Haine inexpliquée

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La porte d'entrée s'ouvre, les pas de l'inconnu font grincer les escaliers, il n'avance pas vers ma chambre cette fois, mais continue vers la salle de bain. La poignée s'abaisse mais la porte ne s'ouvre pas, grâce à la clé dont je m'étais servie pour la fermer. Il réessaye, encore et encore de baisser la poignée mais rien n'y fait. Il s'en va. Moi, je suis complètement tramblante, les muscles contractés, dans un bain d'eau glacé qui donnerait à quiconque des frissons. Il revient, j'entends ses pas et ses souffles rauques, j'entends le cliquetis du verrou, je bloque ma respiration. La clé tourne puis tombe sur le carrelage dans un bruit qui finit de m'achever. La porte s'entreouvre.

Je suis brusquement réveillée par un cri de ma mère. Je n'arrive pas à respirer, je tremble et mes yeux sont grand ouverts. Ma mère monte les escaliers, un grincement familier se fait ressentir, ce qui me rend encore plus pétrifiée, et elle commence à me hurler dessus quand elle me voit gelée et tremblante dans un bain glacial. Elle me crie que je n'ai rien à prendre un bain à 17h, que je suis complètement irresponsable d'avoir laissé mon frère sans surveillance et que elle, à mon âge, elle devait travailler pour aider sa mère. Elle me dit également qu'elle va m'envoyer en hôpital psychiatrique car j'ai selon elle des gros problèmes mentaux. Elle s'en va et moi, je parviens après une dizaine de minute à me lever pour attrapper une serviette et me réchauffer. C'est une longue épreuve, je suis encore sous le choque, et dès que je marche sur une clé, couchée sur le carrelage, mon coeur fait un bond et mon corps se fige à nouveau. Qui a ouvert la porte? Je l'avais fermée. Je ramasse machinalement la clé et la glisse à nouveau dans la serrure puis je me dirige vers ma chambre, le regard dans le vide pour ne pas avoir à affronter la réalité.

Ce soir là, je suis entrée dans ma chambre, je me suis glissée sous les draps et je n'ai plus rebougé d'un petit doigt. Ma mère est revenue me crier dessus une fois mais j'étais perdue dans mes pensées, je n'entendais qu'un gros bourdonnement. Je me suis endormie après une insomnie de quelques heures et tout s'est passé comme d'habitude, l'inconnu, les pas, le hurlement. Toute la fin de la nuit, je me suis torturée l'esprit pour trouver une explication rationnelle à ce que j'avais vécu dans la salle de bain. Qui a ouvert cette porte? Qui? J'ai retourné toutes les hypothèses possibles et imaginables dans ma tête mais je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Je me suis rendue à l'évidence que peut-être suis-je somnambule?

Cette journée d'école était encore plus atroce que les précédentes. J'ai eu le droit à quelques coups de pied de la part de trois garçons plus âgés que moi, à des insultes écrites en grosses lettres sur mon bureau et à une convocation dans le bureau de la psychologue scolaire. C'est ma mère qui sera contente. Je vais brièvement vous raconter comment les gens ont commencés à déverser leur haine sur moi. Durant cette période de notre vie, il ne faut pas essayer de tout comprendre, ça serait une énorme perte de temps, les gens sont méchants et c'est comme ça. C'est vrai que là je mets tout le monde dans le même bateau mais il y a ceux qui font souffrir, ceux qui souffrent, et ceux qui ont peur de souffrir donc qui préfèrent se taire pour ne pas attirer les foudres de ceux qui font souffrir. Moi je n'ai pas eu de chance, il faut croire. Je suis un peu différente, certe, mais est-ce une raison valable pour me torturer et me rendre malheureuse? Mais je me répète, il ne faut pas essayer de comprendre. Les gens veulent montrer que ce sont eux les plus forts, qui si tu t'y oppose, tout va mal se passer car ils sont en dessus, c'est une véritable hiérarchie. Si quelqu'un est trop petit, trop grand, trop mince, trop gros, on s'en prend à lui. Si quelqu'un aime quelque chose d'atypique, on s'en prend à lui. Si quelqu'un à grandit dans un milieu différent du nôtre, on s'en prend à lui. Si quelqu'un n'a pas un tel nombre d'ami, on s'en prend à lui. Pour se faire aimer, il faut rentrer dans le moule, et ça ,ce n'est pas moi. Je suis différente et c'est comme ça, j'en suis consciente, donc j'accepte mon sort et je ne me plains pas. Je commence même à croire que c'est les autres qui ne sont pas normaux. Cela peut paraître horrible mais on s'y habitue... Depuis plus de trois ans, on me harcèle. Depuis plus de trois ans, je fais ces rêves étranges. Est-ce mon esprit qui se venge ? Aucune idée. Dans tous les cas, je suis devenue une jeune fille impassible, plus rien ne peut me faire du mal.

Rêve lucideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant