Chapitre 1 : Pourquoi je suis ici ?

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C'est pas possible, c'est pas réel, c'est pas en train d'arriver. Pas possible...Pas réel... Pas réel....

Qu'est ce que c'est que cette merde ?

...La musique de Dream Pink, l'intro de Run like hell.... les accords, pas vraiment en place. Ca le révolte.

Non, j'ai bossé depuis.... Je le sais ce truc. Je me plante plus ! C'est pas réel. Putain de cauchemars de merde!

Il commence à être habitué. Le phénomène se répète toutes les nuits depuis l'annonce du concert. Il a tout connu : des guitares molles, l'absence de son, les doigts qui refusent de bouger, sans oublier le grand classique, se retrouver nu au milieu d'une foule où chacun affiche le même regard désapprobateur. Plus rien ne peut le surprendre désormais. Il se dit que ce morceau raté n'est finalement pas ce qu'il a vécu de pire.

L'autre jour, il a rêve qu'il pénétrait sur une scène immense, dont il ne voyait pas la fin. Il avançait sur un plateau noir, éclairé d'un unique rond de lumière qui le suivait fidèlement. Tout était en place mais il était seul. Il y avait la basse de Roman, bien droite sur son support, le saxo de Pat, sur le sol, dans son étui maintenu ouvert par une tige de bois. Les baguettes préférées de Niko, les noires avec l'olive blanche, dormaient sur le tom basse et les lumières du synthé étaient allumées. Mais les musiciens ne viendraient jamais. Ils étaient tous morts et il le savait puisqu'il revenait de leur enterrement. Il lui fallait enfin admettre cette vérité qu'il avait fuit pendant si longtemps. Il était seul. Et il le serait toujours. Hé, ducon, tes potes ils sont bien en vie... c'est pas vrai tout ça....

Changement de décors, il s'escrime à dénaturer un magnifique solo de David Gilmour (à présent le mythique « Another Brick in the Wall »), alors que sa guitare se désaccorde petit à petit et que les cases se dérobent sous ses doigt comme si elles étaient montées sur un tapis roulant. Il soupire, et songe qu'il fait vraiment des rêves stupides. Le pire, c'est que ce sera ainsi tant que le concert ne sera pas passé. Au bout du compte, ce n'est même plus effrayant. C'est juste aussi épuisant que ces gens qui font toujours les mêmes jeux de mots douteux. Puis une pensée, plus horrible que tout ce qu'il a rêvé le traverse, telle une lame glacée alors qu'il s'extirpe du sommeil avec difficulté. Mais au fait... Quel jour on est ? On est le 6. Merde !!! Qu'est ce que je glande encore à pioncer ? Le concert c'est aujourd'hui. Et faut que je passe voir Hank pour lui expliquer. Putain, c'est pas le moment de traîner ! Debout !

Il ouvre les yeux d'un coup, prend une profonde inspiration, comme s'il sortait de l'eau après une longue apnée. Un instant il se dit qu'il va échapper à ses habituelles terreurs matinales mais c'est l'inverse qui se produit. Au lieu d'une brève crise d'angoisse, un poignard sadique s'enfonce brutalement dans ses côtes. Il gémit, le souffle coupé. La douleur déferle sur lui, irradie de son flanc droit pour envahir son torse tout entier.

C'est pas possible, c'est pas réel, c'est pas en train d'arriver.

Des images de ses récents cauchemars se bousculent alors qu'il tourne la tête en tous sens à la recherche d'un détail familier. Mais tout lui est inconnu : les murs très clairs, la baie vitrée, l'écran de télé encastré dans le mur en face de lui, le gros fauteuil en cuir brun foncé, avec, sur l'assise, une revue dont la photo de couverture est une main aux doigts largement écartés.

L'enfance de l'art - Tome II : Le fou (Terminé)Where stories live. Discover now