Neuf

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Luca conduisait. Il ne savait pas comment, il était arrivé là, mais il conduisait. La nuit était noire dehors et seuls les phares de la voiture éclairait la route sinueuse qui s’étendait devant lui. Le fait qu’il n’ait toujours pas passé le permis l’effleura, mais en voyant l’assurance de ses gestes, il en conclut qu’il avait du manquer quelques épisodes de sa vie, après la soirée chez Antoine. Bizarrement, cette idée ne le dérangea pas, jusqu’à ce que l’image de Victor s’impose à son esprit. Ses doigts se resserrèrent inconsciemment autour du volant. Il voulait se souvenir…. Il voulait savoir si sa relation avec Victor était toujours la même…. Si cette lueur de tendresse brillait toujours dans ses yeux… Si son toucher était toujours le même… Il fronça les sourcils, essayant par tous les moyens de faire appel à sa mémoire, mais un autre souvenir jaillit des méandres de son esprit à la place.

Il était allongé à l’arrière de la voiture, l’odeur rassurante du cuir pénétrant ses poumons raidis par l’angoisse, ses doigts fins serrant la mince couverture dont son père l’avait recouvert. Il ferma les yeux et les serra très fort, quelques larmes coulant sur ses joues. Luca sentit alors la main douce et immense de son père dans la sienne et il ouvrit ses grands yeux sombres.

-Mon ange, tout va bien, papa est là. On va aller à l’hôpital et demain on rentrera à la maison et tout ira bien…

Ses yeux foncés fouillaient ceux de son père, mais il faisait trop sombre pour qu'il puisse y discerner quoi que ce soit. L'habitacle n'était éclairé que par les phares des voitures qu'ils croisaient. Il serra la main de son père plus fort et murmura.

-Maman… Elle est fâchée… A cause de moi…

Les lèvres charnues de son père s’étirèrent en un sourire rassurant.

-Mais non mon ange, maman n’est pas fâchée à cause de toi… Et puis moi je….

Un crissement de pneus. Le choc. Et le silence. Long, pesant, infini. Luca hurla, mais il n’entendait pas sa voix. Juste le silence qui l’étouffait et tout qui devint noir.

Luca ouvrit brutalement les yeux, la respiration hachée. La route s’étirait toujours devant lui, long ruban d’asphalte dont il était impossible de voir le bout. Il secoua la tête pour chasser les dernières images de se souvenir et reporta son regard brûlant de larmes sur la route. Ses mains guidaient d’elles-mêmes le volant mais il oublia bien vite le milliard de questions qui lui trottait dans la tête quand il entendit une voix bien connue qui lui retourna agréablement l’estomac.

-Tu m’a manqué…

Le souffle de Luca se coupa et une larme roula sur sa joue. Il n’osait pas y croire. Il ne pouvait pas être là… C’était tout bonnement impossible et pourtant la main qui cueillit sa larme pour la deuxième fois était grande, chaude ce même contact qui lui donnait à nouveau envie de se blottir contre son torse. Luca savait que c’était impossible. Que son imagination lui jouait probablement des tours, mais il avait besoin d’être sûr. Il avait besoin de se noyer dans ces deux grands lacs bleus pour être sûr qu’il ne rêvait pas et que Victor était bien là. Il tourna la tête et malgré l’obscurité qui l’enveloppait, il vit deux orbes pétillantes qui le regardaient et une cascade de cheveux blonds légèrement en bataille.

-Victor… murmura t’il sans quitter du regard ce visage aux courbes parfaites. Qu’est ce que tu fais là ?

-Tu ne croyais quand même pas que j’allais te laisser seul après cette nuit, répondit le blond avec un sourire.

Luca ouvrit la bouche pour répondre mais il ne sut que dire et reporta son regard sur la route. La main de Victor était posée sur sa jambe et il devait se retenir pour ne pas lier ses doigts aux siens. Des images de la soirée et de sa proximité avec Victor lui revenait en mémoire tandis qu’il se reconcentrait sur la route pour tenter de se donner contenance. Le blond ne parlait pas mais Luca savait qu’il regardait droit devant lui. La présence silencieuse du blond lui faisait du bien. Il ne savait toujours pas ce qu’il faisait là ni où il allait mais y aller avec Victor lui semblait bien moins effrayant. Luca se rendit compte que Victor avait un pouvoir sur lui et que celui ci était bien plus important qu’il ne l’aurais soupçonné quelques heureux auparavant. Peut importe qu’il s’agisse de l’énerver ou de le calmer, Victor arrivait à contrôler ses émotions rien qu’avec sa seule présence, quelques mots et un léger contact. Il en était là dans ses réfléxions quand un détail sur la route attira son attention. La barrière de sécurité entre les deux voies avait disparu…

L'art et la manière de devenir accroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant