Retour à la réalité

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Briiiiiing

Le son de mon réveil retentit comme un coup de canon à mes oreilles. Non! Je veux y retourner, je ne veux pas affronter la réalité. Je regarde à gauche puis à droite, je suis bien dans mon lit, entièrement habillée, les pieds froids et humides et l'esprit ailleurs. Je ne veux pas sortir, je veux rester allongée jusqu'à la nuit suivante. Je suis encore en trans mais le hurlement de ma mère m'y a bien vite sorti. << Alice, bouge-toi! >> Des larmes commencent à couler, je ne veux pas aller en cours, je me lève et me dirige vers la porte pour la fermer mais à ce moment là, une main m'agrippe le poignet et me tire hors de la chambre. Pour changer, ma mère est furax, sans aucune raison apparente, juste parce qu'elle a peut-être passé une mauvaise soirée ou bien a-t-elle mal dormi, je n'en sais rien et je n'y prête plus attention. Elle me tire jusqu'à la cuisine où elle me lance sur une chaise et me pose un bol devant le nez. Je mange en silence, me lève et sors de la maison, c'était une matinée ordinaire. En traversant le quartier, je repense à ma nuit d'hier, à cette clairière, ce gigantesque arbre, cette cascade, cet étang. En marchant le long du champ, je revis ce sentiment de liberté, cette sensation d'être importante, cette impression d'être seule au monde. Tout cela ma quitta bien vite lorsque quelque chose me heurta de plein fouet le dos. Respire. Les revoilà, je les avais presque oubliés l'espace d'un instant. Je me tourne et une autre pierre vient cogner ma poitrine. Ma respiration se coupe sous le choc et le petit groupe se rapproche de moi. J'ai deux solutions : je cours ou je joue la victime. Je n'ai pas le temps de prendre une décision qu'un type a déjà sa main à ma gorge. Il sert de plus en plus, je commence à voir flou, son regard vacille vers un autre qui lui dit de me lâcher, ce qu'il fait. Je m'écroule sur les genoux, juste devant lui. Son pied se lève et vient frapper le haut de mon front. Je bascule en arrière et ne bouge plus. Pitié qu'ils s'en aillent. Je reste parfaitement immobile et j'entends le groupe se remettre en marche. Je me relève difficilement et marche tant bien que mal jusqu'au bâtiment scolaire. J'arrive à mon casier, l'ouvre et y trouve un mot. Je sais ce qu'il contient mais je regarde quand même. Une menace, pour changer. Je le chiffonne nonchalamment et le jette dessous le bloc de casiers. Toute la journée s'est passée de la même façon. J'ai eu le droit à un joli coquard, le fruit d'un coup de poing d'une fille dans les WC, à de nombreuses humiliations, en public évidemment, et une nouvelle convocation chez Joanie, je n'y suis pas allé. Je suis rentrée en courant pour ne croiser personne, mais la vie est injuste avec moi, alors je suis tombée sur ce même groupe que ce matin, je crois qu'ils m'attendaient. Ils me réservaient un châtiment semblable à celui de ce matin mais cette fois-ci, j'ai voulu me défendre, mais il y a quelque chose que je n'avais pas calculé, j'étais seule, ils étaient sept. J'ai tout de même réussi à mettre un coup de pied dans l'entre-jambe du garçon de ce matin, il n'a pas apprécié, ses amis non plus. Je vous laisse imaginer ce qu'il s'est passé ensuite.

Je me suis réveillée un peu plus tard, allongée au bord du champ, à quelques pas de chez moi. Dès que j'ai essayé de me relever, mes jambes n'ont pas supportées mon poids et m'ont lâchées, moi et ma vulnérabilité. Je suis donc restée allongée là encore quelques instants puis j'ai trouvé la force de me lever et d'avancer. Ma tête me faisait terriblement souffrir ainsi que mes jambes, j'avais du mal à respirer et mon ventre, couvert de bleus, ne supportait pas mes mouvements pourtant lents et traîneurs. Je ne me souviens pas du moment exact où je suis arrivée chez moi, l'épuisement était trop important. Je crois que j'ai marché jusqu'à la maison puis que je me suis traînée du rez-de-chaussé jusqu'à mon lit, tout est flou. Je me suis réveillée lorsque la nuit était déjà tombée, seule, abattue dans cette grande maison vide. J'ai hurlé, encore et encore jusqu'à ne plus avoir de voix, j'ai poussé tous les livres qui étaient sur ma bibliothèque d'un revers de bras, j'ai balayé toutes les affaires de mon bureau avec rage, j'ai fais basculer mon meuble, j'ai arraché la porte de mon armoire, j'ai brisé les tableaux encadrés, j'ai retourné le canapé, j'ai pété les plombs. Mon visage était rouge, les veines de mes avant-bras et de mon front ressortaient, mes phalanges étaient ensanglantées et ma vie était complètement ruinée. Respire, respire, respire. J'étais complètement en trans, ce n'était plus moi, mais ça fait tellement de bien de tout casser sans se soucier de rien du tout. Il doit être environ dix heure, il faut que j'aille à la salle de bain contempler mon visage pour ne pas faire la même erreur que la dernière fois. Horrible. Indescriptible. Mes yeux sont rouge vif, la zone autour de celui de droite est complètement noircie par les coups, mon nez et le coin de ma lèvre sont en sang, j'ai des hématomes sur le front, les bras, les jambes, le cou, le ventre, j'ai tellement mal. Je prends une douche, essaye de soigner tant bien que mal mes blessures seule et retourne me coucher mais tout mon corps est tellement douloureux que je ne parviens à m'endormir que quatre heures plus tard, la tête remplie de chagrin et les yeux imbibés de larmes.   

Rêve lucideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant