Partie 14

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« T'as plutôt une belle voix. Finalement t'es peut-être pas si nul que t'en avais l'air dans le parc. La première fois que je t'ai vu, je t'avoue que tu faisais flipper. A me fixer comme tu le faisais, c'était vraiment bizarre. Et puis, c'est pas comme si tu étais jolie. Du coup, on a pas vraiment envie de te parler. J'espère que je te blesse pas au moins ? En fait, je m'en fiche. Mais ma mère veut que je sois un peu plus gentil, alors je fais des efforts. Ça a toujours était bizarre entre ma mère et moi, on s'est toujours un peu mutuellement détesté. Mais la magie de Noël, ça change tout comme on dit. Alors elle a fait des efforts elle aussi. Ta mère elle fera pas d'efforts. Rêve pas. Qui voudrait avoir une fille comme toi ? Tu fais carrément peur. T'es pas normale comme fille. Je comprends que tes parents t'aient foutue dans cet asile. Je suis sûr qu'ils espèrent en secret que tu crèves. Enfin bref, on s'en fout. Tu vas encore me fixer comme ça pendant longtemps où tu vas te bouger un peu ? ».

Je l'écoute me parler, et je ne comprends rien. Le garçon qui est venu s'asseoir sur le banc, celui avec ses écouteurs et son regard noir, celui qui lisait des vieux livres, celui qui me haïssait, il est là,devant moi. C'est impossible. Ça y est je débloque. J'ai craqué. Il me fixe encore de ses yeux de mauvais garçon et explose de rire. Mais moi ça ne me fait pas rire, ça ne me fait pas rire du tout. Je me retourne pour ne plus le voir, et un petit garçon et assis par terre, de la boue plein les mains.

« C'est quoi ton prénom à toi ? Moi c'est Théo, t'aimes bien Théo ? Ma maman elle dit que c'est le plus joli prénom du monde, parce que je suis le plus joli de tout le monde entier. Tu trouves que je suis le plus joli ? Toi t'es pas jolie. En plus t'es bizarre. Pourquoi t'es toujours sur le banc dans le parc ? Et puis pourquoi tu parles pas ? Ma maman elle dit que c'est bien de parler, que si je parle tout le temps, je serai le plus intelligent sur la terre. Tu dois pas être la plus intelligente toi. Dis, tu viens jouer avec moi ? ».

Alors là c'est sûr, je débloque totalement. C'est pas possible tout ça. Ils sont pas sensés être là. Ils n'existent pas, ils n'existent pas, ils n'existent pas.

« Tu sais, c'est pas parce qu'on est heureux tous les deux que tu dois être jalouse. Je sais bien que ça doit pas être évident pour toi, d'être tout le temps toute seule, avec tes parents qui t'ont abandonné et tout ça mais c'est pas pour ça que tu devais nous regarder aussi méchamment dans le parc la dernière fois. On s'aime et c'est pas prêt de s'arrêter, c'est clair ? Alors tu vas nous laisser tranquille ma copine et moi. »

Le couple qui est venu s'asseoir sur l'autre banc me fixe, main dans la main, debout près du garçon au regard noir. Je porte les mains à ma tête et je me laisse tomber par terre.

« Qu'est-ce qui t'arrives ma petite ? Tu as perdu ton chemin ? Il faut que tu rentres chez toi. Tes parents doivent sûrement être très inquiets. Tu imagines leur souffrance ? S'ils apprennent que tu t'es enfuie de ta chambre, ils seront extrêmement triste. S'ils t'ont mise ici, c'est pour ton bien, tu sais ? Il faut que tu écoutes tes parents, ma petite. »

La vieille femme me fixe en souriant, un bouquet de fleurs à la main. Elle me le tends doucement et le détruit en milles morceaux devant mes yeux.

« L'écoute pas, c'est qu'une vieille folle. Tes parents t'ont abandonné, il faut que tu te venges ! C'est important tu comprends ! C'est important de se venger. Moi c'est ce que j'ai fait en tout cas. Je suis rentrée chez moi et je les ai détruit, je les ai tous détruit pour ce qu'ils m'ont fait. Et toi, tu dois faire pareil. »

 La petite fille me fixe de son regard dur, les poings serrés et plein de sang, un couteau dégoulinant dans la main.

Je ne peux plus, je ne peux plus. Et je pleure.


Le BancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant