Souvenirs de Thunder Mesa

Un réveil difficile

19/06/1879 - Quelle journée j'ai eue hier ! Comme je l'ai prévu, j'ai très peu dormi lors de ma première nuit à Thunder Mesa. Malgré le lit confortable, la gentillesse de Lil' - c'est comme ça qu'elle veut qu'on l'appelle-, la tranquillité de la ville, je ne trouvais pas le sommeil, la nuit m'a amené une certaine angoisse que je n'arrivais pas à oublier, comme si c'était dans l'air. Je mets sur le compte de la nouveauté, il n'est jamais commode de dormir dans un endroit que l'on ne connait pas. Je suis resté dans mon lit, essayant de me rassurer et de ne penser à rien. En me relevant, lorsque les rayons du soleils étaient assez forts pour que j'estime qu'il était temps de sortir du lit, j'ai pu voir mon reflet dans la coiffeuse. Ce n'était pas réjouissant; on aurait dit que ma peau avait été tirée sur mon visage, me laissant avec des yeux exorbités, des joues creusées et une barbe inégale. J'avais mal à la tête, et peinait à me tenir debout. Je suis descendu dans la salle principale du saloon, qui était entièrement vide. J'étais quelque peu rassuré. J'aurais été gêné que Lil' me voit ainsi, je n'étais franchement pas présentable, la magnifique salle du Lucky, maintenant vide, avait une atmosphère différente, elle sentait la nostalgie, on aurait dit que la salle voulait représenter cette ancienne époque prospère, elle en était la capsule temporelle. C'était un peu étrange.

Sur le comptoir se trouvaient une assiette avec deux oeufs sur le plat, un verre de whisky et un petit rectangle en acier. En m'approchant, j'ai vu un petit mot coincé sous le verre :

« En voilà un qui n'a pas dormi depuis des lustres ! Ne commencez pas la journée le ventre vide, vous n'avez pas diné. Vous trouverez aussi un petit cadeau de ma part pour vous souhaiter la bienvenue.

Bonne journée,

Lil' »

A côté de mon repas, j'ai effectivement pu voir le rectangle d'acier de plus près, il s'agissait d'un étuis à cigarette, qui portait sur le dessus une gravure qui représentait Big Thunder Mountain avec, sur le côté, la silhouette du manoir se dressait sur la colline. J'avais entendu parler très rapidement de ce manoir qui, comme l'essentiel de la ville, était à l'abandon, mais depuis mon arrivée la veille, je n'y avais prêté aucune attention particulière. Une inscription était lisible sous la montagne : « Hurry Back ! »

En finissant de manger mes oeufs, je décidais qu'il était temps d'aller rencontrer la ville que j'allais habiter pour un temps indéfini. J'ai bu mon whisky d'une traite, et ai ouvert l'étuis à cigarettes. J'y ai trouvé dix cigarettes, soigneusement roulées; cette délicate attention me fit plaisir, mais me laissa également une impression douce-amère. La manière dont Miss Diamond tenait absolument à ce que je me sente le bienvenue, alors qu'elle ne me connaissait depuis moins de 24 heures, me mettait mal à l'aise. Je n'arrivais pas à déterminer si elle était vraiment simplement sympathique, ou s'il y avait quelque chose de désespéré dans son geste, comme si elle voulait absolument sauver sa ville perdue, ou son souvenir de cette ville. Néanmoins, j'ai pris une cigarette et ai poussé les portes battantes. Le soleil m'a écrasé la peau dès que j'ai mis le pied dehors, c'était agréable. En plein jour, Big Thunder Mountain n'avait plus rien d'inquiétant. Elle était même plutôt belle, témoin de la nature brute et sauvage de cette région. Ce qui hier soir était oppressant se révélait ici majestueux. Pour la première fois depuis mon arrivée ici la veille, je me dis que je pourrais être bien ici. Alors que cette montagne avait été le nerf de l'industrie autour de laquelle s'était développée cette ville, elle était, après la déchéhance profonde qu'avait connue Thunder Mesa, la seule chose qui n'avait pas l'air délabrée ici. J'aimais ce pied-de-nez de la nature qui ne peut être domptée. Cette montagne narguait le reste de la ville. Je souriais en pensant à ça, alors que je soufflait ma fumée et faisait quelques pas en avant. Alors, j'ai pu enfin le voir, sur ma gauche : le manoir.