Chapitre 3

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Je me dirige vers ma chambre, la musique dans les oreilles. Je pose mon sac sur mon lit et sors mon agenda. Alors, pour demain... à oui, c'est vrai! Il me faut "Le monde de Kestya". Je me demande où il est... il doit être dans la chambre de ma mère. Ce n'est pas le moment d'y aller. Je fais mes exos de maths pour demain et une fois finis, je me dirige vers la cuisine. En passant devant l'entrée, je vois un homme d'une belle carrure embrasser ma mère et lui donner quelques billets de cinquante. Je saisi un verre et le rempli de lait. En repassant devant l'entrée, je vois ma mère, seule, qui compte les billets. Je m'approche d'elle.

- Dis-moi maman, tu sais où tu as mis "Le monde de Kestya" ?

Elle frémit. C'est sûr, je ne lui parle pas souvent. Mais je suis sûre que c'est en rapport avec le livre. Ça doit lui rappeler des souvenirs. Des souvenirs qui sont tombés dans l'oubli. Son regard croise le mien. Des yeux marrons, sans aucune vie, cachés par un surplus de maquillage. Heureusement que j'ai hérité de ceux de mon père.

- N-Non, je vais regarder dans mon tiroir.

Elle s'éloigne. Elle entre dans sa chambre et me tend un livre. C'est lui. Je caresse doucement la couverture. Je peux quasiment sentir toutes les fois où ma mère à ouvert ce livre. Je revois son regard, quand elle me racontait cette histoire qu'elle connaissait par cœur. On voyait qu'elle y croyait vraiment, que pour elle, ce n'était pas qu'une simple histoire. Je sors de mes pensées. Ma mère me regarde. Quelque chose a changé. Mais je ne sais pas quoi. Est-ce cette étincelle dans son regard?

- Élodie. Ton père n'est pas aux Bahamas.

Pardon? Mon père n'est pas aux Bahamas? Il est où alors ce con?

- Ne lui en veut pas. Il fallait qu'il parte. C'était mieux pour nous. Il ne pouvait plus rien nous arriver.

C'est fort. Très fort. Mon père n'est pas parti avec sa pute de patronne, il n'est pas aux Bahamas, il s'est juste cassé comme parce que "C'était mieux pour nous"? Trop fort.

- Il... il est parti où alors?

- C'était lui. L'homme qui vient de partir était ton père.

Je n'en reviens pas. Je n'écoute plus ma mère, je file vers l'entrée, enfile mes Vans à toute vitesse et malgré la température un peu fraîche, je ne prends pas de manteau. Je sors de l'immeuble telle une furie sous le regard étonné des passants. J'aperçois une silhouette qui ressemble à celle que j'ai vue dans l'entrée. Je commence à courir comme folle tout en criant.

- Attendez! Monsieur, attendez!

L'homme a tourné dans une impasse, il est bloqué! Je tourne dans la même impasse. Personne. Il ne peut pas habiter ici, ce n'est que l'arrière de plusieurs restaurants. Bonjour l'odeur. Seul un chat maigre comme un clou, me fixe de ses yeux affamés. Je m'approche de lui. Il me quémande des caresses. Je ne peux pas résister, je le gratouille avec mes ongles de couleur violet. Je me rend compte que dans ma précipitation, j'ai toujours mon verre de lait dans ma main. Je lui en donne un peu. Il ronronne. Son pelage roux est parsemé de cicatrices. Il ne doit pas avoir la vie facile. Comme moi. La tentation est trop forte. Je porte le chat qui ne se débat même pas. Je l'emmène jusqu'à l'appartement. Ma mère commence à me gueuler dessus, que c'est hors de question.

- Tu me dois au moins ça! lui répondis-je. Toi et ton travail dégueulasse, mon père qui se casse pour "nous protéger",  mais nous protéger de quoi bordel! J'en ai ras le cul de cette vie, je n'en peux plus.

- Garde le.

- Quoi? dis-je en m'arrêtant en pleine phrase.

- Tu peux le garder. Désolée pour cette vie Élodie.

Elle s'en va dans sa chambre. Je regarde ce chat. Mon chat.

- Comment je vais t'appeler toi? Pupuce? Mystère? Chamallow? Luciole? Luciole! Ça te va bien avec ton pelage de couleur lumineuse.

Luciole miaule. Ah oui, mais Luciole c'est plutôt féminin. Est-ce que... non, c'est bon. C'est une femelle.

- Binh alors minette, tu veux quoi?

Elle se frotte contre mes jambes. Message reçu cinq sur cinq. C'est drôle comment on devient gaga quand on a un chat. Mon téléphone commence à sonner. Je le sors de ma poche arrière et je réponds.

- Allô?

- ...

- Qui est à l'appareil?

- ...

- Mel', si c'est une blague, c'est pas drôle.

Biiiiip. Biiiiip. Biiiiip.

Le mystérieux interlocuteur a raccroché. Ça fait flipper. Ça fait vraiment flipper. Quelque chose se frotte contre mes jambes. Je sursaute.

- Miaaou!

Pfiou, c'est Luciole. Je vais lui chercher des restes. Alors que je retrouve une moitié du tranche de jambon et le fond de la bouteille de lait, ma mère m'appelle.

- Élodie, c'est une blague de ta part?

- Hein? De quoi?

- Cet appel avec une personne au bout du fil mais qui ne dit rien?

Je sens un filet de sueur couler le long de ma carte colonne vertébrale.

- Écoute-moi bien Élodie. J'ai accepté que tu prennes ce chat, je t'ai dit la vérité, ne rajoute pas ton sale caractère s'il te plaît. Alors c'est toi oui ou non?

- Non, répondis-je avec aplomb.

- Bien. J'espère que tu ne me raconte pas n'importe quoi.

Je soupire, hausse les épaules et détourne le regard. Cette mystérieuse personne détient aussi le numéro de ma mère! J'ai peur. Mais pourtant, je ne suis pas une petite fille fragile. Une seule chose me fait peur. L'inconnu, ce que je ne connais pas, ce qui n'a pas encore été découvert.

- Bon, ce soir je ne cuisine pas. Commande toi une pizza, j'ai dû travail.

Ça par contre je connais. C'est ma routine de tout les lundis soirs. J'appelle une pizzeria et finis un devoir d'histoire-géographie avec une calzone pour seule compagnie. Je m'allonge sur mon lit une fois mon sac fait. Toujours la musique dans les oreilles, je ne veux pas entendre ma mère "travailler". Que serait ma vie sans la musique? Excellente question. Je repense à ma journée. À Mel'. À Alex. À ma mère. À mon père. Quelque chose saute sur mes pieds. Je souris. À Luciole. Je ne serai plus seule chez moi maintenant. Je m'endors. Toujours et encore ma musique dans les oreilles. Dommage cette fois. Car il y aura une phrase qui m'aura échappée.

- Bonne nuit ma chérie.

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