Chapitre 1 : le projet

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Mon regard s'égare une nouvelle fois au dehors. Les flocons virevoltent dans l'air hivernal, avant de se déposer au sol. L'hiver est bel et bien installé. Distraitement, je joue avec mon crayon. Il sautille d'un doigt à l'autre, avant que je ne le redresse pour m'en aller griffonner en marge de ma feuille. Pensive, je trace de douces arabesques que j'embellis d'un trait sûr. Mon dessin ressemble à un J mêlé d'un F. Lui, et moi.

- Il est l'heure. Merci à tous. Nous nous revoyons la semaine prochaine.

Je sursaute quand tout le monde se lève. Vivement, je referme ma pochette et prends mon manteau.

- Mademoiselle Houseman ?

Je réprime un mouvement de tête et m'immobilise. Affectant un air détaché, je me tourne vers mon prof d'économie mondiale.

- Oui ?

Il me considère un instant, et je baisse les yeux. Sans doute a-t-il remarqué mes rêveries...

- Mon cours ne vous passionnait pas ?

- Si. Si, monsieur...

J'ébauche un sourire d'excuse.

- C'est la neige. Ça m'a distraite.

L'enseignant hoche la tête, une moue dubitative au visage. Je laisse passer quelques secondes et comme il n'ajoute rien, j'esquisse un pas vers la porte.

- Frédérique, me rappelle-t-il.

C'est plus fort que moi : je rentre mes épaules, comme prise en faute. Je tourne de nouveau la tête vers lui. Il me désigne ma place des yeux et du menton.

- Vous oubliez votre écharpe.

Je pivote vivement vers ma chaise. Mon écharpe git effectivement sur le dossier.

- Oh !

D'un bond, je vais m'en saisir.

- Merci.

- Au revoir.

- Au revoir, répété-je en passant la porte.

* * *

Je dévale les escaliers, rattrapant mon groupe et mes amies.

- Qu'est-ce qu'il te voulait ? me questionne Abby en me prenant le bras.

Je hausse les épaules.

- Je suis certaine qu'il a remarqué combien tu étais... attentive ! s'exclame-t-elle en riant.

July me pousse du coude.

- Oh oui ! Attentive à ton chéri !

Je préfère rire. Nous débouchons toutes trois accolées au dehors. Je ne peux m'empêcher de fouiller le campus des yeux. La neige qui tombe atténue les arêtes tranchantes du Baruch College, et estompe les silhouettes des étudiants qui le fréquentent. Néanmoins, je repère vite celle qui m'intéresse – celle à laquelle je rêvais il y a quelques instants encore.

Johnny.

Mes amies s'éloignent en riant, et je descends quelques marches pour rejoindre le trottoir et la rue, presque intimidée.

Je n'y peux rien, c'est l'effet qu'il me fait. J'approche, parcourant des yeux sa haute stature et son corps puissant, pour le moment engoncé dans un épais manteau au col relevé. Je m'attarde sur ses traits virils, sa mâchoire carrée, ses yeux perçants et son sourire étincelant. Puis, c'est plus fort que moi : je me précipite contre lui.

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