L'enfance de l'art - Tome II : Le fou (Terminé)

chapitre 5 - Fils de personne

Appartement de Stephen – 5 janvier

Gal est rentré tard, très tard, totalement épuisé, bien après que Roman et Pat aient regagné leur logement respectif. A son arrivée, il y avait de la lumière en provenance de la chambre de Stephen mais le vieil homme dormait, un livre à la main, en travers de son lit.

Il m'a attendu se dit Galaad avec une grimace de dégoût. Il reste un moment à regarder son oncle endormi. Dans sa jeunesse, l'homme a dû être beau, séduisant même. A en croire Fred, qui était incollable sur le sujet c'était un playboy qui se produisait souvent dans des réunions huppées, aux côtés de stars. Mais tout ce qui suscitait l'admiration de Fred a tendance à provoquer de la répugnance chez Galaad. C'est peut être le côté artificiel de tout ça, où le fait que cet oncle qui s'affichait avec des vedettes du cinéma ne venait jamais à la maison. Le regard du jeune homme tombe sur les mains de l'ex-chirurgien. La peau est plissée avec l'âge mais elles sont fines, fortes et agiles. Il donnerait dix ans de sa vie pour les avoir, à la place de ces amas de chairs bourrelés de cicatrices qui pendent au bout de ses bras.

Il se détourne, gagne sa chambre et se laisse tomber sur son lit, sans prendre la peine d'enlever ses chaussures. il sombre dans un sommeil lourd, sans rêve.

Appartement de Stephen – 6 janvier

Le lendemain, Stephen intercepte son neveu dans le couloir. La main du jeune homme est déjà sur la poignée de la porte pour rejoindre l'atelier de Roman. Dans la poitrine de Galaad, son coeur bat encore la chamade, il n'a pas tout à fait récupéré de l'angoisse quotidienne du réveil. Il n'a pas pris le temps de déjeuner où de se changer. Il s'est dit qu'il ira fouiller dans le frigo de Roman, toujours bien garni. Avec de la chance, il restera encore du crumble de la veille.

- Je peux savoir à quelle heure tu es rentré hier soir ? demande Stephen d'une voix dure.

- J'en sais rien dit Gal en fixant sa main d'un air buté.

Il évite de regarder son oncle. Sa vue a le don de le mettre en rogne. Et il n'a qu'une seule envie : partir le plus vite possible pour retrouver ce qui compte vraiment pour lui : ses amis et la musique.

- Tu es censé être parti de chez ton ami Roman en fin de matinée. Je peux savoir ce que tu as fait toute la journée ?

Gal se retourne d'un bloc, les dents serrées.

- Non. C'est ma vie.

Stephen croise les bras, le visage fermé.

- Je pensais avoir été très clair sur les horaires.

Gal ferme les yeux, tente de calmer sa colère mais c'est tout le contraire qui se produit. Elle augmente d'un cran. Il tremble. Mais en même temps une part de lui exulte à l'idée de l'affrontement qui se profile.

- Ecoutez, oncle Stephen, 'faut me laisser vivre sinon ça va mal se finir, dit-il d'une voix tendue.

Stephen serre les mâchoires. Après tout, il n'y a pas que le sieur Templemore qui soit capable de faire obéir ce fichu gamin.

- Très bien, si tu ne veux pas comprendre, tu vas attendre quelques jours avant de retrouver ta guit...

- Que je comprenne quoi ?

Galaad ouvre la porte à la volée, l'envoyant cogner contre le mur. La poignée laisse une marque en creux sur le papier peint.

- Où est-ce que tu vas ? Je t'ai dit de rester ici ! Tu dois...