Epilogue : Lui fais pas de mal

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   Flash-back - 6 octobre, squatt de Galaad

Il est nu, délicieusement épuisé. Planté à la sortie de sa tanière, Galaad regarde une silhouette s'enfoncer dans la nuit. Il ferme les yeux, hume l'air espérant capter quelques volutes de son parfum. Il sourit doucement, il ne peut pas s'en empêcher. Il a l'impression qu'il va sourire ainsi durant plusieurs éternités et il n'a pas envie que ça s'arrête. Il regagne l'intérieur à pas lents. Il contemple les chiffres inscrits sur les paumes de ses deux mains. Il se dit qu'il va se dépêcher de les copier, sur tous les morceaux de papier qui traînent, sur ses cartons à pizza, sur les murs nus de son domaine. Puis il prendra un moment pour nettoyer Durandal de la transpiration du concert. Il doute d'avoir encore la force de jouer mais il ne veut pas la laisser ainsi.

Des larmes roulent sur ses joues, chaudes, douces, des larmes de joie. Il commence tout juste à comprendre ce qui lui arrive, à mettre un mot sur tout cela. Malgré sa fatigue, il se sent incroyablement léger, heureux, détendu. Il imagine ce qu'il dira demain, en poussant la porte de l'atelier de Roman alors que celui-ci le regardera d'un air éberlué. Salut, Rom, tu devineras jamais : je viens bosser avec toi et je suis amoureux !

Mais deux mains se plaquent dans son dos, à hauteur de ses omoplates, brisant net son rêve. On dirait deux pains de glace qui se posent soudain sur sa peau. Le choc thermique lui coupe la respiration et son coeur manque un battement. Avant qu'il ait pu comprendre ce qui lui arrive, il est violemment propulsé vers l'avant.

Il va percuter une étagère occupée par des revues américaines et des bouteilles de bières vides qui servent de serre livre. Son front cogne un rebord de bois et il se retrouve à quatre pattes par terre, à demi assommé. Avant même qu'il ait pu reprendre ses esprits, quelqu'un le bourre de coup de pieds très violents. Une incroyable douleur irradie dans son torse lorsque une de ses côtes cède. Il tente de se protéger mais les coups atteignent ses mains, ses doigts. Quelques heures plus tard Stephen diagnostiquera trois fractures dont une ouverte qu'il mettra longtemps à réduire. Il devra même faire découper une petite plaque de métal pour renforcer un os trop abîmé. Gal suffoque, paniqué. Des points noirs dansent devant ses yeux. Comme de petits rongeurs pris au piège les idées s'affolent dans sa tête et tournent en rond à une vitesse folle dans le noir le plus absolu.

Il essaye de rouler sur le côté pour se protéger des coups qui pleuvent toujours mais la douleur s'intensifie. Il ne pensait pas qu'on pouvait souffrir autant. Il retombe sur le dos en haletant.

- Et ce n'est que le début, espèce de salaud !

Galaad oublie momentanément la douleur dans son corps, les yeux écarquillé il reconnaît enfin son agresseur. C'est Fred. L'odeur de sa lotion contre l'acné l'enveloppe, écoeurante. Il n'arrive pas à comprendre pourquoi le jeune avocat est en train de le rouer de coups. C'est une vision tellement insoutenable qu'il doute d'être dans la réalité, si ça se trouve tout ça n'est qu'un cauchemar de très mauvais goût. Fred est penché vers lui, le visage déformé par la haine, dans le mouvement exact qu'il fera plusieurs mois plus tard, dans l'aéroport juste avant le départ de l'avion.

-Edé ?

Le visage de Fred se tord encore plus. Un nouveau coup de pied percute le torse de la forme étendue au sol. Plus tard il y aura une ecchymose d'un violet soutenu qui mettra des semaines à disparaître. Une deuxième côte cède, il gémit faiblement.

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça ! hurle Fred.

Galaad réalise avec terreur qu'un simple mot a décuplé la rage de son adversaire. De nouveaux coups de pieds s'abattent plus bas, au niveau du bassin. Galaad a un goût de sang dans sa bouche. Il a le temps de penser que les prochains lui arriveront en plein dans les parties. Il essaye de serrer les jambes pour protéger son sexe.

L'enfance de l'art - Tome II : Le fou (Terminé)Where stories live. Discover now