Chapitre 2

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Ouf ! Enfin le weekend ! je soupire en m'affalant sur mon lit. Je devrais d'ailleurs en profiter pour me reposer mais je ne peux pas. Ce rêve m'obsède trop pour ça. Et me connaissant je sais très bien que je ne risque pas d'arrêter d'y songer. Je saisis donc  mon ordinateur pour y faire des recherches, même si je n'ai strictement aucune idée de ce que je vais y chercher, d'ailleurs je me demande par où commencer. Peut être qu'en écrivant quelques mots clés cela aboutira à quelque chose, je m'exécute en tapant respectivement les mots: bébés/sous-sol/Amérique Latine puis je clique sur entrée sans grande conviction de trouver des réponses à mes questions.

Je sélectionne le premier résultat,c'est un article du journal L'Express traitant des enfants volés de la dictature Argentine. Je commence la lecture et en continuant, me rends progressivement compte que plusieurs éléments de mon rêve sont similaires à ce tragique événement. 

Tout d'abord les cris de bébés entendus dans celui-ci, qui d'après ce que je lis étaient arrachés à leur mère dès la naissance.

Puis la dictature, je n'aurais vu aucun autre terme caractérisant aussi bien la violence et l'atrocité dont ont fait preuve les hommes, qui d'après ce que je vois, étaient sûrement des militaires sous les ordres d'un dictateur, un certain Videla.

Et enfin le pays, l'Argentine, pays d'Amérique Latine d'où l'accent de ces femmes. C'est aussi un pays catholique très croyant ce qui explique la récitation du Notre Père. Cependant, je dois avouer que c'est étrange, je n'en ai jamais entendu parler. Et pourtant mes grands-parents maternels sont argentins ! Mais il ne faut pas que je m'attarde plus sur ce point-là, j'aurais tout le temps de les questionner sur le sujet. Ce qui me préoccupe à présent c'est le lieu, je vais poursuivre ma lecture pour en savoir plus.

« Entre 1973 et 1983 plus de 5000 détenus ont été séquestrés et torturés à la ESMA (Escuela de Mecánica de la Armada ». Je regarde alors quelques photos de cet endroit (voir média) et réalise qu'encore une fois cela correspond : des caves, toutes plus sombres et atroces les unes que les autres, de véritables lieux de torture ou chambres de la mort. Rien que d'y penser, cela me donne les frissons.

Mais fatiguée, je finis par m'endormir. 

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Je me réveille devant l'écran de mon ordinateur en veille, la nuque endolorie. Me rappelant la raison de sa présence,  mes recherches à propos de mon rêve. Je me promets d'interroger mes grands-parents argentins demain, lors de notre habituel repas du dimanche midi. 

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Installée à table face à Gonzalo mon grand-père,  je ne peux m'empêcher de lâcher la question qui me brûle les lèvres depuis le début du repas. 

« Dis-moi abuelo, à l'école j'ai entendu parler de bébés volés en Argentine sous Videla , tu pourrais m'en dire plus ? »

 Je pose ma question en décidant volontairement de ne pas lui dire  que c'est mon rêve qui est à l'origine de celle-ci. Mon grand-père, très cartésien n'apprécierait sûrement pas ce genre de "tonterías" ou autres bêtises comme il a l'habitude de dire.

 « Il n'y a rien à en dire Nietecita ! Me répond-t-il sèchement.

- Ce n'est pourtant pas ce que j'ai pu lire. Me défendis-je alors.

- ¡ Tonterías ! ¡Tonterías ! ¡ Tonterías !, tape du poing mon grand-père avant de quitter la table pour aller fumer son cigare sur la terrasse.

- María ça suffit. me reprends finalement ma mère. »

Je me tourne alors vers ma grand-mère qui ne s'est pas exprimée sur le sujet. Et qui comme à son habitude semble effacée et en retrait, dans l'ombre de son mari. Mais aujourd'hui j'ai cru voir dans son regard qu'elle semblait savoir quelque chose. Même si je crois que ce que j'ai vu, semblait être de la peur. Mais la peur de quoi ? De qui ?

Le repas se termine dans un silence pesant et sans Gonzalo. Ma mère et moi finissons par rentrer, fatiguées de ces tensions. 



Rédigé par Emilie















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