II. Guns and Roses.

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« Je vous apporte une eau plate ou une eau gazeuse mademoiselle ? je demande, un magnifique sourire tracé sur les lèvres. »

Disons plutôt un sourire forcé et figé, des dents blanches parfaitement en contraste avec un rouge à lèvres rouge écarlate. Un sourire qui avait disparu pendant plusieurs années de ma vie, il fut un temps.

« Une eau plate, s'il vous plait. Et un fruit pour mon fils si c'est pas trop demander. répond la jeune mère de famille célibataire.

- Bien sûr que non, je vous amène ça tout de suite. »

Je m'éloigne en massant mes joues à l'abri des regards, les crampes du visage ne manquent pas ici.

J'adore analyser les moindres parcelles de vie des passagers. Le moindre détail est important. Bagues, piercings, tatouages camouflés sous une couche de fond de teint, tout est bon à observer. Je ramène l'eau et le fruit à la jeune femme et me dirige vers le bar à alcool en demandant si tout va bien.

« Miss ! Hey ! »

J'aperçois un jeune homme dotée d'une belle barbe brune et d'une paire de lunettes. Il gesticule de tous les sens en espérant capter mon attention, il se trouve sur l'autre rangée. Je lutte pour ne pas pouffer de rire en le voyant ainsi. Je me concentre pour ressortir mon plus bel anglais avec un bon accent.

J'arrive à la hauteur de l'homme et le voit qui se débat avec sa ceinture.

« I'm sorry but.. I'm trying to fix this but..

- Oh, let me do it for you. je réponds, me baissant pour fermer sa ceinture. »

Il est peut-être jeune mais ne pas savoir mettre une ceinture d'avion, c'est compliqué. Je finis de l'aider et me redresse. Il me sourit chaleureusement et réajuste les lunettes sur son nez.

« I have never take a plane before, I'm sorry for being so bad with that. il s'excuse, embarrassé.

- Oh no, don't apologize. It happens sometimes but it's not a surprise. And that's my job sir, can I help you more ?»

Il me sourit de nouveau et me dit que non. Il a l'air très embrassé et gêné le pauvre. Je souris à mon tour et m'en vais dans les cuisines. Le service de repas ne va pas tarder à commencer.

Comme vous vous en doutez, je n'ai pas toujours été une gentille et timide hôtesse de l'air. Ou une jolie petite blonde. J'ai été serveuse, vendeuse de vêtements, même assistante dans un cabinet dentaire mais je savais que ma voie n'était pas sur la terre mais dans les airs. Années en années, j'ai persévéré jusqu'à abandonner ma famille et tout ce que je possédais pour avoir la chance de faire partie de ce monde-là.

Petite, j'ai eu une enfance tellement parfaite, avec des parents plus aimants que tout. Un foyer, des amis formidables. Mais malgré ça, je ne trouvais ma place nul part. J'avais beau vouloir m'intégrer, quelque chose me disait que je devais m'envoler pour ne plus revenir. C'est de là où l'idée de devenir personnel naviguant a émergé dans mon esprit.

Alors, j'ai rempli un dossier de candidature en ligne pour participer à un Assessment Day, j'ai passé les discussions de groupe, les tests en anglais et l'entretien individuel. Quelques mois plus tard, l'appel qui allait bouleversé ma vie à sonné. J'ai tout quitté et je me suis envolé pour Dubaï.

Aujourd'hui, après 7 ans de voyages sans une once de repos, je ressens toujours cette flamme en moi, celle qui me permet d'avancer et de vivre. Mes médicaments ne sont qu'une façade, ce métier est la véritable source de ma vie. Sans lui, je ne serais rien, absolument rien.

Enfin, tout ce que je vous ai dis, c'est ce que je veux que vous pensiez de moi.

VENDREDI 21 JUILLET 2017
10 heures
Bogota - Aéroport International El Dorado

Valise en main, sourire aux lèvres, je m'apprête à sortir de l'aéroport international El Dorado à Bogota. Une fois dehors, j'admire le soleil éclatant qui rayonne de toutes ses forces. Les palmiers se dessinent à l'horizon, les touristes se préparent à vivre une aventure hors du commun. Ils le savent probablement, la Colombie est un pays qui fait rêver, pour moi, c'est la deuxième fois que je m'y rends. D'habitude, je voyage en Asie, en Europe et surtout en Amérique du Nord.

La Colombie est un pays exceptionnel où règne la bonne humeur et la vie. Les colombiens sont des gens adorables et foncièrement bons. Du moins, ceux que j'ai eu le bonheur de rencontrer.

Je suis de nature solitaire, c'est pourquoi je me rends seule à l'hôtel que la compagnie nous paye à chaque escale. Les autres hôtesses er steward de ce vol ont décidé de fêter la promotion d'un nouveau chef de cabine mais je ne fais pas partie de la fête ce soir. Je préfère me reposer un maximum avant de reprendre le retour, je suis vraiment épuisée.

Arrivée dans ma chambre, je dépose mes affaires et décide de faire un tour à l'aéroport. Il est à peine à 10 minutes de l'hôtel, j'y serais bien vite. Je dois aller chercher une nouvelle tenue toute propre, je n'ai pas le temps de faire laver celle-ci. J'arrive dans le service du personnel et me trouve devant une petite rousse adorable qui me dit de patienter.

« Okay, I'll be back in 30 minutes. Good ? je demande, poliment.

- Yeah, your uniform would be absolutely ready. Sure. elle répond, sourire aux lèvres. »

Je la salue et me dirige vers le fast-food de l'aéroport. Autant perdre son temps dans les choses utiles. Je commande et m'assois à leur bar. En attendant, je pianote mon téléphone dans la quête d'une occupation.

Mon oreille est attiré par une discussion dans une langue étrangère. Je me retourne et aperçois un homme, à peu près la trentaine, assis à une table. Il est seul et semble absorbé par sa conversation au téléphone.

D'une carrure plutôt musclé, il a des yeux verts et une peau bronzée. Le soleil ne manque pas ici mais cet homme n'a pas l'air de venir de Colombie. Ses cheveux sont noirs de jais et sa bouche rose comme une fleur. Des contrastes saisissants, couronné d'une langue étonnante.

Mais qui donc s'exprime en persan dans un pays comme la Colombie ? Ça n'a pas de sens, il faut que j'essaye de comprendre. J'ai fais 2 ans de persan au lycée, peut être que mes souvenirs reviendront soudainement.

Je saisis mon courage et me dirige vers l'homme. Je me prépare à parler anglais, c'est toujours comme ça, sinon j'ai du mal.

« Hello, I'm Iris. je lui dis, large sourire ornant mon visage. »

Il examine ma chevelure dorée et fronce un sourcil. Il met sa conversation sur attente et semble m'analyser toute entière.

« Je parle français. Arvan. il me sert la main.

- Enchantée Arvan, je peux prendre cette chaise ? je demande, montrant du doigt celle qui lui fait face.

- Oui, bien sûr. Allez-y ! »

Je prends la chaise, m'assois à la table derrière lui et le remercie. Peut-être pas dans cet ordre là mais une chose m'a bien bouleversé. C'est un français, aucun accent, une maitrise aussi parfaite que la mienne. Cet homme est un français en Colombie. Jusque là, rien d'anormal. Mais s'ajoute à ça le fait qu'il s'exprime en persan et parfaitement. C'est étrange, très étrange.

Je sirote mon smoothie et tend l'oreille. Je peine à discerner quelques mots et mon persan est assez faible. Mais à cet instant-là, mon sang ne fait qu'un tour et mon coeur rate un battement.

« Donne moi tous les ordres et je te jure que je ferais sauter cet avion. »

03.01.2018

« Above The Clouds »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant