L'esprit de Noël

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Avec un peu de retard, je suis heureux de vous présenter la cinquantième – CINQUANTIEME nouvelle noire et treizième de la saison 3, ou S03E13. Cinquante nouvelles depuis le 22 août 2015. Cinquante nouvelles dont un bon paquet que vous ne pourriez lire nulle part ailleurs. , pour ne citer que les plus récentes mais aussi La dent et sa suite . , ou pour les plus drôles. Et pour les plus tristes, les plus plombantes, je pense avoir réussi mon coup avec , ou . Bref, sans fausse modestie et avec un peu de melon, je pense avoir créé un univers qui me ressemble, avec des dialogues punchy, des situations originales et des chutes souvent coup de poing.

Et pour cette cinquantième ? C'est un peu ma réponse à la mièvrerie générale qui enrobe cette période, pour ne pas dire la naisaierie. Chez les lecteurs ou chez les écrivains. Des histoires gentillettes pleine de bons sentiments totalement déconnectées du réel. Alors pour cet "Esprit de Noël" version 2017, je vous emmène dans le réel. Juste un type qui se rend au boulot un 24 décembre. Avec un vrai bon esprit de Noël.

Et rendez-vous pour la centième quelque part en 2020.

***

J'ai autant envie d'aller bosser que de me coincer une couille dans la fermeture éclair. Cette pensée m'obsède tellement que je ne songe à rien d'autre tandis que je mets mon jean. La seconde d'après, je m'observe, en larmes, devant mon miroir, une couille dépassant grotesquement. Je devrais hurler à la mort, me plier en deux; le ridicule de la situation anesthésie la douleur. Momentanément.

Je sors de chez moi, la tête lourde, le testicule fragile, le moral en berne.

Je marche pour atteindre le métro et je m'interroge : pourquoi, pourquoi en suis-je là ? Qu'ai-je pu rater ?

Travailler un 24 décembre ne me pose aucun souci, c'est bosser tous les autres jours qui représente le fond du problème.

Je salue le père Noël déguisé en clodo qui cuve sa vinasse dans ma rue. Il me montre un majeur bien tendu. Je m'arrête. Je l'observe.

– Curieuse façon de témoigner votre esprit de Noël.

– Pas assez gros ? Retourne-toi, tu le sentiras mieux mon esprit de Noël, enculé.

Faudrait écrire un livre sur la disparité de réactions que peut engendrer une telle remarque. Notamment sur la même personne, selon son humeur, sa condition, etc. C'est à cela que je pense tandis que ma chaussure cueille la joue du pochtron enguirlandé. J'aperçois une dent quitter sa bouche.

– T'as raison, l'esprit de Noël, c'est un esprit de partage, on peut pas le garder pour soi.

Et ce disant, je lui assène un coup de pompe sur le tarin, tarin qui libère une rivière d'un sang bien assorti au costume du clodo.

– Voilà, t'as plus qu'à chercher le vrai père Noël et lui demander un nouveau pif. Fumier.

Je le laisse là, non sans lui recoller un marron dans les côtes.

– Ça, c'est parce que t'as été particulièrement gentil cette année.

La rue est déserte ou presque, et les quelques passants imitent très bien les aveugles, tournant la tête dans une direction neutre, quitte à se faire un torticolis pour ne pas avoir à aider ce clochard. J'ai bien envie de leur péter la gueule aussi.

Non, mais regardez-moi ce type à chapeau qui préfère se prendre un poteau plutôt que de porter secours à ce clodo. Quelle espèce d'ordure !

– Bravo ! Belle mentalité. Le 24 décembre, vous laissez le père Noël se faire tabasser, vous faites semblant de ne rien voir ! Vous me dégoutez.

Nouvelles noires pour se rire du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant