Lisa tordit le bras de l'homme qui venait de l'agresser. Elle le plaqua contre le mur en brique d'un immeuble pendant qu'un cri de douleur lui échappait. Il tenta de se débattre mais la jeune femme était en colère et elle ne comptait pas le lâcher avant de lui avoir casser le bras. Ce qu'elle s'apprêtait à faire lorsque quelqu'un la tira en arrière brusquement.
- Lisa ! Arrête ! Ça suffit ! » Hurla une voix d'homme dans son dos.
- Encore toi ! » Cracha la jeune femme en découvrant le visage de celui qui venait de la déranger.
- A quoi tu joue ?! » Demanda celui-ci pendant que l'autre homme se plaignait dans son coin et la traitait de folle.
- Ce type m'a agressé ! Et c'est moi la méchante ?! Tu fais chier ! C'est bon, j'allais juste lui casser le bras ! » Grogna-t-elle tout en commençant à s'éloigner.
Mais le vieil l'homme l'arrêta en l'attrapant par le bras.
- Juste lui casser le bras ?! Lisa, je sais bien que tu as dû apprendre à te défendre depuis que tu vis dans la rue, j'en ai conscience. Mais tu aurais pu t'arrêter avant de lui casser le bras. Il serait parti quand même, crois-moi.
- Arrête de faire comme si tu comprenais tout, comme si tu savais ce que je vis ! T'es un bourge dans une maison de luxe ! » S'énerva Lisa en se dégageant brutalement et en reprenant sa fuite sous la neige de novembre.
- Je t'ai proposé de venir vivre chez moi justement ! » Déclara le vieil homme en haussant le ton.
- Je ne veux pas de ton aide ok ?! » Termina-t-elle sans même se retourner.Le vieil homme n'ajouta rien et la laissa disparaître dans le coin de la rue. En soupirant, il revint vers l'homme d'une quarantaine d'années qui avait bien failli se retrouver avec le bras casser. Ce dernier était toujours adossé au mur, en train de se plaindre. Il se tenait le bras en grimaçant.
- Laissez-moi voir, s'exclama-t-il en s'approchant, je suis médecin, ou plutôt je l'étais !
- Vous l'étiez ? » Se méfia immédiatement l'homme en se collant davantage au mur.
- Je suis à la retraite ! Ça se voit pourtant que je suis vieux maintenant ! » Se renfrogna le vieil homme.
- Et comment ça se fait que vous connaissiez cette dingue ?! » Questionna l'homme tout en se laissant ausculter cette fois-ci.
- Elle n'est pas dingue ! C'est vous qui l'avez agressé ! Et rien que pour ça j'ai hésité à ne pas la laisser vous briser le bras ! Et je pourrais également appeler la police alors fermez-la !
- Aïe ! » Se plaignit l'homme lorsque l'ancien médecin appuya avec force sur son bras.
- Vous avez une entorse. Passez aux urgences. Et il vaut mieux pour vous qu'elle n'est pas de problème avec la police dans les prochains jours ou je leur dirais ce qu'il s'est vraiment passé et je vous ferais mettre en prison ! » Termina le vieil homme avant de tourner les talons.* * * * *
Lisa trouva un nouvel abris sous le porche d'une maison. Elle savait qu'elle ne pourrait sûrement pas y rester longtemps avant que les propriétaires ne la vire ou n'appelle la police et qu'elle se retrouve à fuir sous la neige. Mais pour le moment, elle était protégée du vent glacé et c'est tout ce qui comptait. Même si ce n'était que pour quelques minutes ou quelques heures. Le froid était si intense qu'elle ne sentait presque plus ses pieds et ses mains. C'était dans ces moments là que son cerveau lui rappelait que Henri lui avait proposé de vivre chez lui. Depuis qu'il l'avait découverte il y a deux ans, mourante de froid en plein milieu du mois de décembre, il l'avait pris sous son ail. A cette époque, Henri était encore médecin et faisait parti d'une équipe de l'hôpital qui balayait les rues à la recherche de sans abris à aider. Il lui avait sauvé la vie, et depuis ce jour là, elle le détestait. Elle voulait mourir, elle se serait bien passé de ces deux années de galère à vivre dehors sans un sous. Mais Henri n'en avait fait qu'à sa tête. Il l'avait soigné et depuis, il passait la voir tous les mois. Il arrivait toujours à la retrouver dans la ville, même lorsqu'elle tentait de se cacher. Cette visite mensuelle agaçait la jeune femme au plus au point. Elle était trop fière pour avouer qu'elle avait besoin d'aide et que sans lui, elle ne mangerait rien du mois. Elle était sûr de le revoir bientôt, puisqu'il n'avait eu le temps que de l'empêcher de frapper cet homme qui l'avait pourtant agressé. Il viendrait lui donner de l'argent, comme à chaque fois. Lisa était persuadée qu'il faisait cela seulement parce qu'il culpabilisait d'être riche. Il se servait d'elle pour se sentir mieux et se dire qu'il faisait quelque chose de bien pour quelqu'un. Et elle n'avait pas envie de servir à ça.
- Dégage de là ! » Hurla soudain un homme dans son dos.
Lisa était si fatiguée, si engourdie, qu'elle n'avait même pas entendu la porte derrière elle s'ouvrir. L'homme n'attendit pas plus longtemps pour la pousser. La jeune femme glissa sur la neige et dévala les escaliers.
- Si tu reviens, j'appelle la police ! » Ajouta l'homme avant de claquer la porte.
Lisa se redressa difficilement et tenta de retirer la neige qui collait à son vieux manteaux trop grand pour elle. Mais c'était trop tard, le tissu était mouillé et elle avait encore plus froid maintenant. Tous son corps tremblait et elle n'avait aucun moyen de se réchauffer. Elle enfonça davantage son bonnet sur sa tête et repartie vagabonder dans les rues sombres de Londres.
* * * * *
Henri Jackson était en train de lire, confortablement installé dans son fauteuil en cuir vert disposé face à la cheminée, lorsque l'on frappa à sa porte. Il eut l'espoir fou, comme à chaque fois que quelqu'un sonnait à sa porte, que ce soit Lisa. Mais il savait au fond de lui que ce n'était pas elle. Elle ne viendrait jamais. Cette gamine était beaucoup trop fière. Et pourtant, il aurait vraiment aimé pouvoir l'aider plus avant de mourir. Il serait mort serein s'il avait réussi à la faire venir et à lui faire trouver un travail. Bientôt, elle devrait se débrouiller sans lui et il avait peur que lorsque son cancer l'emporterait, Lisa le rejoigne rapidement à cause de froid de cet hiver.
Il ouvrit la porte et découvrit son fils, qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs mois. Ce dernier semblait en colère. Il n'attendit pas l'autorisation de son père pour entrer dans la maison. Il secoua ses chaussures pleines de neige dans l'entrée et sans même retirer sa veste, son bonnet et ses gants, il tendit un dossier à son père, avec le nom de l'hôpital marqué dans le coin droit. Henri savait ce que c'était. Son fils venait de lui mettre son propre dossier médical entre les mains. Celui qui disait qu'il avait un cancer en phase terminale. Et Henri n'avait rien dit à son fils, par pudeur, par fierté.
- C'est quoi ce délire papa ?! Combien de temps pensais-tu me le cacher ?! Je suis médecin bon sang ! J'aurai pu t'aider ! » S'emporta Raphaël alors que son père évitait son regard.
- Non, justement, tu n'aurais pas pu. J'étais médecin moi aussi. J'ai tout de suite su ce que c'était un cancer. Et j'ai vite compris que je ne pourrais rien y faire. Je ne voulais pas que tu perde ton temps avec moi. Tu as déjà assez de chose à faire, c'est pour ça que ça fait des mois que nous ne nous sommes pas vu d'ailleurs. » Expliqua Henri tout en marchant jusqu'au salon.
Il s'installa de nouveau dans son fauteuil pendant que son fils restait droit comme un I devant la cheminée.
- Tu aurai quand même dû me le dire ! Papa, il te reste ... il te reste si peu de temps ... Si je n'avais pas découvert ton dossier à l'hôpital quand est-ce que je l'aurai su ? Hein ?! Quand tu serais mort ?! » S'énerva-t-il de nouveau.
- Au final, ça ne change pas grand chose ! » Grommela le vieil homme.
- Bien sûr que si ! J'avais le droit de savoir en même temps que toi ! Je serais venu te voir plus souvent, je ...
- C'est tout ce que je ne voulais pas ! Il était hors de question que tu changes ta vie et tes habitudes seulement parce que je suis sur le point de mourir. Je suis vieux Raphaël, ça devait bien arriver un jour ! » Le coupa Henri en haussant le ton.
- C'est ridicule papa ! » S'exclama son fils tout en secouant la tête.
- Tu veux vraiment qu'on se dispute maintenant ?! » Questionna le père dans un soupire.
- Bien sûr que non ... » Se calma Raphaël en allant s'asseoir dans le canapé
- Bien ! Pendant que nous y sommes, j'ai quelque chose à te dire, quelque chose qui concerne mon héritage ! »