivi, en espérant comprendre cette fois. Il m'a demandé de lui ouvrir une salle comportant plusieurs ordinateurs techs. Il s'est planté au milieu et m'a dit : "Je suis là". Et j'ai entendu sa voix dans mon dos qui disait : "et je suis là aussi". Ça, je n'oublierai jamais sa voix derrière moi, avec ce petit ton patient, et j'ai vraiment cru, l'espace d'une seconde, qu'il s'était dédoublé, que l'une des cellules-souches mortes que j'avais moi-même détruites avait survécue et avait donné un deuxième enfant tech. Mais non. Ça venait de l'ordinateur. Il avait mis son image et sa voix dans l'ordinateur, pour qu'enfin les adultes bornés que nous étions comprennent qu'on peut très bien être partout à la fois quand on est un Tech et qu'on a accès au Réseau.

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant