2 - Camille

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Tess vient s'accouder à une étagère à côté de la photocopieuse et me regarde pensivement. Elle est matte de peau, ses cheveux frisés lui arrivent aux épaules et elle tire sur ses boucles en jouant de ses sourcils. Ce spectacle qui d'habitude me fait rire parvient à peine à me détendre.

_ Ben t'en fais une tête ! s'exclame Tess en croisant les bras. Si ma jolie chevelure n'arrive même plus à te faire saliver c'est que t'as un sacré problème sur les bras !

Je hausse les épaules, feignant un sourire et réponds médiocrement que "ça va". Je le répète tellement ces temps-ci que je ne sais même plus ce que ces deux mots veulent dire. Les gens ont tendance à être satisfaits lorsqu'ils les entendent, pourtant. Même lorsqu'ils ne sont pas accompagnés d'un sourire. Même si, comme aujourd'hui, ces deux mots sonnent terriblement faux. Ils sont satisfaits parce qu'ils ont fait ce qu'il fallait : ils ont posé la question.

Mais peut-on vraiment répondre à quelqu'un que, non, ça ne va pas ?

Tess n'est pas satisfaite, elle. Ses photocopies sont terminées et pourtant elle reste accoudée là à m'observer. 

_ Camille...

_ Ne t'en fais pas, la devancé-je. C'est juste que tes cheveux me font trop d'effet et voilà, c'est difficile de pas te sauter dessus. 

Le visage de Tess s'illumine et son sourire me réchauffe un peu le cœur.

_ Ça aurait fait plus crédible avec une voix rauque de désir et pas dénué de toute émotion mais j'apprécie l'effort ! On en rediscutera !

Elle récupère les photocopies, m'adresse un clin d'œil et tourne les talons pour monter à l'étage. Je secoue la tête et tente de me replonger dans le travail qui m'attend mais je ne suis pas vraiment dans mon assiette. Alors que j'arrive enfin à m'occuper l'esprit avec mon poste, la porte en verre de mon bureau s'ouvre et je n'ai pas besoin de lever la tête pour savoir qui vient d'entrer. Il n'y a qu'elle qui ne frappe pas.

Megan n'a pas l'air de bonne humeur non plus mais à ça, je commence à m'habituer. Je la dévisage et la suis des yeux. Elle fait son chemin jusqu'à la photocopieuse et récupère le manuel qui est face à la vitre.

_ Quelle débile, cette Detée ! marmonne-t-elle.

Elle parle de Tess. Tess Detée. Je serre les dents. Je ne dis rien. Elle me jette à peine un regard et ressort aussi vite qu'elle est entrée sans m'accorder la moindre considération. 

Je reste un instant les yeux accrochés à ce foutu escalier par lequel Megan a disparu. Je remarque une bonne poignée de minutes plus tard que je suis tellement nerveuse que mes jambes se sont mises à tressauter sous le bureau. Je prends de grandes inspirations dans l'espoir de faire redescendre la pression et me penche de nouveau sur l'écran d'ordinateur pour finir la tâche entamée ce matin. 

Après Tess et Megan, Maelys se présente à mon bureau. Elle m'offre un joyeux sourire ; son parfum fruité se répand autour de moi lorsqu'elle s'approche pour me faire la bise.

_ Comment tu vas ? demande-t-elle.

Toujours cette question, cette fameuse question qui m'oblige à planter mes pieds dans le sol pour faire cesser les tremblements de mes jambes. J'ai horreur de mentir.

_ Hé bien écoute, ça va et toi ?

J'ai horreur de mentir oui, mais je ne peux pas vraiment faire autrement.

_ De même ! répond-elle d'un ton enjoué.

Maelys a de légères boucles à l'anglaise ; ses cheveux sont châtain clair et les pointes se rapprochent du blond à cause de l'été qui arrive. Elle est habillée d'une jolie robe, assez longue pour être de saison, et assez sobre pour faire professionnelle. Elle porte avec fierté une bague de fiançailles qui orne à la perfection sa main, d'une douceur et finesse inouïes.

My ParisianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant