Chapitre 9 : répétitions

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- Ok, Billy. Vas-y.

Le jeune homme hoche la tête et lance un disque. Assis à même le sol de la salle, ou debout contre le mur, Neil, Penny, Justin, Johnny et moi l'observons, attentifs. Daryl, un jeune homme dégingandé, que Johnny a finalement sélectionné malgré l'interruption des danseurs de Merce, est là aussi, un peu en retrait. C'est un danseur prometteur, adepte des sports de combat de rue, et de cette danse qui commence à se faire connaitre un peu partout, la capoeira. Cela donne une vivacité et une virulence toute particulière à ses mouvements. Energie, nouveauté et passion se mélangent dans sa gestuelle... même s'il n'a pas encore la fluidité de Johnny. Je soupçonne que c'est cela qui a séduit mon homme : l'inédit de ses mouvements.

La musique envahit l'espace. J'aperçois John pencher la tête, concentré, les doigts battant la mesure sur sa cuisse. Il écoute quelques instants puis secoue la tête.

- T'as quoi d'autre ?

Billy arrête l'appareil, change le disque. Un nouveau rythme s'impose, cadencé, montant dans des percussions enflammées avant de s'apaiser le temps de quelques mesures. John approuve sans un mot. Il écoute encore longuement le disque, puis se lève. Il déporte machinalement son poids sur sa jambe valide, et cela m'attriste, même si je n'en montre rien.

- OK, s'exclame-t-il enfin. Voilà le topo : on a deux shows à assurer. On va utiliser la même choré, la même musique. Merce veut que je fasse leur show à Central Park. J'en serais...

- Johnny... je l'interromps.

Il lève une main en braquant sur moi son regard fiévreux. Passionné. Je me tais.

- J'en serais, reprend-il, mais pas seul. On va préparer une choré un peu spéciale. Daryl, tu seras mon double. Il faut que tu assures un max, on a besoin de remporter le contrat !

Le jeune homme hoche simplement la tête. Je le devine impressionné, et sans doute intimidé de la charge que le « patron » vient de lui déposer sur les épaules.

John se laisse prendre par la musique encore quelques instants, puis demande à Billy de remettre au début.

Et la répétition commence. Oh, pas vraiment une répétition comme nous en avions déjà fait. Mais plutôt une création hésitante.

- Penny, viens donc là ! exige mon homme, son sourire carnassier plaqué au visage.

Sa complice, partenaire et amie de toujours se lève et vient se poster près de lui. John pivote pour se placer face à elle.

- Va falloir que tu m'aides, beauté, avoue-t-il en plaçant ses mains sur elle.

Je le reconnais : j'en suis jalouse. Même en sachant que Johnny est tout à moi, même en sachant qu'ils dansent ensemble depuis des années, je suis jalouse qu'il pose ses mains sur elle, qu'ils aillent si bien ensemble, et que moi, je n'ai pas la moitié du talent de Penny sur la piste ! Sans quoi c'est moi qui serais à ses côtés, là tout de suite !

Cependant, je me tais, et les regarde esquisser les premiers mouvements de danse. John prend appui sur elle, cela se voit énormément au départ. Mais, à mesure que la danse s'affirme et que le temps passe, cela devient plus subtil. A tel point que l'immobilité de Johnny et les pirouettes de Penny autour de lui, puis la position du couple lors de leurs évolutions communes, deviennent naturelles, évidentes et perdent leur aspect nécessaire et obligatoire.

- OK, c'est pas mal, fait Johnny après que le disque ait tourné vingt fois au moins ! Daryl... à toi !

Le jeune danseur se lève fébrilement et prend la place de Johnny. Je devine Penny renâcler à se lancer de nouveau dans la choré, cependant elle ne proteste pas quand la musique reprend. Je me coule jusqu'à mon compagnon, qui a clopiné jusqu'au mur et s'y est adossé avec un soupir avant de se laisser glisser au sol.

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