L'art et la manière de devenir accro

Sept

Lorsque les yeux de Luca s'étaient fermés, Victor avait eu l'étrange impression que son monde venait de s'arrêter de tourner. Il n'entendait plus les voix paniqués de ses amis, ni la musique qui tournait en boucle depuis des heures. Il ne voyait plus rien à part le corps étendu de Luca sur le sol. Il ne sentait plus la fatigue ni la colère, seule son inquiétude pour le brun parcourait son corps. Il avait l'impression qu'on l'avait mis sur pause et qu'il avait besoin d'une parole ou d'un sourire de Luca pour reprendre pied avec la réalité. Il savait que la vie de Luca était peut être en danger et que rester là, à caresser du regard chaque parcelle de son corps n'allait certainement l'aider en rien, mais il n'arrivait pas à bouger. En deux heures, son monde venait de basculer encore une fois et il ignorait comment réagir. Victor ne savait pas vraiment quoi penser de sa nouvelle attirance pour Luca et à l'heure actuelle c'était vraiment le cadet de ses soucis. La relation qu'il était entrain de tisser avec le brun le terrifiait autant qu'elle l'excitait. Victor n'était pas vraiment doué pour les relations de manière générale, préférant souvent la solitude, mais là, il avait envie de faire un réel effort. Son attirance pour le corps de Luca s'accompagnait à présent de quelque chose de plus fort, qui rendait toute cette situation beaucoup plus réelle. Luca ne lui apparaissait plus comme un sale petit con arrogant au regard charmeur. C'était un adolescent à la beauté certaine et à la fragilité bien cachée mais bien présente. Et Victor ne pouvait s'empêcher de vouloir le serrer dans ses bras pour le protéger de tout. Restait à savoir si le brun allait accepter de partager quelque chose de plus qu'un baiser de cinéma avec lui. Victor ne savait pas vraiment ce qu'il attendait de cette nouvelle relation et peut-être qu'il n'avait rien à attendre au final mais il avait la sensation que Luca pouvait changer beaucoup de choses dans sa vie et il avait manifestement déjà commencé. Bientôt quatre ans qu'il était avec Marie et le brun venait de lui donner la force de rompre avec elle et d'emmerder ses parents et ceux de son ex par rapport à cette histoire de mariage. Personne, même pas Antoine n'était au courant pour ça et le blond se doutait bien qu'il allait devoir rendre des comptes à ses amis, lorsque Luca serait hors de danger. Il en était là dans ses réflexions lorsque la voix de Marc lui parvint.

-Il faut appeler le samu avant qu'il ne perde trop de sang !

Victor serra la main de Luca dans la sienne avant de se relever brusquement et de faire face à ses amis.

-C'est hors de question, déclara t-il d'une voix ferme.

Il y eut un silence choqué et l'espace d'une seconde, Victor se sentit très con. Mais il suffit d'un regard vers le corps de Luca pour que son assurance remonte en flèche. Il n'arrivait pas à expliquer pourquoi mais il avait la forte intuition que ce n'était pas ce que le brun voulait. Il n'avait aucune espèce de preuve ou quoi que ce soit pour appuyer ses dires mais son ressenti était plus fort que tout. Il savait, tel la pulsion intrinsèque que chaque individu expérimente au moins une fois dans sa vie, que Luca ne voulait pas être transporté à l'hôpital. C'était peut-être inconscient de sa part de s'opposer ainsi à la décision la plus sensée et la plus rationnelle mais Victor s'en foutait. Il ne voulait pas gâcher la fragile relation qu'il avait avec le brun et s'il avait apprit quelque chose depuis qu'il vivait seul, c'était qu'écouter son instinct était souvent la meilleure des solutions. Il cligna des yeux et se posta dos à Luca comme pour le protéger si quelqu'un tentait de l'approcher.

-C'est hors de question répéta t-il. On va le soigner nous-mêmes...

-C'est une blague ? s'exclama Léopold dont la voix trahissait la panique grandissante. Et puis pourquoi on ferait ça ? Il y a plus de risques pour lui que si ce sont des pros qui s'occupent de sa tête.

Il y eut un silence pendant lequel Victor tentait de formuler une phrase la plus claire possible.

-Victor ? l'appela doucement Alexandre dont les yeux bleus brillaient de larmes.