Dix

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Quand Luca poussa la porte de sa maison, il fut surpris par le silence qui y régnait. La télé ne diffusait pas son bruit de fond continu et la radio était muette. Son frère n'était donc pas rentré. Il s'appuya contre la porte après l'avoir refermé et soupira. Un mélange d'émotions, de fatigue et de douleur l'envahissait petit à petit, maintenant la tension retombée. Il avait été tendu durant tout le voyage du retour, perturbé par sa proximité avec Victor, par leur brusque changement de relation et par toutes les nouvelles émotions qui se mélangeaient en lui. Luca avait toujours eu un caractère entier, passionné toujours dans les extrêmes. Son père avait l'habitude dire que c'était son côté italien qui le rattrapait. Luca se laissait toujours emporté par ses émotions peut importe leur nature et avait beaucoup de mal à les canaliser. La psy mettait ça sur la mort de son père. Lui s'en foutait. Il était comme ça et même si ce trait de caractère pouvait s'avérer parfois étouffant il avait appris à vivre avec.

Il se débarrassa de ses chaussures et monta dans la cuisine ses sacs à la main dans l'espoir de trouver quelque chose à manger. Il se lava les mains et alla fureter dans le placard. Il trouva un paquet de gâteaux qu'Esteban n'avait pas encore terminé et se fit couler un second café. Il se sentait un peu fatigué mais bizarrement moins qu'aux autres soirées, malgré sa blessure. Après tout il n'avait pas beaucoup bu et avait fait une nuit plutôt complète si on excluait son cauchemar. Il s'assit et passa une main sur son front avant de porter sa tasse à ses lèvres. Le liquide amer, sombre et brûlant le réchauffa et il sentit son mal de tête se dissiper. Après avoir mangé deux biscuits, il se dirigea vers la salle de bain. Il se glissa rapidement dans la douche et se détendit sous l'eau brûlante qui roulait sur son corps. Il se lava doucement pour faire durer au maximum ce moment de plénitude, avant de se rincer et de sortir de cette bulle de chaleur à regret. Il s'emballa dans un grand peignoir et se sécha rapidement les cheveux avant de monter dans sa chambre, ses deux sacs toujours à la main.

Luca ouvrit un des sacs et un parfum familier lui fit froncer les sourcils. Intrigué, il fouilla à l'aveuglette et ses doigts s'accrochèrent à un grand morceau de tissu doux et parfumé. Il le sortit et écarquilla les yeux de stupeur. Dans ses mains, il tenait le grand t-shirt de Victor, qu'il avait machinalement rangé dans son sac avant de sortir de la salle de bain. La honte lui monta aux joues pendant quelques secondes mais bien vite, un désir inconnu réchauffa son ventre et prit le pas sur le reste. Il enfouit alors naturellement son nez dans le tissu et savoura sa douceur inhabituelle ainsi que le parfum dont il était imprégné. Après l'avoir porté, il reconnaissait son parfum à certains endroits mais le parfum de Victor l'emportait tout de même. La fatigue et la douleur lancinante qui traversait son front eurent rapidement raison de lui et il s'endormit, le t-shirt du blond recouvrant son visage.

Quand Luca émergea plusieurs heures plus tard, il avait l'impression d'avoir trop dormit et cette sensation le dérangea. Il jeta un coup d'œil à son téléphone et fut surpris de voir qu'il était déjà 20heures. Ses insomnies, ses cauchemars et la charge de travail importante qu'exigeaient ses profs le fatiguait manifestement plus qu'il ne le pensait. Il se leva et se débarrassa enfin de son peignoir pour enfiler un simple jogging. Il allait descendre pour se faire à manger quand la vue du t-shirt blanc, l'arrêta. Il hésita puis le passa, un sourire aux lèvres avant de refermer sa porte et de descendre doucement les escaliers, son nez enfouit dans le col. L'odeur l'apaisa et c'est en sentant ses muscles se détendre qu'il prit conscience de la tension qui habitait son corps. Depuis l'accident de la veille, il avait l'impression que chaque partie de son corps était tendue comme figée par le stress. Il inspira plus fortement le tissu avant de grimacer quand le sang battit plus fort dans ses tempes, réveillant la douleur qu'il avait déjà eu du mal à atténuer. Il ouvrit les différents placards, à l'affût de quelque chose à se mettre sous la dent avant de finir par se faire cuire un petit bol de riz, surmonté de quelques lamelles de saumon fumé. Il s'assit ensuite dans un des fauteuils du salon et passa ses jambes par dessus l'accoudoir pour être plus à son aise, avant de commencer à manger. Son repas fut cependant troublé par des flashs de son rêve, mêlés à quelques bribes de réalité, le tout renforcé par ce parfum qu'il aimait tant, qui l'enveloppait peu à peu. Il se mordit les lèvres de frustration et d'incompréhension. A quel moment le blond envahissait son esprit comme ça ? Et surtout depuis quand ne pouvait-il plus penser à autre chose ? Bien sûr que le nouveau Victor était bien moins insupportable et con que celui qu'il avait l'habitude de fréquenter, c'était même le jour et la nuit, mais à ce point... Luca ne pouvait s'empêcher de se demander si ce coup à la tête ne lui avait pas plus retourné le cerveau plus que ce qu'il ne l'avait imaginé. Il réfléchit quelques instants à cette éventualité avant de secouer la tête et de soupirer. Il avait pleuré devant Victor, il lui avait caressé la joue, il s'était réfugié dans ses bras ou tout du moins s'était laissé faire avant de lui avouer à demi mot qu'il avait accepté le défi parce qu'au fond il le voulait et non par pure fierté.

L'art et la manière de devenir accroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant