Le Secret d'Henri - L'inconnue du Café Obscur

Chapitre 1 : Rentrée scolaire

Bip bip bip bip...
Je tend mon bras pour faire taire mon réveil et me frotte les yeux. La nuit a été difficile. Je n'ai pas réussi à trouver le sommeil avant le petit matin, m'imaginant tous les scénarios possibles pour cette nouvelle rentrée scolaire. Quelle idée m'est passée par la tête de m'inscrire dans le lycée de Lyla? C'est un risque énorme qui risque de griller ma couverture. C'est peut-être pas l'idée du siècle... Non, ce n'est définitivement pas l'idée du siècle. Mais voilà bientôt un an que Lyla m'obsède. Sa voix, l'éclat de ses yeux, son insouciance, son rire, chaque élément est gravé au plus profond de ma mémoire. Mais chaque jour, ces images et ces sons s'effritent un peu plus.
Je n'ai pas dit à papa pourquoi je souhaite intégrer ce lycée précisément. D'ailleurs, il vaudrait mieux qu'il ne l'apprenne pas, car c'est une vraie connerie je l'avoue. Mais il est trop tard pour reculer. Il me faudra être extrêmement prudent et laisser une distance entre mes camarades et moi. Entre Lyla et moi... Cette idée m'enchante moins. Mais je ne peux plus prendre ce risque, Mélanie m'en a apporté la preuve. Mon intuition a été bonne lorsqu'elle a voulu que je me déguise plus en Jay en dehors de mes concerts et interview. Elle a fini par accepter de me voir uniquement maquillé, portant les bijoux et les vêtements de Jay. Elle avait honte de moi. Certes, ma couverture m'oblige à me coiffer et m'habiller de manière très simple, mais à l'abri des regards, je peux me promener en tee-shirt, sans lunettes et décoiffé. Or, ça ne lui suffisait pas. Alors j'ai préféré rompre. Heureusement qu'elle a signé une clause de confidentialité, sinon, je pense qu'elle m'aurait vendu à la presse pour se venger.
Je sors de mes pensées et me lève. Après une douche rapide, j'enfile des vêtements piochés au hasard dans mes vêtements. Devant cet assemblage quelque peu anarchique, j'échange mon teeshirt à manches longues marron contre un blanc. Le mix tee-shirt à manche longues sous un tee-shirt à manches courtes est le meilleur moyen de dissimuler mes muscles. Ce n'est pas ce que j'aimerais porter certes, mais je n'ai pas le choix.

Arrivé sur le parking du lycée, je coupe le contact de ma voiture et pose la tête contre mon appuie-tête en soufflant. Il n'est pas trop tard pour faire demi-tour... Non, je veux revoir Lyla et passer mon bac. Rassemblant mes forces, je sors et me dirige vers l'énorme grille verte, mon sac négligemment jeté sur l'épaule. Je consulte mon téléphone en entrant dans le hall. J'ai vingt-cinq minutes d'avance. Le hall est presque désert, seuls quelques groupes de jeunes discutent calmement. Je me dirige vers le tableau d'affichage pour y chercher mon nom. Et celui de Lyla. Je trouve d'abord le mien... Puis celui de Lyla. Sur la même feuille. Dans la même classe. Cette nouvelle m'arrache un petit sourire. Content, je me dirige vers le coin le plus calme du hall et sors un bouquin de mon sac pour commencer à me plonger dedans.
Au bout de quelques minutes, le hall commence à se remplir. Je tente un coup d'œil au dessus de mon livre pour vérifier que personne ne m'a reconnu, mais personne ne me regarde. Je suis transparent. Certes, je suis de nature solitaire, mais être ignoré est parfois un peu difficile à vivre. Mais c'est un sacrifice que j'ai dû faire pour pouvoir vivre mes deux rêves, chanter et devenir écrivain. Être connu dans le monde entier et suivre des études littéraires incognito sont deux choses diamétralement opposées.
Tout à coup, une voix me tire de mes pensées. Sa voix. Douce, mélodieuse et incroyablement sexy. Je lève la tête d'un coup et scrute la petite foule qui a envahi le hall pour trouver sa provenance. Et je la vois. Elle est là, magnifique, éblouissante, rayonnante. Encore plus belle que je ne me l'étais imaginée. Ses longs cheveux châtains tombent en cascade le long de son dos. Sa silhouette gracile se dandine tandis qu'elle sautille près d'une fille et d'un garçon. Se pourrait-il que ce soit son petit-ami? Je l'ignore. Cette idée assombrit le soleil qui rayonne dans mon cerveau. Je ne peux détacher mes yeux de Lyla. Je n'ai passé que quelques instants avec elle, mais d'un coup la vérité me frappe de plein fouet. Elle m'a manqué. Elle m'a terriblement manqué. Sa présence m'apaise, mais elle me fait mal également. Je voudrais l'approcher, l'écouter, lui parler, la toucher, me plonger dans ses si beaux yeux qui me hantent depuis des mois... Non Henri, stop. Tu te fais du mal pour rien. Je me suis interdit de l'approcher. Et je respecterai cette limite. Tout à coup, elle tourne la tête vers moi. Aussitôt, je replonge dans mon livre en enfonçant ma tête dans mes épaules. Mon cœur bat d'une manière anarchique. Merde, elle a un effet instantané sur moi. L'image de ses grands yeux verts me regardant à travers ses longs cils danse sur les pages de mon livre. J'entends des bribes de sa conversation avec ses amis.
« Il est nouveau non ? Demande la petite voix de Lyla.
- Je pense, je ne l'ai jamais vu ! Répond sa copine.
- Moi non plus. Répond à son tour le garçon.
Je n'arrive pas à entendre la suite, un groupe de filles passe entre eux et moi en riant comme des hyènes.
- Pfff regarde ce looser ! S'écrie la première, assez fort pour attirer l'attention.
- Arrêtes tu vas le faire pleurer !
- T'inquiètes, il a son meilleur ami livre pour le consoler !
Pfff... Pauvres filles. Vous êtes pathétiques. Je sens un regard peser sur moi. Je lève les yeux et croise ceux de Lyla, remplis de peine. J'en envie de la prendre dans mes bras et de lui dire de ne pas s'inquiéter, que ce genre de remarques me passent par dessus la tête. Mais jamais je ne pourrai lui dire, et encore moins la serrer contre moi. Je me l'interdis. Je ne veux pas l'impliquer dans mon secret, c'est bien trop compliqué à vivre. Je me contenterai de rester loin d'elle en m'autorisant seulement quelques regards lorsqu'elle aura le dos tourné. La cloche sonne, me ramenant à la réalité.

La journée a passé rapidement, un peu trop même à mon goût. Nous avons enchaîné les heures de cours, écoutant nos professeurs se présenter et nous rappeler à quel point cette année est cruciale. En effet, elle l'est. J'ai dû gâcher ma première année de terminale pour partir en tournée, ce qui a été magique, je le reconnais, .ais j'ai eu tellement peur de ne jamais pouvoir reprendre les cours pour passer mon bac et faire des études littéraires... J'en rêve, et même si je pourrais me contenter de la scène, je voudrais aussi pouvoir écrire. Ça me ressemble plus d'un côté.

En arrivant à la maison, je me remémore le doux regard de Lyla. J'ai tellement hâte d'être à demain pour la revoir. Je suis complètement fou de l'avoir fait rechercher par l'un de mes gardes du corps et de m'être inscrit dans le même lycée qu'elle. Elle penserait sûrement que je suis un psychopathe si elle l'apprenait. Je ris à cette idée, m'imaginant ses grands yeux surpris.
- Eh bien fiston, qu'est ce qui te met de si bonne humeur? Entres, je t'en prie, tu es chez toi ! S'exclame mon père, un grand sourire éclairant son visage.
En effet, j'étais tellement absorbé par mes idées, que je suis resté dans l'entrée de la maison, le sac sur l'épaule, à sourire comme un benêt.
- Désolé papa, je pensais à un truc. Ça a été ta journée? Tu as pu avoir M. Jones pour l'enregistrement ?
- Oui, il passera après demain en début d'après midi.
- Mais j'ai cours ! Malgré moi, j'ai presque crié en lui répondant. L'enregistrement était initialement prévu pour samedi matin.
- Tu iras au lycée le matin... Tes professeurs pourront sans doute te donner les cours que tu auras loupé à ton retour, me répond mon père, l'air désolé.
Je soupire, visiblement déçu et monte dans ma chambre, prétextant un devoir à préparer à mon père. Je vais déjà devoir louper des cours... Cette idée ne m'enchante pas. Même si c'est pour enregistrer ma nouvelle chanson, j'aurais préféré faire ça le week-end. En arrivant dans ma chambre, je pose mon sac près de mon bureau, et m'assois sur le bord de mon lit en retirant mes lunettes. Instantanément, mes pensées se tournent vers Lyla. Elle a été si rayonnante aujourd'hui. Elle semblait vraiment heureuse de retrouver ses amis. En plus, j'ai cru que comprendre que le garçon, Clément je crois, n'est pas son petit-ami. Cette idée me réconforte. Allez Henri, ne te fais pas de films. Pour me changer les idées, je décide d'aller courir. Ça calmera peut-être mon esprit un peu trop préoccupé par ma belle inconnue.