Elle était là, assise sur mon sofa, vêtue de leggings et d'un t-shirt trop grand, le tout m'appartenant. J'entendais la machine à laver, signe qu'elle était passée à la phase essorage. Tout mon salon sentait les produits ménagers, et le studio était impeccable.
"- Tu... Fais le ménage en portant mes vêtements, donc... constatai-je en retenant ma crise de rire face à cette situation improbable.
- Ouaip, en fait, c'était pas super propre, et puis je me faisais chier, et on avait toutes les deux du linge à laver, alors je me suis permis... ah, au fait, je suis arrivée ce matin, à 10 heures.
- Donc tu vis ici? Pour de vrai? m'assurai-je en sentant l'émotion emplir mes yeux.
- Euh ouais... Mais, tu sais, je suis peut-être pas...
- C'est trop trop génial, Axelle! Oh, merde, si tu savais comme je suis rassurée... la coupai-je en me jetant dans ses bras.
Oups.
Me rendant compte de mon comportement étrange d'amoureuse transie, je m'écartai lentement en rougissant. Il fallait vraiment que je modère mes réactions, ou ma nouvelle colocataire risquerait de partir en courant...
Axelle fixait le sol impeccable, cachée derrière ses cheveux courts. Je m'écartai encore pour lui parler de mon peut-être-futur-nouveau-boulot.
J'ai été virée de chez MacDo, il y a quelques mois, à cause de mes dizaines de plateaux-repas renversés lors du service, de mes chutes de nourriture en cuisine... Une catastrophe. Je suis restée des mois sans petit boulot ingrat, ce qui veut dire rien pour payer mes factures pour le studio. Heureusement, mes parents avaient accepté de payer les déjeuners du lycée, qui me faisaient bondir chaque trimestre en voyant leurs prix incroyables pour une bouffe si merdique.
Suite à ce néant financier, j'avais trois mois de retard sur les factures. J'ai donc cherché un boulot près de chez moi qui s'accorderait avec les cours. Une seule possibilité restante: Burger King. Il m'ont proposé un poste aux heures modulables en fonction des cours. Ils manquaient de personnel, alors ils auraient fait tous les sacrifices pour une serveuse de plus. Une petite négociation de salaire plus tard, et j'étais presque prise. Il ne manquait plus qu'un détail: l'entretien d'embauche. Le directeur était si content d'avoir une pauvre serveuse de plus qu'il parlait emploi et salaire avant l'entretien... Une chance pour moi.
- Faut que je t'avoue un truc pas très cool, commençai-je en me dandinant nerveusement d'un pied sur l'autre.
- Dis, répondit-elle, sans émotion apparente.
- J'ai énormément de retard sur les factures... parce que j'avais plus de boulot. Parce que je suis pas très douée avec un plateau. Et euh... Ce soir, à 18 heures, j'ai un entretien d'embauche pour ramasser des frites molles et servir des plateaux à des clients pressés chez BK de 19 heures à minuit, enchaînai-je, oubliant parfois de reprendre mon souffle.
- Eh, doucement, Vit', j'ai le cerveau au ralenti, moi... Donc, t'as pas d'argent, c'est ça? Et euh c'est qui Béka?
- Pour faire simple, on va dire que mes factures sont sous mon matelas... Et "Béka" c'est Burger King. Tu sais, B et K... expliquai-je d'un sourire amusé.
- Aaah, tout s'éclaire... Par contre, il est déjà 17 heures trente, tu devrais te préparer.
- Comment ça? demandai-je, interloquée.
- Tu comptais y aller comme ça? Non, non, Vit'. Faut amadouer les employeurs...
Alors là, c'était la meilleure. Il fallait que j'amadoue un employeur? Mais pourquoi faire?
Je n'eus pas le temps de protester qu'Axelle cherchait déjà des vêtements dans mes piles de fringues à jeter (seule ma flemme les retenait dans le monde des vivants). Elle fouillait, sortait jupes, robes et chemisiers de l'armoire, en remettait certains. Elle finit par me montrer fièrement un jean slim noir que ma sœur avait oublié il y a longtemps, un soutien-gorge blanc dont je ne soupçonnais même pas l'existence et un chemisier blanc à volants ridicule.
- Tu veux que je porte ça..? demandai-je, éberluée.
- Bah, pourquoi pas?
- C'est pas trop dans mes habitudes... Et je suis sûre que ça me va pas, tous ces trucs à volants qui collent à la peau.
- Essaye, au moins, me dit-elle d'un regard suppliant."
Je cédai à son caprice, et elle s'installa sur le lit. Perplexe, je la fixai un moment, me demandant si elle allait rester ici alors que j'allais être presque entièrement nue devant elle. Ma réponse me fut vite accordée. La pudeur qui sommeillait en moi s'éveilla alors, poussant un cri déchirant. Non, Axelle devait partir! Mon esprit de contradiction me souffla alors qu'il serait amusant de défier Pudeur jusqu'à ce qu'rlle perde, ou inversement.
Ce fut alors une guerre sans merci. J'enlevai lentement mon t-shirt large, bouclier de Pudeur, face à Axelle, attisant Contradiction. Maintenant que j'étais en brassière devant elle, je n'étais plus si sûr de mon idée. Mais je voulais aller jusqu'au bout.
Brouf, le t-shirt qui tombe au sol mollement.
Au tour de mon jean tout aussi large, dernière lourde défense de mon amie la Pudeur.
Plof, le jean qui s'écrase au sol comme une chute de boue dans une tranchée.
Me voilà en sous-vêtements, face à la fille que j'aime. Pudeur et Contradiction me hurlent d'arrêter, au moins de me mettre dos à Axelle, mais j'ai trop envie de les battre pour les écouter. Axelle, elle, me regarde attentivement, comme si elle voyait mon combat intérieur. Je ne me démonte pas, et reluque le soutien-gorge blanc comme mon sauveur et mon pire ennemi. Je commence à retirer ma brassière de sport ( et dieu sait à quel pont c'est compliqué à retirer...) lentement, laissant le loisir à Pudeur de m'insulter de tous les noms. Maintenant que rien ne cache mon cœur, je le sens qui bat. Il a peur, lui aussi. Peur de regretter, peur qu'Axelle n'aime pas ce qui se trouve en face d'elle, car le cœur, lui, ne laisse pas croire qu'il se fout du regard des autres. En particulier du sien. Je lâche la brassière.
Rien, juste un souffle d'air, comme une respiration calme.
Je prends mon meilleur ennemi, le diable déguisé en ange. Je l'enfile, tente de comprendre la logique des attaches dans le dos.
Clic, comme une clé dans une serrure. C'est terminé, la boucle est bouclée, le cadenas cadenassé.
Pudeur s'est tue. Elle ne crie plus. Je n'entends plus Contradiction non plus. J'ai gagné.
Je ne peux m'empêcher de sourire en finissant de m'habiller, toujours déshabillée du regard par Axelle, douce contradiction.
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elle était là SOUS CONTRAT D'ÉDITION
Romansa«Elle était là, avec ses baskets trouées et son jean déchiré,» A & V, elles sont là, mais surtout à la fin. Parce qu'elles auront juste assez de temps pour s'aimer et qu'on est jamais content de ce qu'on a.