VII. Bruises and Bitemarks.

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  Quand j'étais petite, j'avais la fâcheuse manie de frapper chaque enfant que je rencontrais pour la première fois. Ne me demandez pas pourquoi, c'était ainsi. Chaque fois qu'une jolie petite enfant venait jouer avec moi, je me contentais simplement de lui donner une tappe sur l'épaule. Je n'étais pourtant pas violente.

  Quelque chose dans ma tête me disait que si la personne que je frappais continuait à jouer avec moi, elle deviendrait mon amie pour la vie. Et chaque fois, c'était la même chose. Non seulement ma stupide technique ne marchait pas mais en plus, l'école avait appelé ma mère, lui signalant mon comportement "alarmant et agressif".

  J'avais été plusieurs fois punie mais une fois, j'ai réussi à trouver une amie. Elle était sage, calme et incroyablement intelligente. Après quelques fois où elle du subir mes coups, je décidais qu'elle allait devenir ma copine.

  Donc, je l'ai côtoyé pendant des années, traversant les paliers scolaires ensemble.

  Mais un jour, j'ai appris qu'elle était décédée, écrasée par une voiture alors qu'elle traversait la route pour rentrer chez elle. Je n'étais pas triste mais absolument terrifiée. Mais pas n'importe quelle frayeur, la plus grosse terreur qui m'ait jamais terrassé jusqu'à aujourd'hui. Je m'imaginais le corps sans vie de ma meilleure amie et je ne pouvais que hurler pour que les images veuillent bien partir de mon esprit. Ce jour-là, j'avais ressenti un tel effroi que je n'avais jamais voulu me remémorer ce moment.

  Hors aujourd'hui, ce sentiment est de retour. Je me retrouve exactement là, tétanisée devant ma mère m'annonçant la nouvelle de la mort de celle que j'affectionnais tant.

  La pression sur mon bras fait toujours effet mais je ne peux plus bouger. Nous nous regardons dans les yeux, comme pour trouver quelque chose qui puisse détruire toutes nos illusions. Me voilà prise en flagrant délit par un terroriste avec qui j'ai déjeuné et qui s'apprête à faire exploser un aéroport entier.

  Lui, semble complètement perdu et déboussolé, j'ignorais que je pouvais susciter tant d'émotions chez quelqu'un. Je le fixe, plus effrayée que jamais et l'envie accablante de mettre fin à mes jours.

« Qu'est-ce...Mais... Qu'est-ce que tu fais ici Iris ? il bégaye, cherchant visiblement ses mots. »

  Je ne réponds pas tout de suite. C'est la première fois que je suis de nouveau confrontée à lui depuis notre déjeuner. Depuis que j'ai eu la certitude de qui il était. Lui adresser la parole me semble impossible vu toutes les horreurs que j'ai entendu. La haine que j'ai pu entendre dans sa voix et l'abominable tâche qu'il s'apprête à faire. Mais le moment est venu pour tout avouer.

  Alors, c'est yeux dans les yeux que je prends la parole pour lui dire tout ce qui se trouve dans mon cœur. Je prends une grande inspiration et essaye de contrôler ma voix sans pour autant la laisser chevroter ou s'élever.

« Je sais qui tu es Arvan. Je sais ce que tu viens faire ici. je débute, les mains tremblantes. Tu n'es pas un homme d'affaires, tu n'es pas un homme bien non plus. Le jour où je t'ai vu à l'aéroport, j'ai entendu une de tes conversations en persan et j'ai décidé de déjeuner avec toi pour voir ce qu'il en était. Je ne te connaissais pas mais je priais au fond de mon cœur pour ce que ne soit que des illusions.

- Quand nous avons déjeuné, j'ai découvert une personne littéralement incroyable, une intelligence et une bonté hors du commun.. La personne qui arrivait à me comprendre sans même dire un mot, un homme en qui j'avais entièrement confiance même si nous n'étions que des étrangers. »

  Je me surprends à pleurer malgré moi, je découvre enfin mon estime pour lui. J'avais tant espérer avoir fait la rencontre de ma vie, trouver un homme qui m'aille parfaitement. Un homme qui allait m'accepter et pas seulement pour mes yeux bleus.

« Alors, j'ai espéré, j'ai prié alors que je ne crois pas en Dieu. Pour que tu n'abrites pas le diable en toi. J'ai pensé, je me suis démené et j'ai essayé de comprendre comment un homme aussi exceptionnel pouvait être un tel monstre. Et là, j'ai compris. J'ai compris que tu n'avais fait que de me vendre du rêve et me mentir même si on se connaissait à peine. J'ai l'air d'une folle à attendre des choses d'un étranger mais j'avais tellement l'impression de te connaitre depuis toujours. »

  Les perles salées coulent doucement et viennent finir leur course dans mon cou. J'ai tellement souffert, longtemps été déçue que je ne compte plus les fois où ces larmes ont du couler de douleur pour quelqu'un que j'aimais. Mais l'amour m'a rendu aveugle et muette en même temps, si bien que les coups n'avaient plus le même effet qu'avant.

« Alors traite moi de folle ou de cinglée, ça m'est égal. Je le suis bien mais je vaudrais toujours qu'un terroriste comme toi qui ne fait que semer le chaos et la mort sur ton passage. »

  Je suis moi même bousculée par les dernières paroles, jamais au grand jamais je n'aurais eu le courage de dire ça a quelqu'un d'aussi dangereux. Le courage donne des ailes et te donne l'impression de voler alors que tu ne fais que te précipiter à ta propre destruction.

  Arvan me lâche le bras, visiblement dépassé par les événements. J'ai conscience qu'il pourrait me tuer après que j'ai découvert sa vraie identité. Je ne sais en fait même pas s'il est contrarié d'avoir été démasqué ou simplement bouleversé de me voir là. Il s'appuie contre une petite plaquette avec ses mains afin de ne pas tomber.

  La première classe ne contient que 14 cabines et tous sont plongés dans un sommeil pesant. S'ils savaient qu'un cercle vicieux se déchaînait à l'instant au dessus de leurs têtes, je ne pense pas qu'ils dormiraient aussi paisiblement. Je hais le sentiment de savoir quelque chose que les gens ignorent, je n'ai pas les épaules pour y faire face.

  Pendant que j'essaye tant bien que mal de sécher les larmes sur mes joues, je le surprends en train de me regarder, une extrême souffrance ce dégageant de son regard. Je ne suis pas très douée pour desceller les émotions et sentiments des gens mais là, son mal-être intérieur semble vouloir se détacher à tout prix de son corps.

  Alors que je commence à regretter de lui avoir tour dit et en même temps d'être née, il prend soudainement la parole. Je m'attends à une avalanche de colère et de haine comme j'ai eu l'occasion de voir à l'hôtel. Mais il prend une voix très posée et calme avec une once de culpabilité :

« Je sais. Je sais ce que ça fait d'être complètement déçu. Je sais qu'on a du mal à se relever et je refuse que tu penses être folle parce que c'est normal. »

  Je n'ose même pas reprendre ma respiration tellement tout ça me choque. Il ferme la porte coulissante et s'assoit lourdement sur le lit. Je m'éloigne le plus loin possible, je ne veux plus qu'il me touche de nouveau. J'hésite entre partir en courant ou continuer à écouter ce qu'il a dit. Après tout, c'est un terroriste et ces gens là ne méritent pas d'être écoutés.

« Tu as en partie raison quand tu dis que je suis un monstre. C'est vrai, j'en suis un. Mais je n'ai pas toujours été comme ça. il commence, doucement. Donc si tu veux bien, j'aimerais t'expliquer. Pas t'expliquer pourquoi je fais ça parce que rien ne le justifie.

- Je veux juste que tu saches qui j'étais avant tout ça et là, tu pourras m'insulter de tous les noms et me dénoncer à la police. il continue, toujours la voix douce.»

  Ma poitrine se soulève doucement et s'abaisse. Ma tête me crie de me retourner et de m'en aller avant qu'il n'arrive à me détruire totalement. Mais mon cœur veut entendre son histoire et pourquoi pas essayer de changer un monstre en une bête moins féroce.

04.02.2018

« Above The Clouds »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant