Jalousie, quand tu me tiens !

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Aimé

Peter m'attend dehors, assis sur la murette devant la vue et il soupire.

— Ça me plait de constater que tu t'en sors aussi mal que moi.

— Mais bon sang Peter c'est quoi ton problème ? Tu t'en rends compte qu'on ne va pas être potes ?

Il tourne la tête vers moi avant de la retourner lentement vers la vallée. Je vois son regard se perdre au loin.

— Quand j'ai demandé à Constance de m'épouser je me suis dis qu'on s'entendait tellement bien que même si ce n'était pas la grande passion de son côté, elle avait besoin de moi.

Je n'en reviens pas de la question que je m'apprête à poser. La curiosité est plus forte.

— Parce que toi, c'était la grande passion ?

Il hausse les épaules.

— Quand son coeur s'est arrêté de battre je me suis dis que je ne pouvais pas vivre sans elle.

Mon Dieu, qu'est-ce qu'il raconte ? Et pourquoi je l'écoute me raconter sa vie ? Ça devrait être super gênant mais mes oreilles sifflent, je n'entends plus qu'une chose : son coeur s'est arrêté de battre un instant.

Il poursuit quand même.

— Mais elle s'est réveillée et ça n'a plus été elle. J'ai perdu la Constance que je connaissais.

— A cause de Sofia ?

— Non... Sofia et moi ça n'a pas duré longtemps et c'était déjà de l'histoire ancienne au moment de l'accident. J'avoue qu'on s'est remit ensemble après que Constance m'ait quitté... Mais Sofia aimait trop Constance pour lui faire ça à nouveau.

— Je ... Peter ... qu'est ce que fais là ? A me parler ?

— Je t'aime bien. Mais je vais quand même essayer de te la récupérer.

— J'ai pas peur de toi Peter, tu t'y prends comme un manche.

— Tu dis n'importe quoi, elle a même souri tout à l'heure.

Je le regarde éberlué, on vit dans une dimension parallèle ? Il n'a pas vu qu'elle voulait l'étriper ? Un très vague instant il me fait de la peine. Juste avant qu'il me tapote le bras avec insistance.

— T'as vraiment un corps de rêve ! J'adore ! C'est tellement cliché.

Je soupire et me lève. Mais sa dernière phrase fait mouche.

— Ce n'est pas de toi que j'ai peur Aimé, c'est de Marco. Imagine, il est tout le temps avec elle, il lui donne le sentiment d'être "la sauveuse" Et ...

Il insiste lourdement sur le "et" avec cette exagération qui est sienne.

— Et il lui tient tête. En plus je le trouve plein de charme. Alors que toi, tu es "trop" beau, lui, il est juste "charmant" dans son rôle d'homme des cavernes.

Je fronce les sourcils et sens la jalousie me piquer, fugacement.

— Tu dis n'importe quoi ! Tu es vraiment un connard Peter.

— Si je te jure on dirait Jésus des temps modernes.

Ce salaud émet un léger raclement d'arrière nez très significatif du fait qu'il se fout ouvertement de ma gueule.

Je marche, furieux, en direction de chez moi, heurtant au passage Marco.

— Quoi !

Je lui abois dessus avant de me reprendre et de le dévisager. Et merde ! Il est pas laid le Marco. Je l'avais juste jamais regardé ainsi. Je crois qu'une part de moi ne voyait que le SDF sale et hirsute qu'il avait été. Alors qu'en fait il a du chien ce mec.
Il a un visage très atypiques, des cheveux bruns d'où s'échappent des mèches poivre et sel qu'il porte mi-long et attachés, des yeux quasiment noirs et une mâchoire taillée à la serpe. Son nez est légèrement de traviole. Ce type est une baraque, une vraie armoire à glace. Même moi qui suis musclé - vive le jogging et les pompes - je n'ai pas son ossature ! Est-ce que ça attire les femmes ? Et sa barbe de hipster ? Putain, c'est un tatouage sur son biceps ? Je suis foutu, les nanas kiffent les tatouages.

— Aimé ... tu fais quoi ?

Il me dévisage intrigué, sa colère est redescendue temporairement.

J'ai l'air stupide à le regarder ainsi... Je l'envoie balader lui aussi et repars d'une humeur massacrante. Une toute petit part de moi me dit que ce crétin de Peter a raison, on dirait Jésus.

La nuit je rêve de Peter qui couche avec Constance, du corps nu et huilé de Marco qui se joint à eux et de moi, les bras ballant qui contemple tout ça, écœuré. Puis, c'est assez étrange, la chaleur d'un corps me gagne alors même que la personne la plus près se trouve être Marco. Je sais bien que je suis dans un rêve mais ça n'a pas de sens. De l'eau me coule sur l'épaule et recouvre entièrement mon lit avant de devenir rouge. Rouge comme le sang de Marco que je viens de tuer avec une lime à ongle... décidément ça n'a pas de sens. C'est comme un béret ne puis-je m'empêcher de penser. Je n'ai jamais compris de quelle façon le mettre !

Des sanglots me tirent de ma torpeur, je mets un moment avant de comprendre qu'il s'agit de Constance. Son corps est lové contre moi, elle pleure contre mon épaule, doucement. Ce bruit me déchire les entrailles.

— Constance ? Tu es arrivée quand ?

Dans mon dos je sens son haussement d'épaule.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

Elle continue de pleurer ainsi cinq bonnes minutes puis soudain ses pleurs deviennent déchirants, elle en suffoque.

Je me tourne vers elle, la serre contre moi et lui caresse le dos en répétant un "chut" tendre.

— C'est ta dispute avec Marco ?

Mon cœur se serre en attendant la réponse qui ne vient pas. Cette supposition me dévore de l'intérieur mais je me retiens, je vois combien elle souffre et je ne peux me permettre d'y placer ce sentiment d'instabilité émotionnelle que Peter a voulu instiller en moi. Je n'ai jamais été un gars jaloux, je n'ai pas envie de le devenir.

— Ma mère est morte.

... Quoi ?

Je m'arrête de penser, que dit elle ?

— Quand ?

— Cette putain de journée ! Elle hoquète et reprend douloureusement, ce jour où j'ai été agressée, où Anne s'est suicidée ... Ma mère est morte en venant à l'hôpital me voir, un taxi a foncé dans son Uber, elle a eu le coup du lapin. Et quand je me suis réveillée elle avait été inhumée, Mamé n'avait pas été prévenue ... Rien ! Ce connard a pris toutes les décisions à ma place.

— ... Peter ?

Je demande d'une voix fébrile car je ne suis pas sûre de comprendre.

— C'est ça le secret inavouable Aimé, je cache à ma grand-mère la mort de ma mère. Sa fille ! Comment veux-tu que je lui dise !

— Mais pourquoi ? Comment ? Je ne me suis pas aperçu ...

Elle ne répond plus et continue de pleurer.

Tout ça pour ça (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant