Chapitre 13 : Moment de vérité

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Je ne peux réprimer un sourire face à son air ahuri.
- C'était moi dans le café sans électricité.
Je l'attire à nouveau contre moi et elle se laisse faire, sûrement trop surprise pour réagir.
- Je vais tout t'expliquer, mais ça va peut-être te faire un choc d'apprendre autant de choses d'un coup.
- Je pense que je suis prête.
- Bien. Comme je le disais, la première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était ce soir de tempête. Un soir que je ne pourrai jamais oublier, et pourtant j'ai essayé tu peux me croire. Jamais je ne pourrai effacer cette image que j'ai de toi, complètement trempée, les bras levés vers le ciel. Tu étais si drôle à voir... Et puis comme tu le sais, nous avons discuté et tu m'as beaucoup appris sur moi-même. Tu m'as vraiment aidé ce soir là, je ne sais pas si tu t'en es rendue compte sur le coup.
- Alors tu parlais de quoi?
- J'y viens... Je disais donc que tu m'as aidé à y voir plus clair. Je me sentais rassuré près de toi. Les jours ont passé et je ne pouvais pas oublier l'éclat qui faisait briller tes yeux, ta voix. Tu m'as envoûté ce soir là Lyla. Je ne te voyais pas sous ta grande capuche, mais je savais au plus profond de moi que tu étais merveilleuse.
- Alors... C'est pour ca que tu te caches? Tu ne voulais pas que je te reconnaisse?
- C'est plus compliqué que ça...
Tout à coup je ne trouve plus les mots. La vérité me semble tout à coup impossible à avouer. Remarquant mon hésitation, Lyla se redresse et plante ses grands yeux verts dans les miens.
- Je ne te jugerai pas Henri.
Je prends plusieurs longes inspirations pour tenter de calmer les battements affolés de mon cœur.
- Ce n'est pas pour ça... J'ai tout intérêt à me cacher si je veux préserver ma vie privée...
Lyla me regarde sans comprendre. Elle tente de m'aider.
- Pourquoi? Qui es-tu?
Je commence à voir la peur déformer ses traits.
- Je... On... Je suis Jay.
J'ai lâché le morceau d'une traite. J'ai l'impression que ces trois mots résonnent dans toute la pièce. Trois mots difficiles à avouer. Trois mots qui peuvent tout changer.
- Tu es Jay...
Lyla répète mes mots, sans réagir, comme pour assimiler ce que je venais de dire. Je sais que derrière son calme apparent, son cerveau doit bouillonner. Je lui raconte alors toute mon histoire.
- J'ai toujours été passionné de musique. Un jour un producteur m'a repéré et j'ai enregistré mes premières chansons. Tout s'est enchaîné très vite et le succès était au rendez-vous. Le soir de Noël, j'étais en Jay pour tourner une vidéo pour ses fans. J'ai eu envie de prendre l'air et c'est là que nous nous sommes rencontrés. Le choix que tu m'as aidé à faire sans le savoir a été le plus important de toute ma vie je crois. J'ai fait ma première tournée mondiale peu de temps après. Mais si je tiens autant à mon anonymat, c'est que j'ai un autre rêve en parallèle. Je souhaite obtenir mon bac, suivre des études de littérature pour devenir écrivain. Et pour te dire vraiment toute la vérité, ce n'est pas par hasard si je me suis retrouvé dans ton lycée... J'ai usé de mes contacts pour retrouver ta trace. Au début, je voulais juste te revoir, et puis on s'est parlé, on s'est rapprochés... Et j'ai fini par craquer et t'embrasser. Je ne le regrette pas, loin de là, mais les choses sont devenues de plus en plus difficiles. Mon secret, mes sentiments, tout était dur à supporter...
Elle reste muette quelques secondes. Je lui laisse le temps d'encaisser, tout en la regardant, inquiet. Elle prend finalement la parole.
- Donc... Comme je te vois là... Comme je te connais... Ce n'est qu'un déguisement?
Je souris, légèrement soulagé.
- Non c'est Jay le déguisement.
Elle fronce les sourcils, perdue.
- Laisse-moi t'expliquer. Jay est... Un personnage public au travers duquel, moi Henri, j'exerce ma passion. Jay et moi nous sommes différents. Très différents. Tu as déjà remarqué que lorsque nous sommes seuls, je ne suis pas comme au lycée ou à l'extérieur?
Lyla hoche la tête en signe d'approbation et je reprends.
- Je suis vraiment moi lorsque nous sommes seuls. En public, je me camoufle pour ne pas être reconnu. Mais avec toi, je peux être vraiment moi. Je ne t'ai pas encore tout montré de moi car je ne voulais pas te brusquer. Mais le Henri que tu connais est celui qui est le plus proche de ce que je suis vraiment... Crois-moi... Jay, c'est de la comédie. Ma réalité, c'est ça, c'est nous.
Je la vois réfléchir intensément.
- Tu souhaite me poser des question ?
- Tu m'as espionnée?
Je ris devant mon air contrarié.
- Non, bien sûr que non. Même si l'idée était tentante, je n'aurais pas pu violer ton intimité de la sorte.
- Comment tu m'as retrouvée alors?
- Grâce à quelques informations que tu m'avais données au café. L'un de mes gardes du corps a pu retrouver ta trace grâce à différents logiciels de recherche. C'est tout à fait illégal je dois te l'avouer. Mais tu n'as jamais été espionnée une seule seconde.
- Tu as des gardes du corps?
- Oui, ils sont trois.
- On te reconnaît souvent?
- Au début, ça arrivait et la situation était difficile à gérer. Donc avec mon père, nous avons trouvé la solution pour me camoufler un peu. D'un côté Jay est très maquillé, et de l'autre côté, je ne sors qu'avec un look assez... Particulier.
- C'est à dire?
- Les lunettes, la coiffure, les vêtements... C'est pour ne pas attirer l'attention sur moi.
- Je pourrai te voir euh comment dire... Normal?
- Oui bien sûr. Même maintenant si tu le veux.
Elle semble tout à coup mal à l'aise. Je cherche à capter son regard pour l'inciter à me parler.
- Je... J'ai un peu peur que...
Elle ne trouve plus ses mots. Elle semble même déboussolée. Je serre ses mains dans les miennes.
- Lyla, tu peux me dire tout ce que tu as sur le cœur. C'est moi, Henri. Je suis là.
- D'accord, montre-moi.
Je caresse sa joue avant de me lever et de me diriger vers mon dressing. J'en sors un jeans et un polo noir, puis les enfile dans ma salle de bains. Je me décoiffe. J'avais déjà pris l'habitude de retirer mes lunettes en présence de Lyla. Je me regarde dans la glace. Des mèches de cheveux retombent sur mon visage crispé. Mon polo moule mes biceps et mes pectoraux. Je suis à la fois soulagé et gêné de m'exposer ainsi à Lyla. Que va-t-elle penser de moi finalement? Je sors doucement de la salle de bains. Elle ne m'a pas vu, elle est affairée à triturer ses bagues, les mains tremblantes. Je viens m'asseoir près d'elle, ce qui la fait sursauter. Elle me dévisage, puis ses yeux détaillent ma tenue. Elle prend enfin la parole, mettant à fin à ma douloureuse attente.
- Tu es toi finalement. En encore mieux.
Je souris et laisse échapper un soupire, soulagé.
- J'avais peur que tu reviennes maquillé... Avoue-t-elle, rouge comme une pivoine.
Cette fois je ne peux contenir le fou rire qui commence à monter en moi.
- Non Lyla je... Ahahah excuse-moi, c'est juste que... Ahahah... J'avais peur de ta réaction, mais tu m'as déstabilisé. Non je ne me maquille pas. C'est Jay qui est maquillé.
- Tu en parles comme si c'était quelqu'un d'autre.
- C'est ainsi que je vois les choses. Et le verbaliser m'aide à m'y retrouver. Comme je te le disais, Jay n'est qu'un personnage public que j'utilise pour chanter.
- J'avais peur que tu ne sois qu'une façade...
- Non, c'est moi... Lyla... Est-ce que tu m'en veux?
Je la dévisage, inquiet. Mais son expression ne trahit rien et son silence devient pesant. Je commence à paniquer. Mais pour toute réponse et contre toute attente, Lyla se jette sur moi, me faisant basculer sur mon lit et m'embrasse.

Le Secret d'Henri - L'inconnue du Café ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant