Souvenirs de Thunder Mesa

Chambre à louer

Je l'ai trouvée à l'étage, dans l'encadrement d'une porte, les bras croisés, dans une impatience plus amusée qu'autre chose. J'ai dépassé le poivrot qui dormait au bord du vide, et l'ai rejointe : « Va falloir être plus rapide que ça pour s'occuper des chevaux! »

Je suis entré dans la chambre. Je m'attendais à un placard à balais, avec un coussin et un tas de paille, mais voilà que je découvrais une chambre des plus spacieuses, aux murs et au plafond aussi richement décorés que le reste du bar. Une version plus petite du lustre de la grande salle pendait au plafond. D'épais tapis, sélectionnés avec goût, couvraient le sol. Et, contre un mur, un grand lit à baldaquins avec des draps rouges qui avaient l'air d'être faits du plus précieux des textiles.

« Wow... Qu'est ce que c'est que ça? »

Miss Diamond a levé un sourcil et s'est mise à rire. Derrière elle, j'entendais d'autres rires, masculins et gras, qui dissonaient avec la chaleur franche de celui de la tenancière; les clients du Lucky Nugget ont dû décider que l'agitation que je créais dans leur calme routine était suffisamment intéressante pour monter jusqu'ici, me voir m'humilier encore. Cela dit, c'était une question stupide. Je savais à quoi servent les chambres du premier étage dans les Saloon, et je pouvais d'ailleurs voir une coiffeuse dans le coin de la salle. Je n'avais simplement jamais rien vu de tel. Je repense maintenant au spectacle que je devais donner; l'étranger perdu, qui se retrouve dans la chambre de prostituée qu'il va habiter les deux prochains mois et qui ne comprend pas ce qui lui arrive. J'ai du donner une sacrée première impression. J'ai néanmoins essayé de garder la face :

« Vous avez sorti le grand jeu partout on dirait.

- Oh oui ! Mes filles étaient très réputées. Alors que Thunder Mesa était encore une ville qui grouillait de monde, même les gens des villes alentours faisaient le voyage jusqu'ici pour passer un moment avec elles.

- Elles sont parties maintenant?

- Oh non, mais elles ont leur propre nid en ville. Elles travaillent toujours avec moi, mais vu que plus grand monde ne passe par ici, les services qu'elles proposaient sont plus tellement demandés, du coup elles font d'autres choses. » J'ai remarqué qu'elle avait naturellement dit qu'elles travaillaient avec elle, et non pour elle, « bref, ces chambres ne me servent plus pour le moment. Vous pouvez avoir celle-ci avant de commencer à servir à quelque chose dans cette ville. Je vous laisse vous installer, j'ai du travail, on se revoit pour le dîner! »

On ne s'est pas revus pour le dîner. Après qu'elle aie refermé la porte, je me suis retrouvé seul dans cette chambre où, comme partout où je me rends, je ne fais que passer. J'ai dormi jusqu'à maintenant.

Ma montre indique à présent presque une heure du matin. Je ne sais pas si je trouverais le sommeil à présent. Déjà parce que j'ai beaucoup dormi cette après midi, mais aussi, -et surtout, parce que, si tout à l'heure je suis tombé de fatigue, maintenait je ne peux m'empêcher de penser à qu'il se passait dans ce lit avant que je ne l'occupe...

Je suis content d'avoir rencontré Miss Diamond Lil'. Son visage accueillant et bienveillant a rendu mon arrivée ici plus douce, j'ai l'impression d'avoir un repère. C'est une brave personne. Demain matin, je partirais explorer la ville. Mais, maintenant, je me tiens sur le balcon extérieur - auquel ma chambre me donne accès-, j'ai une vue impressionnante sur la ville endormie. En face de moi se dresse, immense, menaçante et inquiétante, la fameuse Grande Montagne qui abrite l'ancienne mine. Alors que ce mastodonte obscur m'écrase de toute sa hauteur, semblant m'inviter vers ses entrailles profondes maintenant ouvertes, et que le vent qui passe à travers ses différentes ouvertures renvoie un son lourd, grave, presque comme un rire; je ne peux m'empêcher de penser quelque chose ne va pas à Thunder Mesa. Je n'arriverais définitivement pas à dormir cette nuit.