Les enculés

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Warning: ce texte comporte beaucoup, mais alors beaucoup de gros mots. Le titre n'est pas là par hasard.

***

– Espèce d'enculé d'ordure de mes couilles, veux-tu bien accepter ce petit gâteau, bordel de merde ? gueula Fulbert.

– Ça me ferait chier de refuser, vieil excrément pourri.

– À la bonne heure, grosse morue, bâfre bien, ça te fera pas plus chelinguoter du bec !

– J'vais me gêner, tête de cul !

Suzanne observait son père proposer une pâtisserie à sa voisine. Comme toujours, ou presque, la petite fille gardait le silence. Le cadeau délivré, le père de Suzanne la tira par le bras :

– Allez morveuse du cul, avance un peu ton fion bordel de poutre à couilles. Sinon on va être en retard pour ton cours de piano de merde.

– Oui mon papa chéri.

Fulbert la fusilla du regard.

– Nom de dieu de bon dieu de bordel de bon dieu, combien de putains de fois faudra-t-il que je te répète de jacter correct !

La marchande de journaux qui avait entendu la conversation toisa la jeune fille :

– Petite merdeuse, t'as pas honte d'y claquer le beignet à ton trou duc de daron ? Saleté de merde va.

Suzanne sourit à la vendeuse encastrée dans son kiosque :

– Je n'ai rien dit de mal, madame.

À ces mots, la commerçante rougit de colère :

– Bon Dieu de chatte vérolée, comment qu'elle me bagoule cette merdeuse. Et vous faites pas de schproum, l'enculé de dabe ?

Fulbert regarda la marchande d'un air désolé et lança, de sa voix la plus affectée :

– Dame grosse pute à journaux, tu vois bien qu'elle est pas normale cette gamine toute pourrie. T'as de la merde dans la bouche, elle a de la rose. Bordel de couille de loup, on a tout essayé, rien à tirer de cette merdasse. Elle cause comme, comme, pfff, comme je sais même pas quoi. Bordel de merde.

À ces mots, la marchande se radoucit un peu et lança au patriarche :

– Bon Dieu de pute momifiée, c'est une belle enculerie qui vient de t'arriver là. Je te souhaite un putain de bon courage vieille raclure de bidet mal torchée.

– Ta jactance me fera chier tout droit, la morue ! lui répondit-il avec entrain.

Ils continuèrent leur chemin en direction de la professeure de piano de la petite fille. Sur la route, Fulbert la tança encore une fois, comme il en avait pris l'habitude depuis qu'elle était en âge de parler :

– Bordel de Bon Dieu de couilles infectées, tu peux pas causer normalement. C'est si difficile de suivre les règles, chié !

– Mais tu sais bien que je fais tout ce que je peux. Mais je n'y arrive pas mon papa chéri, je n'y arrive pas.

Et elle ajouta, tandis que Fulbert la fixait toujours avec déception, prenant un air dégouté, du bout de la langue :

– Merde.

À ce mot de ponctuation bienvenue, le visage du grand barbu s'éclaira :

– A la bonne putain d'heure. Tu vois guenon que quand tu veux chier de la jactance de qualité tu peux. Faut juste te nettoyer le fion plus souvent.

Suzanne hésitait entre la joie d'entendre son géniteur la complimenter et la honte d'avoir prononcé ce terme si, si quoi d'ailleurs ? Elle n'aurait su qualifier les raisons qui l'empêchaient de parler comme tout le monde. À douze ans, Suzanne avait employé cinq fois le mot merde, une fois couille, une fois enculé, toujours pour faire plaisir à son père. Mais plus elle grandissait plus il lui en coutait. Sa vie sociale ressemblait, déjà, à un enfer. Ses professeurs n'osaient plus l'interroger, gênés par ses réponses policées. Elle se révélait intelligente, travailleuse, mais obtenait souvent des notes en dessous de la moyenne à cause de sa syntaxe.

Nouvelles noires pour se rire du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant