2 - Le Vagabond

252 16 8
                                    

CHAPITRE 2

« Penses-tu le revoir ? demandait Viviane en ramassant une feuille morte sous le grand chêne du domaine.

-Matthieu vient en France pour le nouvel an voire sa famille, et il m'a assuré qu'il participera au bal d'Hiver.

-Que de joyeuses perspectives, je suis heureuse pour toi.

-Rien est encore fait, nous nous apprécions juste pour le moment. »

Les deux sœurs se baladaient dans la propriété. Le temps était devenu clément et, même si les nuages ne quittaient pas le ciel, la pluie semblait avoir disparue, offrant un répit agréable. Elles repartirent bras dessous bras en continuant de parler gaiement. Viviane n'arrêtait pas de poser des questions à Sophie sur sa vie en Angleterre et cette dernière répondait avec un enthousiasme modéré.

« Mais vous vous aimez bien ?

-Certes, mais je ne l'ai vu que peu de fois et même s'il m'est agréable, cela ne veut rien dire.

-Tu es si pessimiste ! Il suffit juste de profiter, conseilla Viviane.

-Et toi alors ? demanda Sophie en lançant un regard entendu à sa cadette, tu ne m'as toujours pas parlé du fils des Valiers.

-Il n'y a rien à dire, soupira d'agacement la jeune fille en regrettant que sa sœur aborde le sujet. »

Elles marchèrent quelques mètres dans le silence, puis Sophie engagea de nouveau la conversation.

« Ne l'apprécies-tu pas ?

-Comment le pourrais-je ? Je ne l'ai rencontré qu'une fois et c'était il y a deux ans ! Cela ne me permet pas d'avoir un avis sur sa personne. »

Viviane ponctua la déclaration d'un geste de la main. Sophie la fixait, inquiète du ton mélancolique de sa sœur. Aujourd'hui elle portait une robe cintrée vert sapin s'évasant sur les hanches avec un manteau en fourrure. Ses boucles d'un brun roux cuivré étaient relevées en chignon d'où s'échappait quelques mèches venant encadrer son visage rond et ses yeux normalement de couleur vert moucheté d'or étaient assombris. Son teint pâle tranchait avec les innombrables taches de rousseurs s'étalant sur son nez et ses pommettes.

« Tu sembles épuisée.

-La journée d'hier n'a pas été de tout repos, déclara brièvement Viviane.

-Qu'as-tu donc fait ? »

La jeune fille se tourna vers Sophie, hésitant à lui confesser sa mésaventure. Mais après quelques secondes de réflexion elle ne put se décider à le faire. Agnès était déjà dans la confidence et il ne faudra pas que cela se répande davantage, même si elle faisait une totale confiance à sa sœur un mot de trop prononcé au détour d'une conversation pouvait être suffisant pour que l'affaire éclate au grand jour. Evidemment, Viviane savait que ce n'était pas grand-chose, mais son instinct lu dictait de se taire.

« Rien pourtant, disait-elle finalement dans un sourire rassurant, je ne fais rien depuis plusieurs jours et étrangement c'est cela qui me fatigue. Papa m'a interdit de sortir Opale et je regarde ma jument dépérir d'ennui dans son box en me demandant quand est-ce que ce sera mon tour.

-Le temps est plus agréable aujourd'hui. Peut-être pourrais-tu la sortir en fin d'après-midi ?

-Quelle bonne idée ! Te joindras-tu à moi ?

-Oh tu sais ! Plus je me tiens éloignée des chevaux mieux je me sens ! s'exclama Sophie. »

Viviane ria aux éclats et resserra sa prise sur le bras de son aîné. Les deux sœurs firent le tour du domaine et rentrèrent dans le manoir par la porte principale. Leur mère passait justement dans le hall comme un feu follet vêtu d'une robe crème ornée de dentelles et les arrêta.

DampierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant