6 - Henri de Valiers

183 18 6
                                    

CHAPITRE 6

Viviane fut réveillée par le chant d'un oiseau sur le rebord de sa fenêtre. Elle garda un moment les paupières closes, respirant doucement et profitant de la chaleur des draps. Puis finalement elle s'étira et sortit de son lit à regret. Ses pieds nus sur le parquet lui procurèrent un frisson. La jeune fille enfila un peignoir et sonna sa femme de chambre. Agnès arriva quelques instants plus tard. Elle aida sa maitresse à s'habiller d'une robe simple verte et remonta ses cheveux en chignon après les avoir brossés. Deux anglaises retombaient de chaque côté de son visage et de petites boucles auréolées son front. Elle se regardait à peine dans le miroir de sa coiffeuse, triturant son flacon de parfum en silence. Agnès se gardait bien de lui demander ce qu'il n'allait pas. Elle sentait que la jeune fille ne lui dirait rien. Hier soir, après être rentrée de chez Olympe, Viviane s'était murée dans un mutisme étrange. Elle avait dans le regard une profonde mélancolie et une résignation qui ne lui ressemblait guère.

« Ce sera tout Mademoiselle ?

-Oui, merci Agnès. »

Cette dernière s'inclina légèrement et quitta la pièce, laissant la jeune fille à ses réflexions. Viviane resta un moment ainsi, prostrée devant le miroir. Elle n'avait pas envie de descendre ou de faire quelque chose. Sa motivation s'était éteinte comme les braises d'un feu éphémère. Pendant ces deux derniers jours elle avait eu l'impression de vivre et de pouvoir braver le destin, de rétablir un peu de justice dans ce monde. Mais savoir que Thibault allait partir et qu'elle retrouverait sa vie d'avant lui était intolérable. Elle n'avait plus la force de vivre ainsi et ne supportait plus l'inertie de son existence. Le vagabond avait éveillé en elle un appétit de d'autres horizons.

Viviane se mit du parfum sur les poignets et les frotta. Elle se rappelait maintenant qu'aujourd'hui Guillaume et Henri de Valiers rendaient visite à sa sœur. Il faudrait qu'elle aille la voir, pour s'excuser de sa conduite et de ses parole sèches. La jeune fille quitta la chambre à son tour. Le soleil avait déjà bien entamé sa course céleste et la pluie semblait avoir désertée, remplacée par un ciel bleu azur. La température n'était pas élevée, le feu des cheminés peinait à réchauffer l'atmosphère. Viviane se dirigea directement vers la bibliothèque sans passer par la salle à manger. Elle n'avait pas faim ce matin, son estomac était noué.

Pendant plus d'une heure elle resta seule dans la pièce où s'entassait d'innombrable ouvrages. Elle laissait son esprit s'évader au fil des pages, rêvant avec les personnages principaux des romans. Personne ne vint la déranger et quand le gong sonna l'heure du dîner, elle sursauta comme ramener à la réalité. Viviane ferma le livre qu'elle lisait et le replaça sur l'étagère avant de quitter la pièce. Elle croisa Sophie qui descendait l'escalier principal, le regard pétillant. Cette dernière se stoppa en voyant sa sœur, ne sachant quelle attitude adopter. Viviane finit par sourire et lui prit le bras dans un geste tendre qui rendit perplexe son aîné.

« Tu es particulièrement belle aujourd'hui, murmura Viviane.

-Merci.

-Je tenais à m'excuser de mon attitude d'hier. J'ai été injuste. »

Sophie l'arrêta et plongea son regard gris dans celui d'ambre de sa sœur, un léger sourire naissait sur ses lèvres rouge cerise au dessin charmant.

« Es-tu sincère ?

-Je ne me permettrai pas de te tourmenter avec de vaines paroles. Je suis honnête et je regrette ma conduite.

-Je suis heureuse de t'entendre dire cela, avoua Sophie en repartant. Tu m'es chère et nos disputes me laissent toujours un goût de fiel. »

Cette déclaration culpabilisa Viviane. Elle ne souhaitait pas que sa sœur souffre des querelles qui animaient sa relation avec la Comtesse. Elle n'en était pas responsable mais subissait les ravages de la jalousie qui gangrénaient le cœur de la jeune fille à chaque fois que sa mère lui rappelait qu'elle ne serait jamais à la hauteur. Viviane se promit de ne plus la mêler aux discordes.

DampierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant