Impossible

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Briiiiiiing

J'ouvre les yeux et me retrouve allongée sur mon lit. J'ai tellement mal, partout. Mes yeux me brûlent atrocement, ma gorge c'est pire. Je n'arrive pas à faire un seul mouvement, j'ai l'impression que tous les muscles de mon corps m'ont quittée, je reste immobile. Une trentaine de minutes plus tard, ma mère me crie de descendre, ce que je ne fais pas. Elle finit par monter et entrer dans ma chambre pour me faire des reproches, elle se fige et j'aperçois un rictus d'étonnement sur son visage généralement inexpressif, sans dire un mot, elle sort. Je parviens à me lever, m'habille et part de la maison. Il est vrai que j'ai fait en sorte de partir le plus tard possible de la maison pour ne pas avoir à faire aux autres, dans mon état actuel, le moindre coup me détruirait. J'arrive devant le bâtiment juste au moment où la sonnerie retentit, sauvée. C'est dès que je suis entrée que j'ai remarqué que quelque chose n'allait pas, les regards qui pesaient sur moi étaient tellement lourds, chaque personne que je croisait murmurait quelque chose à son camarade et moi j'assiste à cela, dans l'incompréhension la plus totale, qu'ai-je fait? Je passe les deux premières heures de cours endormie, la tête dans les bras, affalée sur mon bureau au dernier rang, c'est seulement à la pause, quand je suis allée aux toilettes que tout c'est éclairé. Ce n'est pas moi que je vois dans ce miroir, ce visage balafré ne peut pas être le mien, et ces bras couvert d'hématomes et de cicatrices, et cette grosse plaie dans ce cou meurtrit, tout cela ne peut pas m'appartenir, c'est impossible. Voilà pourquoi l'expression faciale étrange de ma mère, les regards indiscrets, les chuchotements audibles tout s'explique.

La première chose que je me dis c'est : <<Comment se fait-il que personne ne soit venu vers moi?>> Et c'est à ce moment là que j'ai pris conscience de l'indifférence des gens à mon égard. Si je pars, c'est la même chose, les gens ne me verront plus et continueront de mener leur petite vie parfaite, à quoi bon rester ici, avec toutes ces personnes qui ne s'occupent que de leur petits problèmes personnels et qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ce n'est pas le première fois que j'y songe, mais je suis bien trop peureuse pour faire le grand saut, alors je garde tout cela pour moi et je vis tant bien que mal en essayant de me reposer comme je peux sur la seule personne sur laquelle je peux compter, Erwan. C'est qu'un gamin, lui ne voit pas tout ce que je vis et ne le comprendrais pas, mais dès qu'il est près de moi, je suis apaisée et presque sereine. Mais je ne le vois que trop peu, il passe la moitié de son temps chez son père. Je pourrais y aller aussi me direz-vous, mais celui-ci me déteste tellement qu'une seconde dans la même pièce et on ne me revoit plus jamais. Pour faire court, me mère et lui se sont rencontrés il y a dix-huit ans mais ne se voyaient uniquement pour passer du bon temps, un jour ils ont déconnés et moi, je me suis pointée comme une fleur mais papa n'a jamais aimé les roses. Il a tout mis sur le dos de ma mère qui aurait préféré m'abandonner dans une rue sombre et se jeter dans les bras de mon ignoble père, mais elle a quand même un minimum de bon sens et elle a décidé de me garder, je lui en suis reconnaissante. Papa ne pouvait pas accepter le fait qu'un bébé lui vole son coup, donc il m'a reniée et n'a jamais voulu me voir. Me mère et lui ont continués à se fréquenter mais uniquement pour le sexe, rien de plus, il habite deux villages plus loin, on s'est surement déjà croisé une fois. Huit ans plus tard, Erwan a débarqué et papa l'a aimé, lui. Je pourrais être jalouse mais j'ai tellement de haine envers mon géniteur que j'ai juste besoins de protéger mon petit frère de ses foudres. Il est très violent, papa, c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle maman n'habite pas avec lui, malgré cela, il témoigne de l'affection pour son fils, un peu en tous cas mais pas pour sa fille. Ma mère et moi ne parlons pas, elle me hais et a hâte que je parte de la maison. Elle est moins à la maison c'est temps donc je crains qu'elle veuille retourner habiter avec mon père, et où irait cette pauvre Alice? Ce n'est pas leur problème, c'est uniquement le mien.

Cela peut vous paraître bizarre mais mon rêve m'était totalement sorti de la tête. Il m'est revenu à l'esprit après quelques minutes de contemplation de mon reflet. Qui m'a fait ça? C'était bien un rêve non? Je me suis réveillée dans mon lit, je n'en suis pas sortie, ou peut-être que si? Cet épisode m'a immédiatement rappelé la scène de la clé sur le carrelage. Tout ça serait réel? C'est impossible! Mais en même temps, ces cicatrices étaient bien présentes, comme si je m'étais blessée depuis plusieurs jours, comme si il y avait un grand décalage entre mon rêve et la réalité, et cette plaie dans mon coup, je me souviens de la sensation de cette branche qui me griffe à l'endroit de cette marque, tout cela ne peut pas être une coïncidence... Il faut que je réessaye cette nuit, j'ai besoins de savoir.

Je me passe de l'eau sur le visage puis retourne en classe sous les regards interrogateurs de tous les élèves. La journée est vite passée, j'ai beaucoup dormi mais personne ne l'a remarqué. Après la dernière sonnerie, je suis passée à mon casier récupérer mes affaires puis je me suis dirigée vers la porte rouge du cabinet de Joanie, j'avais besoins de parler.

Rêve lucideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant