Appartement de Stephen – 20 octobre
- C'est pas moi, dit lentement Galaad sans se retourner, moi, je suis mort.
Les paroles du jeune homme font à Stephen l'impression d'être au coeur d'une poudrière qui vient d'exploser. Il avance dans la pièce, très rouge, le regard comme dévoré par une rage intérieure qu'il laisse éclater.
- Tu n'as pas le droit de parler comme ça ! Tu es en vie, et en bonne santé. Tu n'as pas subi d'amputation. Tu vas te remettre. Je ne peux pas changer le passé mais dans la situation présente tu devrais t'estimer heureux et être reconnaissant !
Ca lui fait du bien de crier, après tous ces jours à soigner un Galaad en état de choc, à se demander s'il reprendrait jamais conscience. Cela fait deux semaines qu'il dort très peu, hanté par l'idée d'avoir, pour le restant de ses jours, à s'occuper d'un zombie qui ne lui parlera jamais. Il a subit un traumatisme très violent, il n'a pas encore accepté ce qui lui est arrivé, il faut être patient et garder ton calme se dit-il. Oui, c'est la voix de la raison. L'ennui c'est qu'il aurait plutôt envie de prendre son neveu par les épaules et de le secouer après lui avoir asséné de bonnes paires de claques.
Stephen s'approche au pas de charge de Galaad, toujours rivé à son reflet dans le miroir.
- Mais qu'est ce que tu crois ? Dans la vie, rien n'est facile ! Il faut se battre pour arriver à quelque chose. On n'abandonne pas dès que ça ne va pas. Je pensais que tu étais plus fort que ça !
Galaad tourne lentement la tête vers son oncle sans se laisser émouvoir par ses cris. Il parle d'une voix fatiguée, très calme.
- Je me reconnais même pas. Je sens plus mes mains, j'essaye de faire bouger mes doigts mais ils répondent pas. Qu'est ce que vous voulez que j'en ai à branler d'être en vie si je peux plus rien faire ? Si vous attendez de moi que je me foute à genoux devant vous pour ce que vous avez fait, vous perdez votre temps !
Stephen demeure muet. Jamais personne ne s'est permis de lui répondre. A l'hôpital ses coups de gueule mettaient tout le monde au pas et ils étaient bien moins violents que celui-ci. Des colères pareilles, il n'en a pas eu depuis des années. A bien y regarder, la dernière remonte à un peu moins de vingt ans. Et elle lui a coûté très cher. Mais Galaad semble hors d'atteinte, comme dans une autre dimension. Les reproches de Stephen glissent sur lui sans le toucher.
Ignorant son oncle, le jeune homme fait quelques pas hésitants. Ses jambes sont faibles. Elles le portent à peine. Il s'assied très lentement sur le lit, ses deux mains dans leurs bandages posées sur son sexe. Il montre son dos à son oncle. La peau est d'un rose tendre au niveau des épaules et à la base du cou, témoignage du brasier qui a emporté sa belle chevelure. Fort heureusement pour le jeune homme, les brûlures étaient toutes superficielles. Il est probable qu'avec le temps elles ne laissent aucune marque. Les ecchymoses qui témoignent des coups portés au niveau des côtes disparaissent sous le bandage qui monte de la taille jusque sous les seins du garçon.
- Pourquoi je parle pas normalement ? C'est pas ma voix. Je fais de la musique depuis que j'ai 10 ans, je sais reconnaître ma voix quand même ...
Stephen lâche un fuck entre ses dents. Il patiente quelques instant pour que sa colère retombe. Il se sent un peu honteux d'avoir passé un savon à un blessé qui vient à peine de retrouver ses esprits.
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L'enfance de l'art - Tome II : Le fou (Terminé)
General FictionBlessé, traumatisé au plus profond de lui même Galaad n'est plus qu'une ombre à la stabilité mentale défaillante. Auprès de Stephen, dont il ignore presque tout, il va falloir se reconstruire, essayer de redevenir lui même et surtout, de retrouver...