9 - Megan

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Megan sort de la douche et enveloppe ses longs cheveux bruns d'une serviette après s'être habillée. Elle se regarde un instant dans le miroir, éludant les cernes qui lui soulignent les yeux et finit par soupirer et détourner le regard. Ses yeux ne brillent plus autant qu'avant et elle l'a bien remarqué. Elle n'arrive cependant pas à comprendre ce qui peut clocher dans sa vie. La distance qu'elle a mis avec ses collègues au boulot est intentionnelle et n'a donc aucun impact sur son moral ; elle vient de fêter les cinq ans de son couple et les vacances approchent. Elle compte rendre visite à ses parents pendant ce mois et demi de fermeture mais surtout passer une semaine à Paris pour se ressourcer et voir ses amis d'enfance. Elle est parfois nostalgique de cette ville mais se sent tout de même plus à l'aise à Montpellier.

Elle rejoint Zoé sur le canapé, occupée à jouer de la guitare avec un cahier de notes ouvert devant elle. Elle s'assoit à l'opposé de la jeune femme et l'admire pendant quelques instants.

_ Je sais que tu m'observes, finit par dire Zoé.

_ Et alors ? Tu es ma petite-amie, non ? J'ai le droit.

_ Est-ce que j'ai dit que ça me dérangeait ?

Megan sourit tendrement en secouant doucement la tête. Zoé se met à rire d'un ton léger et l'espace d'un instant, les yeux de Megan se remettent à briller.

_ Tu as faim ? demande-t-elle.

_ Oui, mais je vais m'en occuper, répond Zoé en se tournant vers la femme qui partage sa vie. J'ai envie d'un steak et tu foires toujours la cuisson.

_ Ah, je vois que ça te fait plaisir que je prenne le temps de te cuisiner quelque chose !

Zoé pose sa guitare contre le canapé et envoie un baiser à Megan avant de se lever pour rejoindre la cuisine. Elle attache ses longs cheveux châtains dans une haute queue de cheval et commence à s'affairer dans la pièce.

Dans le salon, Megan a mis la télévision et regarde l'écran sans vraiment le voir. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? se demande-t-elle. La télécommande en main, elle ne cesse de zapper de chaîne et finit par pousser un juron quand elle remarque qu'il n'y a rien d'intéressant qui passe.

_ Tu as passé une mauvaise journée ? lui demande Zoé de la cuisine. Je t'entends râler.

_ Non, elle était très bien, merci.

Son ton est froid sans qu'elle ne puisse deviner pourquoi et cet état de colère lui déplaît fortement. Elle éteint l'écran, lance à sa compagne un "je vais me coucher" sec et sans appel, puis disparaît dans leur chambre. Une fois allongée, elle balance la serviette qui retenait ses cheveux à l'autre bout de la pièce et enfonce son visage dans le coussin.

Quelques minutes plus tard, Zoé pousse la porte de la chambre et s'approche du lit, une assiette à la main.

_ Chérie, tu ne vas pas louper un repas...

Megan lève légèrement la tête. Son visage est éclairé par la lumière du couloir ; Zoé n'a pas osé allumer la lumière.

_ Je n'ai pas faim.

Zoé soupire et s'assoit sur le lit, posant l'assiette sur la table de chevet et une main dans le dos de Megan.

_ Dis-moi ce qui ne va pas.

La tendresse et l'inquiétude dans la voix de Zoé donnent la nausée à la formatrice qui sent ses yeux se remplir de larmes.

_ Je ne sais pas. Je suis fatiguée.

_ D'accord... Essaye de manger un peu, quand même. Je te laisse tranquille si c'est ce que tu veux... Repose-toi.

La jeune femme dépose un baiser sur ses cheveux et quitte la pièce à contrecoeur. Une fois dans le couloir, ses yeux se mettent à piquer. Elle retient ses larmes et se rend à la cuisine, où son repas l'attend. Elle mange seule sur la table, en silence, et la tête ailleurs. Elle ne prend même pas le temps d'apprécier le contenu de son assiette. Comme elle sent que Megan a besoin d'être seule, elle reste dans le salon à ingurgiter des programmes télévisés débiles qu'elle ne suit qu'à moitié. Elle n'a pas envie de jouer de la guitare, ce soir les notes seraient bien tristes et elle ne veut pas que sa compagne s'en sente coupable. Il y a des jours avec, et des jours sans, non ?... Oui, mais Megan ne l'avait jamais rejetée auparavant.

Quand elle vient enfin se coucher, elle devine tout de suite que Megan n'a pas dormi. Elle n'a pas touché à l'assiette et Zoé fait un aller retour pour jeter le tout à la poubelle avant de la déposer dans l'évier. Elle se glisse ensuite dans le lit et tend le bras pour caresser les cheveux de sa copine. Dans la manoeuvre, sa main entre en contact avec l'oreiller. Il est trempé.

Sans un mot, elle vient enlacer la jeune femme et lui embrasse tendrement l'épaule. La jeune femme pleure en silence dans ses bras. Zoé n'ose rien dire, elle préfère attendre que Megan se confie d'elle-même. Et si elle ne se confie pas ? songe-t-elle et son coeur se met à battre plus fort. Elle est en train de me glisser entre les doigts...

Très vite, en serrant sa compagne contre elle, elle se met à réfléchir. Depuis combien de temps ne lui a-t-elle rien offert spontanément ? Des fleurs, des chocolats, n'importe quoi... Oui, ça fait longtemps. Et un restaurant en tête à tête, en dehors des grandes occasions ? Pareil. Un cinéma ?

Zoé soupire. Elle ne peut pas s'imaginer sans Megan et cette seule pensée suffit à lui faire garder les yeux ouverts toute la nuit. Elle note mentalement de penser à acheter de quoi faire un tiramisu aux fruits rouges. C'est le dessert préféré de Megan et cela fait longtemps qu'elle n'en a pas préparé un. Elle adore cuisiner, en plus, il est dommage qu'elle n'y passe pas plus de temps.

La jeune femme tente désespérement de s'endormir. Elle ne se sent toujours pas rassurée malgré le fait qu'elle ait trouvé un plan d'attaque. Elle n'arrête pas de réfléchir. Pourquoi Megan est-elle si triste ? Pourquoi ne veut-elle rien lui dire ? Est-ce que tout va bien entre elles ou est-ce le début de la fin ? Son coeur se serre à cette idée. Non... Non, ça ne peut pas être ça...

Quand Megan se lève, elle s'extirpe de l'enveloppe protectrice des bras de Zoé qui a finalement réussi à s'endormir. Elle règle le réveil pour elle, attrape des vêtements et sort de la chambre en fermant doucement la porte derrière elle. Elle se prépare des tartines qu'elle n'arrive pas à avaler, passe sous la douche et quitte aussitôt son appartement.

Lorsqu'elle arrive devant le bâtiment de l'entreprise, il est encore tôt. Elle ne commence que dans une heure. Rebroussant chemin, elle prend le tram qui la dépose devant un café et y commande un pain au chocolat ainsi qu'un jus de pomme. Elle prend place à côté de la fenêtre et regarde les habitants affluer autour de l'arrêt de tramway. Elle prend son temps pour manger ; elle se force un peu à vrai dire. Elle n'a vraiment pas faim mais son côté raisonnable prend, comme bien souvent, le dessus sur elle. Des clients arrivent puis repartent et Megan est toujours là, plongée dans un silence et une passivité déconcertante. Un client régulier l'observe par-dessus son journal et hésite à lui demander ce qui ne va pas, mais il n'ose pas la déranger.

Elle finit tout de même par rassembler ses esprits, boit d'une traite le verre de jus de pomme qui lui glace la trachée, met les mains sans ses poches et quitte le café au profit du tram qui la ramène à son travail.

Cette fois-ci, elle est à l'heure et grimpe les marches, ignorant ses collègues ou les élèves qui y discutent. Elle traverse le hall sans s'arrêter et se rend directement à sa salle de classe. Elle pose son cartable sur son bureau, sort des papiers et commence à les trier pour organiser la séance. Elle essaye surtout de s'occuper l'esprit.

La matinée, pourtant, se passe sans encombres. Elle parvient à s'alléger le coeur et les élèves ne remarquent aucun changement chez elle, du moins dans son attitude. Ils ont tous remarqué ses yeux. Quelque chose s'y est éteint, et ils ne sauraient dire quoi. Cela arrange bien Megan. Ses élèves étant très à l'aise avec elle, ils n'auraient pas hésité à la confronter à ce sujet. Est-elle seulement prête à cela ?

Non, plutôt... Veut-elle réellement comprendre ce qui se trame ? Veut-elle savoir pourquoi elle se sent si mal, soudain ? Si éteinte ?

Et surtout, veut-elle vraiment agir en conséquence ?

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J'espère que ce chapitre vous plait, je vous dis à bientôt ! N'hésitez pas à commenter, comme d'habitude ;)

My ParisianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant