Si Victor devait être honnête, il se sentait actuellement aussi heureux qu'au moment où il avait serré Luca contre lui dans la cuisine. Sa propre audace l'étonnait. Inviter son ancien rival, comme ça, à brûle pourpoint à sécher deux heures de cours sans vraiment lui donner d'explications, tout cela avait un goût de folie douce. Victor était un paradoxe ambulant mais ça, très peu de personnes le savait. Il était à la fois tout et son contraire et sa demande en était la preuve. Il pouvait être posé, réfléchi et faire preuve de beaucoup de sang froid dans toutes les situations, ce qui ne l'empêchait pas d'être impulsif, et d'écouter son instinct. Sa demande avait été calme et dite d'un ton assurée bien que née d'un désir impulsif. Mais le plus étonnant restait la réponse de Luca. Bien sûr il avait noté leur rapprochement mutuel mais il avait pensé, avec beaucoup d'amertume et de regrets, que le brun en resterait là et que, bien que la hache de guerre soit enterrée, rien d'autre ne florrirait jamais. A force d'y penser Victor avait compris qu'il était impossible que Luca sorte de sa vie, que ce soit maintenant ou après le spectacle de Noël d'ailleurs. Il avait besoin de ce lien indescriptible qu'il avait senti se tisser lors de la soirée chez Antoine. Cette idée le dépassait mais il l'avait faite sienne sans chercher à la rejeter d'une quelconque façon. Il voulait être lié à Luca être proche de lui peut importait comment. Il avait alors passé son week-end à réfléchir à un moyen de se retrouver une nouvelle fois avec Luca. Mais leurs différentes classes et emplois du temps rendaient sa démarche compliquée et passer la pause déjeuner avec lui ne lui convenait pas. Il voulait être seul avec lui et au diable les autres. Il voulait l'avoir rien que pour lui, rien qu'à lui pendant quelques heures et il n'avait aucun problème à l'admettre.
Trois taffes, une question et un baiser sur le front plus tard, il était entrain de guider Luca dans la ville. Cette situation était tout sauf habituelle, pourtant elle avait un aspect très naturel qui le surprenait. Une légère tension ou au moins un léger malaise aurait dû s'installer entre eux mais non, il n'en était rien et Victor se surpris à sourire tendrement. Aucun des deux ne parlaient mais le silence n'était pas pesant. Comme chez Antoine, il était léger et flottait entre eux, les enveloppant dans un cocon protecteur et intime. Luca était quelques pas derrière lui, observant les petites rues par lesquelles ils passaient et qu'il n'avait jamais exploré jusque la. Victor ralentit le pas et se plaça à ses côtés, ses yeux dérivant de temps à autre sur le visage du brun. Mon dieu qu'il était beau, pensa t'il en buttant contre un pavé irrégulier. Le visage fin, les pommettes délicieusement sculptées, le nez fin et des lèvres... Victor n'avait jamais autant désirer embrasser quelqu'un que Luca. Il avait embrassé assez peu de filles finalement et jamais aucune d'elle n'avait su créer un désir aussi brûlant et déchirant. Ce baiser serrait délicieusement son estomac et tordait douloureusement son cœur au point qu'il posa une main sur sa poitrine pour contrôler son pouls. Au delà de cela, le fait que Luca soit un homme ne l'inquiétait nullement et ce désir de l'embrasser passionnément ne le perturbait pas. Sans se considérer comme gay, il se sentait irrémédiablement attiré par le brun. Ce désir était maintenant sien et même s'il savait qu'il n'échangerait sûrement jamais rien de plus qu'un simple baiser de représentation avec lui, il essayait de contrôler son cœur qui battait plus fort face à cette évidence. Les choses se passaient rarement comme on le voulait vraiment dans la vie, lui semblait-il et si ce désir fou n'était jamais assouvit, alors il l'enfermerait au fond de son cœur et vivrait avec cette douce douleur lancinante jusqu'à l'emporter dans sa tombe. Victor était tout à la fois un être entier et passionné et un jeune homme mesuré et réaliste, ce qui rendait sa vie et le contrôle de ses sentiments compliqués par moment. Ce que lui inspirait Luca, réveillait le jeune homme aux passions ardentes qu'il était et qu'il tentait de cacher et il adorait ça. Il aimait se sentir brûlant, se sentir débordant de cette vie, de cette fougue que le brun faisait naître en lui. C'était une part de lui que ses parents avaient cadenassés depuis tout petit et qu'il n'avait jamais pu explorer. Il en avait souffert mais toujours en silence, se tenant à la vie toute tracée et calme que ses parents lui avaient dessinés. Et puis Luca était arrivé, et son caractère fougueux et enflammé qu'il laissait sans cesse éclater, avait fasciné Victor. Oh bien sûr il l'avait détesté et envier pour cela. Pour ce monde d'émotions qui lui étaient interdites et qu'il ne savait pas comment ouvrir. Avec le recul, Victor avait finit par comprendre que ses parents l'avaient formatés. Ils avaient fait de lui le petit garçon parfait dont ils avaient envie sans jamais le laisser s'exprimer et se découvrir. Certains jours il les tenait pour responsables et les méprisait de son profond regard bleu. Mais d'autres jours, son regard s'adoucissait et il se disait qu'ils avaient fait comme ils avaient pu, avec leur éducation, leur boulot, leurs absences, leur désir et leur idiotie. Car oui ses parents avaient été cons mais au fond étaient- ce de leur faute ? Victor n'en savait rien et il aimait cette réponse incertaine qui pouvait flotter au gré de ses humeurs et se durcir avant de s'adoucir tour à tour. Cela faisait longtemps qu'il n'éprouvait plus d'amour pour ses géniteurs, son éducation lui imposant cependant un respect et un silence face à leurs agissements auquel il ne se dérobait pas. Mais Luca avait chamboulé cet équilibre malsain et douloureux sans le savoir. Il avait brisé la porte derrière laquelle Victor enfermait des années de sentiments, de douleur, de joies, de désir et de questions. Et il s'était noyé. Il n'avait pas su comment réagir. Alors il tentait de sauver les apparences en gardant le menton haut sous ce masque froid et indifférent qui le rendait si beau. Pourtant à bien y réfléchir, Luca semblait le trouver bien plus beau sans ce masque là et cette infime certitude faisait battre son cœur. La triste vérité, c'était que Victor avait peur de lui-même. Il s'effrayait, se donnait envie de s'endormir à tout jamais, son cœur débordant de sentiments s'endormant avec lui. Tout cela était si nouveau et il détestait autant qu'il adorait ça. Et la seule personne avec laquelle il s'autorisait d'être ainsi, c'était Luca. Avec lui, il avait le droit d'être débordant de haine, d'amour, de désir, de douceur, de colère. Il le savait, il le sentait. Parce qu'au fond, Luca était pareil. Et se reconnaître ainsi lui donnait envie d'être proche de lui, de lui montrer qui il était vraiment. Il voulait qu'il comprenne qu'il était la fruit de son œuvre, le fruit de ce qu'il avait libéré en lui. Alors sans réfléchir, il s'arrêta et enleva un de ses gants en cuir et glissa sa main droite dans celle de Luca. Elle était plus petite et semblait brûlante à force d'avoir été exposée au froid glacial, mais il lui sembla alors que c'était la sensation la plus vibrante qu'il avait connu. Luca ne retira pas sa main, ce qui l'enhardit à plonger ses yeux dans les siens et à lui tendre le gant. Il était magnifique et jamais Victor n'avait été aussi sincère. Les joues rougies par le froid et ce contact, ses grands yeux sombres ourlés de longs cils noirs exprimaient la surprise, mais une autre chose que Victor ne parvint pas à identifier. Prenant soudain conscience, que la situation, de part son caractère inhabituel, pouvait être difficile à gérer pour Luca, il eut envie de relâcher sa main. Après tout il devait se demander pourquoi un mec avec qui il avait été proche durant une soirée lui prenait brusquement la main et lui donnait un de ses gants. Quel idiot je peux faire, se dit il en baissant les yeux, tandis qu'il desserrait ses doigts, laissant retomber sa main nue le long de son corps. Il reprit sa marche, toujours en silence, l'esprit déchiré entre ses désirs et ce qu'il était convenable de faire avec Luca. Son renoncement l'empêcha de voir le brun considérer le gant avec des yeux brillants. Il le fit glisser avec des gestes très doux sur sa main glacée et se hâta de rejoindre Victor. Ce dernier, totalement plongé dans ses pensées cherchait un moyen de se justifier pour son geste. Il lui fallait une excuse crédible sous peine de perdre tous liens avec Luca. « Tu semblais avoir froid et c'était le seul moyen pour que tu n'ai froid à aucune de tes mains. » ou bien « J'ai lu ça dans un livre et j'avais envie d'essayer pour voir ce que ça faisait, et puis comme il neige c'était exactement comme dans la scène du livre. Tu comprends ? Ce n'est absolument pas pour toi hein... ». L'esprit de Victor avait tout à la fois, la faculté de créer la scénette, et d'occulter le monde environnant pour qu'il puisse se concentrer uniquement là dessus. Là, ils se faisaient face, sur une scène de théâtre entièrement plongée dans le noir. Seul leurs corps étaient éclairés par deux faisceaux incandescents. Le corps de Victor semblait brûler sous la lumière rougeâtre et ses cheveux blonds flottaient autour de son visage neutre. Luca quand à lui, semblait être porté par une douce lumière bleue et il souriait tendrement. Puis tout alla très vite, leurs corps se rapprochèrent et se fondirent l'un dans l'autre. Le feu rencontra l'eau et l'esprit de Victor s'apaisa instantanément. Ses lèvres vinrent trouver celles de Luca et il se laissa sombrer dans cette obscurité si rassurante. Ils étaient ensembles, rien d'autre ne comptait. L'esprit de Victor l'avait emporté si loin, qu'il sursauta brutalement quand il sentit une main glacée se glisser dans la sienne, devenue fraîche au contact du mois de décembre. Il cligna des yeux, se reconnectant totalement au monde environnant et tourna son visage vers Luca. Les joues rouges et le regard fier, il regardait devant lui, sa main serrant de toutes ses forces la sienne. Aucun des deux n'avait encore parler mais après tout pourquoi faire ? Puisque tout était si simple. Le petit théâtre de Victor termina de se dissoudre quand ils reprirent leur marche.
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L'art et la manière de devenir accro
RomanceLe spectacle de Noël organisé par le lycée est un excellent moyen pour apaiser les rancœurs. Enfin tout du moins, ça l'était avant que Luca ne doive rejouer la scène principale de Roméo et Juliette avec Victor, le mec qu'il supporte le moins dans sa...