Chapitre 10 (Épilogue)

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Dimanche 9 juillet, 20h37.

Vite, vite, vite. Courir en costard et mocassins dans une rue bondée n'était décidément pas une bonne idée. Si j'arrive en retard, elle va me tuer. Il accéléra encore. Les gens le dévisageaient tandis qu'il apercevait enfin l'enseigne de la galerie d'art. A quelques mètres de l'entrée, alors qu'il touchait au but, un jeune homme l'arrêta. Il avait la vingtaine, de grandes lunettes et de beaux cheveux bouclés sous un bonnet gris.

- Excusez-moi, vous êtes bien Colin Speed ? (Puis, sans lui laisser le temps de répondre :) J'adore ce que vous faites. Merci beaucoup !

Et en un instant, il avait disparu. Ce genre de rencontres était à présent habituel. Chaque jour, on le reconnaissait et surtout, on le remerciait pour son travail. Colin réprima un grand sourire. Il allait être en retard.

Dès qu'il eut passé le pas de la porte, des bras l'enveloppèrent.

- Colin ! Je n'y croyais plus !

Alice s'éloigna de lui, rayonnante, comme toujours.

- Merci d'être venu. Je suis tellement contente !

- Bien sûr ! Tu croyais vraiment que j'allais rater ça ?! Rit-il.

Colin était comblé. Le rêve de sa meilleure amie s'était enfin réalisé : elle exposait ses photographies dans une galerie d'art pour plusieurs semaines. Des professionnels avaient fait le déplacement et ils avaient l'air plutôt conquis.

Ils discutaient depuis plusieurs bonnes minutes lorsque le portable de l'homme se mit à vibrer.

- Je devrais peut-être aller leur demander ce qu'ils en pensent, déclara Alice en désignant un groupe venu admirer ses œuvres, à plus tard !

Colin jeta un œil à son téléphone : c'était encore Charlotte. Depuis le début de la procédure de divorce, elle le harcelait d'appels pour lui hurler dessus ou bien pleurer pour qu'il la prenne en pitié. Il avait arrêté de décrocher il y a quelques semaines, mais elle ne cessait de l'appeler. Colin soupira. Même si c'était elle qui l'avait trompé avec l'un de ses collègues et qui lui avait fait croire que sa mère était malade pour lui soutirer encore plus d'argent qu'elle ne le faisait déjà ; il se sentait mal pour elle. Lui aussi avait été peiné au début, mais grâce à Alice et à la peinture, il avait rapidement remonté la pente. Après toutes ces années, il avait enfin réalisé que c'était sa femme qui l'empêchait d'être heureux. Par contre, pour Charlotte, c'était tout l'inverse. D'après ce qu'elle disait, elle n'avait compris la valeur de l'homme qu'elle perdait que lorsqu'il était trop tard. Le plus triste dans cette histoire, c'est que son amant l'avait plaquée au moment même où Colin avait découvert leur relation. Il avait démissionné et bien sûr, embarqué tout l'argent que Charlotte et sa mère s'étaient données tant de mal à obtenir.

Colin fixa son portable jusqu'à ce qu'il s'arrête de vibrer. Il ouvrit ensuite une application pour partager ce moment important avec sa communauté. Sur Internet, les gens avaient pris l'habitude de voir Alice et Colin ensemble. Ils menaient de nombreux projets tous les deux et de plus en plus de personnes les suivaient. Le mois prochain, c'était au tour de Colin d'exposer ses œuvres dans cette galerie.

Après avoir démissionné de Speed Industries, il s'était lancé à corps perdu dans la création. Bien sûr, tout cela aurait été beaucoup plus compliqué s'il n'avait pas eu autant d'argent de côté, mais ne plus être payé par ses parents avait quelque chose d'extrêmement gratifiant. Si sa mère ne lui adressait presque plus la parole, son père se montrait plus compréhensif. Il n'avait jamais vraiment pensé que son fils était fait pour la vente. Robert essayait encore de convaincre Eve de pardonner leur fils. En effet, contre toute attente, l'argent ne venait pas encore à manquer. Au contraire, Colin n'avait jamais été aussi épanoui et apprécié du public.

Son téléphone rangé dans la poche de son smoking, il continua d'explorer l'exposition. Il était toujours aussi surpris du talent de son amie. Chaque cliché le bouleversait un peu plus. De belles couleurs, une vision des choses pertinente et des émotions. Son travail était réellement merveilleux.

Colin remarqua alors qu'un attroupement s'était formé autour de la dernière œuvre. S'il connaissait déjà la majorité de celles exposées, Alice avait souhaité lui garder la surprise de ses travaux les plus importants. Des curieux lui barrant le chemin, il eut beaucoup de difficulté à se frayer un chemin vers la pièce finale de l'exposition ; et lorsqu'il la vit, il resta bouche bée.

C'était une simple table. Là où ils s'étaient rencontrés.

Autour de la tableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant