I. Smoke and Fire.

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JEUDI 20 JUILLET 2017
17 heures
Dubaï


Le personnel monte dans l'appareil, valises en main et silence pesant. Le pilote et son équipage prennent place dans le cockpit et procèdent à leurs manoeuvres de sécurité. Les hôtesses de l'air et les stewards s'activent dans le silence complet, chacun connait sa tâche et tous sont habitués des protocoles aériens.

Je me faufile - avec la plus grande discrétion - en direction des toilettes. Là, je m'enferme à double tour et je pose mon sac à main sur l'évier. Je respire un bon coup, essayant de faire le moins de bruits possibles. Je place mes mains aux deux extrémités de l'évier et laisse tomber ma tête entre mes bras. Ma poitrine se soulève doucement, au rythme des pulsations de mon coeur. 1..2..3..1..2..3.. Un rythme infernal et qui revient telle une mélodie apprise par coeur. Une musique que j'ai souvent voulu arrêter pour toujours.

Je prie en mon fort intérieur pour que personne n'ait remarqué mon absence, je serais renvoyé si quelqu'un l'apprenait.J'ouvre mon sac et la main tremblante, je fouille la double poche secrète au fond de ce dernier. J'en extirpe la boîte orange que tout le monde connait et avale les trois cachets bleus que le docteur bataille à me faire boire tous les jours. Trois le matin, quatre le soir, pas cinq, sinon c'est la mort assurée. Je sais à quoi m'en tenir pour le moment.

Soulagée, je scrute mon reflet dans le miroir. Une mine blanche maquillée de rouge et de noir pour dissimuler la peine et les grands maux. Je réajuste mon chignon banane et mon chapeau et je respire un bon coup. Penser à la mer qui efface nos problèmes écrits sur le sable chaud, penser à notre ex du lycée qui s'étouffe dans un bar, ivre mort. J'avoue, le docteur ne m'a rien dit de tel mais j'aime bien varier les idées quelques fois.

Revigorée, je sors des toilettes et me dirige vers la salle de repos du personnel : la Crew Rest Area. C'est là où nous nous reposons et discutons de temps à autres quand le travail est moins lourd. Nous pouvons y boire un coup mais pas trop - c'est mauvais pour l'image - parler du passager 32B et son ingratitude ou alors nous décidons de faire une bonne sieste bien méritée si on a pas bien dormi avant le décollage.

Vous l'aurez compris, je suis hôtesse de l'air. Mais pas n'importe quelle hôtesse bien sûr, une hôtesse qui fait partie de l'élite, Emirates, plus importe compagnie aérienne des Émirats arabes unies et du Moyen-Orient. Rien que ça.

Bien que les conditions de vie soient parfois rudes et éprouvantes, j'ai énormément de chances de travailler pour une compagnie aussi bienveillante et adorable envers son personnel. Nous avons tous notre place au sein de l'agence et chacun se sent utile à sa manière.

« Iris, où t'étais passé ? La chef de cabine est en rogne de ne pas t'avoir vu faire ton travail. me reproche Sylvie, une fille rencontrée sur ce vol.

- Je suis désolée, j'ai dû passer aux toilettes. Je lui dirais si je la trouve. Merci Sylvie. »


J'ai été à deux doigts de me faire griller mais Dieu merci, ça n'est pas arrivé. J'aurais littéralement fondu en larmes, me connaissant. Je lui souris timidement avant de me diriger vers la classe économique. Je disais que j'aimais beaucoup mon job mais parfois, certaines choses viennent vous faire déchanter sur ce métier dont tout le monde rêve. On croirait à une vie de luxe et de plaisir, un monde utopique ou les hôtesses de l'air sont les maîtresses de leur vie et les reines des airs.

Mais la réalité est plutôt décevante, nous sommes des humains qui travaillons d'arrache pied et qui subissons les aléas de la nature. Entres autres, notre corps vieillit plus vite en raison de la pression atmosphérique dans les avions. Tout ça, ce sont des choses qui échappent à la plupart d'entre vous.

Je suis chargée de vérifier le matériel de sécurité, en gros, les masques à oxygène et les gilets de sauvetage. J'arrive en classe économique et me mets à vérifier un par un les 500 sièges. Cette étape est inévitable, on ne peut pas se permettre de faire l'impasse sur celle-ci. Vérifier si tout va bien en cas de complications.

Nous voyagons en long-courrier, Dubaï-Bogota aller et retour. Dans le plus grand avion du monde et d'Emirates, l'Airbus A380. C'est pourquoi le travail est dur et éprouvant dans cet appareil là. Nous devons réapprovisionner les plateaux repas, s'assurer que les douches et les toilettes soient en état d'usage et propres, remplir le bar à alcool, faire les lits et veiller à que tout soit nickel dans la première classe.

Tout ça, vous l'aurez deviné est un travail très difficile et exténuant. Mais je vous ai beaucoup trop parlé de mon métier, parlons un peu de moi maintenant.

01.01.2018

« Above The Clouds »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant