Chapitre 4 : Avancer vers quoi ?

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               Appartement de Stephen - 04 janvier

Neige a disparu.

Lorsqu'il est entré dans sa chambre, soutenu par Roman, l'étui de la guitare était à sa place habituelle, au pied de son lit. Cette vision lui avait procuré un incroyable apaisement, comme si tout le reste n'avait plus d'importance. Il était sérieusement dans le cirage, sans cesse au bord de la perte de conscience. Puis son oncle et Pat avaient commencé à le déshabiller. Il les avait vaguement entendu évoquer un lavage d'estomac. Il avait voulu se débattre et protester mais il n'était pas parvenu à reprendre suffisamment conscience. Puis plus rien jusqu'au lit, chaud, utérin et le sommeil, avec Pat à ses côtés. Il entendait la voix de Roman, à l'autre bout de l'appartement, qui parlait avec Stephen. Pour la première fois depuis des mois, il s'était senti protégé et en sécurité.

A présent, il n'y a plus rien au pied de son lit. Il se sent glacé, au bord de la nausée, de la panique. Il reste de longues minutes à regarder fixement l'endroit où il pose habituellement son étui. C'est un peu comme si il s'attend à le voir réapparaître, comme si c'était juste un défaut de vision. Mais rien ne se produit. Devant lui, c'est toujours ce vide, immense, inconcevable. C'est pas possible, c'est pas réel... Il y a de légères marques sur la moquette, pour témoigner de l'habituelle présence de l'étui. Il se masse les tempes d'une main qui tremble. C'est pas possible, elle dit être quelque part, j'ai juste oublié où... se dit-il pour se rassurer.

Il regarde sous le lit : rien, pas même de la poussière où des chaussettes oubliées. La femme de ménage est efficace. Il cherche dans l'armoire, jetant ses vêtements au sol sans ménagement. Il parcourt le couloir, vide les rayons de la salle de bain, inspecte le salon et la salle de sport. Partout il laisse des portes de placard ouvertes, vomissant leur contenu, tandis que l'angoisse augmente au fond de lui au point de faire tinter ses oreilles. La chambre de Stephen est fermée à clef. Il a trouvé le moyen de la reprendre, ça va pas se passer comme ça. Furieux, il rejoint la cuisine avec l'intention de se servir de ses poings s'il le faut malgré la répugnance que lui provoque le moindre contact.

Drapé dans une robe de chambre bleu marine, Stephen surveille la cuisson de ses œufs tout en buvant un café. En sourdine, une radio diffuse un morceau de dark country.

- Où elle est ? dit Galaad dans une sorte d'aboiement rauque et angoissé.

L'ex-chirurgien ne tourne pas la tête. Non seulement le luthier a eu une idée qui pourrait s'avérer payante mais en plus c'est lui, Stephen qui doit affronter l'ire galaadienne. Je vieillis, dans le temps je ne me serais jamais fait avoir comme ça se dit-il avec un pincement au cœur. Malgré tout, il se force à adopter un ton enjoué.

- Bonjour Galaad. Bien dormi ?

- Allez vous faire foutre, où elle est ?

Une chaise lui barre le passage, Gal l'écarte d'un coup de pied. La chaise tombe dans un vacarme métallique. Stephen la ramasse sans se presser.

- Moi aussi. Merci. Il faudra bien te couvrir ce matin. La vague de froid n'est pas prête de se terminer, on dirait. La radio annonce du moins dix. Roman t'a laissé sa canadienne. La tienne est à la poubelle après ce qui s'est passé hier.

Parce qu'en plus il pense à tout ! se dit Stephen avec amertume.

- Putain de bordel, vous allez répondre ?

L'enfance de l'art - Tome II : Le fou (Terminé)Where stories live. Discover now